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Un dispositif suranné, un anachronique alibi
Publié dans El Watan le 16 - 06 - 2011

En revendiquant — pour les premiers, l'abrogation du service civil, et pour les seconds, un statut particulier qui les restaure dans leur dignité — ils mettent en lumière l'obsolescence d'une politique de santé prisonnière des choix idéologiques faits par l'Etat algérien au début des années soixante-dix. Une idéologie socialiste qui a opté pour une «médecine gratuite et à la portée de tous les citoyens». Un choix en son temps, sans doute, généreux mais qui est aujourd'hui suranné et anachronique, parce qu'il ignore totalement les mutations fondamentales qui ont émaillé l'évolution de l'environnement économique national.
Il est actuellement loisible de constater que la médecine n'est plus gratuite, qu'elle est de moins en moins de bonne qualité et qu'elle n'est pas à la portée de l'Algérien lambda. Les pouvoirs publics le savent, les citoyens et les médecins également. Pour autant, au ministère de la Santé, on s'obstine à garder le regard détourné de cette réalité et — pour faire croire à l'Algérien, en particulier celui qui réside à l'intérieur du pays, que l'on a le souci de sa santé — l'Etat s'agrippe à un dispositif injuste qui fait obligation, aux seuls médecins spécialistes, d'accomplir un service civil obligatoire pour avoir joui gratuitement de l'accès à l'université. C'est là un argument démagogique et une véritable hypocrisie. Pourquoi, de tous les cadres du pays qui ont bénéficié d'un «enseignement universitaire gratuit», seuls les médecins ont l'obligation d'accomplir le service civil ? N'a-t-on pas besoin, à l'intérieur du pays, d'ingénieurs, architectes, juristes, etc. ?
Les médecins résidents ont pour mission de soigner les personnes et ils ne répugnent certainement pas à aller prendre soin de leurs compatriotes qui vivent à l'intérieur du pays. Mais chacun sait que les structures de santé de ces régions ne disposent pas des moyens indispensables pour accomplir cette tâche.
Une situation qui est régulièrement dénoncée par les citoyens et les médecins qui ont eu à y travailler. Ces praticiens ne veulent pas servir de boucs émissaires aux défaillances flagrantes d'un système de santé qui ne peut pas offrir «un plateau technique minimum», en mesure de répondre à la demande de soins spécialisés des malades. Et s'ils exigent de bonnes conditions pour exercer leur métier, c'est parce que cela est à la fois indispensable à leur épanouissement personnel et nécessaire à l'efficacité de leur action. Les médecins résidents et spécialistes de santé publique ne rejettent pas la «philosophie» généreuse du service civil, ils refusent de faire semblant et n'acceptent pas de servir d'alibi à une politique de santé moribonde, mystifiée par des pouvoirs publics en panne d'initiatives à même d'offrir au citoyen la facilité d'accès à des soins de bonne qualité.
«Cette situation est regrettable, et c'est justement pour améliorer notre système de santé qu'on milite aujourd'hui», a affirmé le délégué des résidents du CHU Mustapha.Il est donc une erreur, et c'est assurément faire preuve de mauvaise foi que de vouloir culpabiliser les médecins et de répandre l'idée que les mouvements de grève et de contestation, initiés par ces praticiens, ont pour seul objectif la sauvegarde de leur destin personnel. Un destin qui est naturellement lié à celui du système de santé qui les emploie. Les médecins résidents, comme les spécialistes de santé publique, ont fait — dans ce bras de fer qui les oppose au ministère de tutelle — preuve d'intelligence et de maturité. Il est malvenu de les accabler et de les accuser d'un «défaut de patriotisme» ou d'une quelconque «attitude réactionnaire».
Faut-il souligner que les médecins résidents sont les chevilles ouvrières de tous les centres hospitaliers universitaires du pays auxquels ils assurent consultations et gardes ? Faut-il rappeler que nombre d'entre eux ont subi la colère, quelquefois l'agressivité et les agressions physiques de citoyens mécontents de l'accueil et des prestations qui leur sont offertes, notamment dans les services d'urgence ? Faut-il également rappeler qu'ils ne sont pas responsables de la saleté repoussante de ces structures de soins ni de la vétusté du mobilier et de la froideur des locaux où sont reçus les citoyens ? Est-il nécessaire de dire qu'ils n'ont pas la responsabilité du manque de médicaments, des appareils de radiologie en panne,etc. ? Des éléments qui ajoutent à l'angoisse des malades et/ou des familles qui deviennent violentes et qui s'en prennent au médecin résident.
Pour autant, ces résidents continuent à assumer cette tâche avec le même dévouement. La fin de leurs études devrait être couronnée non seulement par un diplôme de spécialiste mais aussi par une médaille du mérite. Au lieu de cela, ils sont sommés d'accomplir un service civil dans des conditions de travail encore plus pénibles. Pourquoi le ministère de la Santé ne propose pas aux spécialistes nationaux, affectés d'autorité dans les régions éloignées du pays, des avantages comparables à ceux qui sont proposés aux praticiens étrangers qui viennent pallier le «manque de gratitude et de reconnaissance à leur pays» des médecins algériens.
En l'occurrence, ces derniers son traités avec mépris. Nombreux sont ceux qui sont affectés sans logement de fonction et qui attendent plusieurs mois avant de percevoir leurs salaires… Ce n'est pas tant la demande de l'abrogation formelle du service civil qui pose problème aux pouvoirs publics. Il y a là une véritable revendication politique. Accéder à une telle réclamation remet fondamentalement en cause le «sacro-saint» principe de la médecine gratuite dont il est (le service civil) un des piliers. C'est sans doute cela qui gêne le pouvoir et ce dernier ne semble pas disposé à aller au-devant d'une telle demande. La question qui se pose est la suivante : est-ce que les pouvoirs publics veulent toujours de ce système de santé ? Sans doute non, parce qu'il est en opposition avec les choix économiques — l'économie de marché — pour lesquels notre pays a aujourd'hui optés.
Quel intérêt il y a, alors, à absolument vouloir maintenir «formellement» un service civil dès lors que les moyens de cette politique entrent en contradiction avec les choix et intérêts économiques du moment ? Pourquoi l'Etat algérien refuse de repenser notre système de santé et s'entête à ne pas remettre en cause le bien-fondé de la médecine gratuite ? Pourquoi veut-il sauvegarder cette dernière survivance de la politique socialisante des années soixante-dix ? C'est pourtant aujourd'hui une nécessité économique et un préalable à une prise en charge plus efficace et moins coûteuse de la santé des Algériens.
Est-ce une simple paresse intellectuelle ? Est-ce une frilosité politique ? Est-ce parce qu'il y a des intérêts qu'il ne faut pas bousculer ? Est-ce que… ?
Quoi qu'il en soit, les faits sont là et ils sont têtus. La médecine n'est plus gratuite dans notre pays. Les médecins et les citoyens algériens savent bien qu'il ne reste plus grand-chose de cette initiative généreuse. Le secteur public de la santé est dans un état de délabrement avancé. Les prestations y sont médiocres et dénuées des moyens matériels minimums. Les structures périphériques, établissements hospitaliers, polycliniques et autres dispensaires n'offrent pas — cela a été dit — le plateau technique minimum pour honorer une prestation médicale de qualité. «La situation du système de santé dans les zones enclavées n'a pas évolué», a affirmé le président du Conseil de l'ordre des médecins. Un constat qui reçoit le soutien des associations de malades et du réseau des malades chroniques.
L'obligation du service civil n'y changera rien. Pis que cela, selon un rapport du CNES datant de l'année 2010, il (le service civil) est porteur de préjudice pour la qualité de la prestation médicale, il «rompt la continuité des soins et désarticule le système de santé». Les établissements spécialisés et les centres hospitaliers universitaires sont envahis par une population angoissée qui pense y trouver là la garantie d'une prise en charge efficace de ses soucis de santé. Les CHU sont devenus de vastes dispensaires dont les services sont, dès le petit matin, assiégés par des files interminables de malades impatients et agités. Une affluence difficile à gérer et qui occupe au quotidien. Tout cela se fait évidemment au détriment de l'excellence, de la recherche et de la formation. Des activités, une vocation première, qu'il n'est plus possible d'assurer.
Les budgets qui sont alloués à ces structures hospitalières sont insuffisants pour répondre à une demande de soins, en principe, hautement qualifiée et de plus en plus importante. L'Etat dépense environ 340 euros/an/habitant pour les dépenses de santé (3430 euros en France). C'est sur la base de cette somme qu'est calculé le budget alloué annuellement aux structures de santé du secteur public. Toutes charges confondues. Très insuffisant. Beaucoup de médicaments, notamment ceux qui sont utilisés pour les maladies graves et chroniques, comme le cancer, ne sont pas disponibles faute de moyens financiers. Même les sérums antitétaniques et antirabiques sont, quelquefois, absents des pharmacies de ces hôpitaux. Quant aux soins hautement spécialisés, comme la radiothérapie, il ne faut même pas y penser.
Les examens biologiques et radiologiques sont souvent difficiles à faire pour cause d'appareils en panne ou inexistant, etc. C'est pour ces raisons que les malades se tournent vers le secteur privé pour se soigner, quoi qu'il leur en coûte souvent sans bénéficier du remboursement des frais occasionnés par la sécurité sociale. Il va sans dire que les médecins et le personnel paramédical sont les premiers à souffrir de cette situation et pour cause, ils sont «aux premières lignes».
Cette faillite du secteur public de la santé a pour raison l'argent, et si cela reste en l'état, il est condamné à s'effondrer. Les médecins résidents, actuellement «insurgés, ceux qui l'étaient hier — les médecins généralistes et spécialistes de santé publique, mais aussi les agents paramédicaux — refusent ce destin. Ils ne veulent pas que la santé publique, leur raison d'être, fasse les frais de l'incurie qui prévaut dans la gestion des affaires de l'Etat et soit «enterrée». C'est pourquoi, en dépit du mépris qui leur est opposé par le pouvoir et des menaces dont ils font l'objet (ponctions sur salaires, révocations, etc.) et qui risquent de peser sur leur avenir professionnel, ils ont affirmé leur détermination à se battre jusqu'au bout.
Il ne faut pas seulement abroger le service civil, il faut aussi cesser de considérer le secteur de la santé comme «un secteur non productif» et d'en faire le parent pauvre des financements de l'Etat. Si la médecine gratuite a, aujourd'hui, montré ses limites, c'est parce que la nécessité de refonder notre système de santé est plus qu'urgente. L'environnement économique national a évolué. Le coût de la vie a été multiplié par dix depuis le début des années quatre-vingts, et seul le coût de la prestation médicale est resté, en dépit du bon sens, figé sur la même tarification. Le coût de la consultation du médecin, celui des examens biologiques et radiologiques ou encore celui de la prestation hospitalière publique (repas et hôtellerie) sont remboursés sur des barèmes qui datent de plus de vingt-cinq ans.
Les salaires des médecins et ceux des autres personnels de santé sont restés les plus bas. Le secteur de la santé est seul, à la fois, à subir les effets de l'inflation et à ne pas bénéficier des avantages de l'économie de marché. Les pouvoirs publics doivent abandonner l'idée que préserver la santé du citoyen n'est pas rentable et se décider à aligner le coût de la prestation médicale sur celui du kilo de tomates, de pommes de terre ou encore celui de la viande, autrement dit sur le coût de la vie. Une telle décision grèvera assurément le budget de la caisse de sécurité sociale, mais voilà une occasion pour restaurer cet organisme dans sa mission originelle. Prendre en charge les soucis de santé de ses cotisants en assurant notamment le remboursement des frais occasionnés non seulement dans le secteur privé mais aussi et surtout dans le secteur public.
L'Etat doit actualiser les tarifs des prestations servies aux malades quand bien même il y a péril pour la survie de la caisse de sécurité sociale. Il y a sans doute des solutions pour sa sauvegarde. Mais, mettre à l'abri de la faillite la CNAS ne doit pas se faire au détriment du citoyen, du médecin ou de la qualité de la prestation médicale. Il appartient à cet organisme et à son ministère de tutelle de faire preuve d'ingéniosité pour éviter la banqueroute.
Menaces et répression sont les seules réponses apportées, aujourd'hui, par l'Etat aux multiples revendications des personnels de santé. Une attitude qui témoigne du peu d'intérêt accordé par le pouvoir au danger qui menace le secteur de la santé publique et la qualité de la mission qui lui est dévolue : prendre soin du citoyen algérien. Le maintien du service civil, l'arbre qui cache la forêt», obligatoire pour les médecins spécialistes ne changera pas cette opinion. Les médecins résidents, comme les généralistes et spécialistes de santé publique, sont engagés dans un combat juste et au service du citoyen. Ils refusent la fatalité d'un système de santé moribond, que l'Etat déconsidère et auquel il alloue des budgets plus qu'insuffisants, comme ils rejettent les solutions où prévalent le mensonge et la démagogie. Le bras de fer qu'ils ont engagé avec les pouvoirs publics a un caractère éminemment politique. Ils doivent, sans complexe, l'assumer comme tel et ne pas accepter d'être entraînés dans l'impasse de la revendication sociale isolée. La population les soutient, le temps finira aussi par leur donner raison.


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