C'est un fait avéré, connu et reconnu de tous, et que les autorités n'ont jamais réussi à endiguer l'augmentation vertigineuse des prix des denrées alimentaires à l'approche et durant tout le mois sacré. Le phénomène a pris une telle ampleur que même le Conseil des ministres, qui s'est réuni mercredi, y a consacré une partie de ses travaux. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui, selon le communiqué publié, s'est longuement exprimé à ce sujet, a insisté sur le fait qu'« 'aucune règle de liberté du commerce ne doit être invoquée à l'avenir pour justifier la limitation des capacités de l'Etat à imposer des pratiques commerciales loyales et à réprimer les spéculations qui nuisent aux citoyens ». Cette déclaration, jugée comme populiste par certains, a fait sourire plus d'un commerçant dans les marchés hier. Pourquoi ? « Tout simplement parce qu'ils savent très bien qu'ils ne peuvent pas grand-chose pour réguler les prix des produits non subventionnés », dira l'un d'eux, possédant un étal à Meissonnier, ajoutant : « Toute cette agitation médiatique, comme les campagnes de sensibilisation menées à la veille du Ramadhan et les "inspections" ne sont que de la poudre aux yeux, dans le seul but de faire mine d'activer à la protection du citoyen. » Pourtant, le gouvernement semble conscient des facteurs qui mènent « conjoncturellement » à cette saignée des ménages. Preuve en est cet aveu émis durant le Conseil des ministres. Ainsi, « la maîtrise de la régulation du marché, notamment à l'occasion du mois de Ramadhan, a révélé ses limites, face aux effets de la libéralisation incontrôlée des circuits de distribution, aggravés conjoncturellement surtout par des pratiques spéculatives et parasitaires au détriment des citoyens et à l'encontre de la portée spirituelle du mois de Ramadhan ». Les spéculateurs, seuls responsables ? La réaction des marchands quant à cette déclaration est cinglante : « Comment osent-ils affirmer avoir décelé l'origine du problème et assumer leur incapacité à mettre de l'ordre dans l'anarchie qui prévaut dans le milieu ? », gronde un détaillant de fruits et légumes à Meissonnier. « Les pouvoirs publics sont totalement absents du terrain. Ils ne font, contrairement à ce qu'ils réitèrent régulièrement, aucune visite d'inspection, de contrôle ou d'assainissement », déplore son voisin d'étal. Ainsi, comme rapporté par tous, des spéculateurs, des intermédiaires et même des « mafieux » activent dans le secteur, sans être le moins du monde inquiétés et contribuent au renchérissement des prix de vente des marchandises. « Ils mettent de côté des stocks de marchandises, afin de créer des tensions sur tel ou tel produit. Ensuite, au moment opportun, ils les remettent en circulation, exigeant des acheteurs des prix exorbitants », racontent-ils en chœur. Et c'est d'ailleurs, selon certains commerçants rencontrés, en agissant sur ces « individus » que l'Etat pourra effectivement réguler un tant soit peu le marché et avoir un quelconque contrôle sur les prix pratiqués. « Nous sommes dans une économie de marché, non ? Les autorités n'ont pas le pouvoir de fixer les prix affichés sur les étals, mais elles déclarent vouloir le faire. Cependant, ce que le gouvernement devrait vraiment faire est de mettre de l'ordre dans l'anarchie et le désordre qui régissent tous les secteurs en Algérie », analyse un autre vendeur de maraîchers à Belouizdad. Et cela ne pourra être accompli qu'une fois que les autorités compétentes s'attelleront, entre autres, à normaliser toutes les activités commerciales et à régulariser ou à mettre un terme au commerce informel. De même, il est indispensable de mettre en place un réel cadre et des mécanismes commerciaux effectifs, à même de contribuer à l'émergence d'une concurrence saine, elle seule capable d'offrir aux consommateurs des prix raisonnables.