Le comité SOS Expulsion exige un quota dans la prochaine opération de relogement qui concernera quelque 20 000 familles. Le nombre de familles expulsées augmente. Avec l'arrivée du froid, leur désarroi est de plus en plus grand. Dans la seule wilaya d'Alger, plus de 700 familles expulsées ont été recensées. «A ce jour, nous avons reçu plus de 700 dossiers. Ces cas concernent les familles qui se sont présentées chez nous. Je suppose que ce chiffre est plus important. Au niveau national, nous avons affaire au double du premier chiffre, soit plus de 1400 cas», relève Salmi Hakim, président du comité SOS Expulsion. Créé en 2009 et hébergé par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), le comité a signalé une «inflation» de cas d'expulsion ces derniers mois. «Il ne se passe pas un jour sans que notre comité recense de nouveaux cas d'expulsés. La justice rend des décisions à tour de bras et quelquefois des erreurs sont commises par les juges qui ne tiennent même plus compte des documents versés au dossier par les familles. Que justice soit faite, mais nous voulons que cette justice ne laisse pas sur le carreau des gens qui ont des arguments à faire valoir», souligne M. Salmi, qui égrène les nombreux cas de familles qui se sont retrouvées dans la rue du jour au lendemain et sans soutien. Plusieurs communes d'Alger, de Kouba à Bordj El Bahri en passant par El Harrach ou La Casbah d'Alger, connaissent un nombre croissant d'expulsions. Les APC, acculées par les demandeurs, ne peuvent rien faire. Dans la commune de Belouizdad, près de 200 familles expulsées ont été recensées par les services sociaux. «Nous avons recensé à ce jour (l'entretien date d'il y a une semaine, ndlr) 128 cas de familles expulsées avec un jugement définitif rendu depuis le deuxième trimestre de 2012. 60 autres cas sont au dernier stade. Des procédures sont engagées par les héritiers contre ces familles qui se retrouveront sûrement sans toit. Lorsqu'on sait que 73,73% du parc immobilier dans notre commune appartiennent au privé, j'imagine le nombre de cas d'expulsés qu'on devra traiter», nous a indiqué la P/APC de Belouizdad, Dehina Naïma, qui assure qu'elle est impuissante devant cette situation. Certaines familles occupent des terrasses ou des caves, quand ce n'est pas une tente sur un bout de trottoir. «Les gens ne savent même pas qu'ils ne sont pas propriétaires, certains n'ont pas déposé de dossier pour obtenir de logement. Au n° 3 Mohamed Douar, plus de 70% des locataires d'un immeuble ont été expulsés. La loi permet aux propriétaires de récupérer leur bien. cependant, l'Etat doit mettre des quotas à la disposition des familles», estime Mme Dehina qui fait remarquer que 251 familles ont occupé des terrasses et 87 autres des caves. Pas de trêve hivernale ! La trêve hivernale qui devait entrer en vigueur de la mi-novembre à la fin mars n'est guère appliquée. «La trêve est un mot creux. Elle n'est jamais appliquée. L'huissier de justice qui assure qu'il est là pour faire exécuter les décisions de justice n'en a cure. Les familles se retrouvent dans la rue quelles que soient les conditions climatiques», s'indigne le président du comité SOS Expulsion, qui s'étonne de la passivité des pouvoirs publics (ministère de la Justice, wilaya, APC). «Qui se soucie d'une personne expulsée ? Elle peut parfois compter sur le soutien de sa famille, mais jusqu'à quand peut-elle compter sur cette solidarité ? La location n'est plus possible avec la flambée des loyers. Les divorces augmentent, la déperdition scolaire aussi. Pourtant, il est dit dans notre Constitution que la famille bénéficie de la protection de l'Etat et de la société (art.58). Il n'en est rien. Même la société civile que nous représentons n'est pas prise en considération quand elle envoie du courrier aux différentes autorités. Nous interpellons les hautes autorités pour qu'il soit mis fin aux expulsions abusives», relève M. Salmi. La prochaine opération de relogement de 20 000 familles ne prévoit pas un quota pour les familles expulsées. La cible prioritaire de la wilaya est la population qui occupe des bidonvilles, des terrasses ou des IMR (Immeubles menaçant ruine). «Les familles ne construisent pas de baraques et respectent les lois de la République. Nous exigeons que les familles expulsées soient prioritaires dans les futures opérations de relogement. Un quota doit être réservé à cette catégorie fragilisée de la société», signale M. Salmi.