-Beaucoup de parents algériens optent pour l'usage exclusif du français avec leurs enfants. Qu'est-ce qui justifie ce choix ? Il est vrai qu'aujourd'hui beaucoup de parents ont fait le choix de communiquer avec leurs enfants en français même s'il n'existe pas de statistiques sur la question. Les données du terrain montrent, qu'en général, il s'agit de couples qui ont une formation en français qui prévoient d'inscrire leurs enfants dans des écoles privées. Le choix est motivé par la volonté de les préparer à l'enseignement bilingue prévu dans ces écoles. Il y a certainement d'autres raisons qui m'échappent. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue les changements socio-économiques qui affectent notre société et qui poussent tout citoyen à préparer son enfant à affronter la diversité du «marché linguistique». De plus, avant d'aller à l'école, l'enfant est mis très tôt au contact des langues étrangères par le biais de la télévision (les dessins animés). Je connais des enfants qui, avant d'aller à l'école, utilisaient des mots, des bribes de phrases en allemand parce qu'ils ont passé la majeure partie de leur temps (de 3 à 6 ans) à suivre les dessins animés sur des chaînes satellitaires, sans que les parents connaissent ou utilisent cette langue. Mais l'usage exclusif d'une seule langue est réducteur du fait que le locuteur algérien est plurilingue. Ecarter la (les) langue(s) première(s) de la communication quotidienne, courante, c'est «handicaper» l'enfant. -L'apprentissage d'une langue étrangère doit-il se faire en parallèle avec la langue maternelle ? C'est le rêve de tout didacticien ! La langue maternelle s'apprend de manière «naturelle», l'acquisition se fait de manière spontanée, tandis que l'apprentissage d'une langue étrangère dans le contexte scolaire (milieu non naturel) se fait au moyen d'un programme, d'une méthodologie, d'une progression établis. Le milieu non naturel suppose donc une opération de guidage en matière d'appropriation de la langue. L'école algérienne, avec la mise en place de la réforme, doit relever le défi de former en langues étrangères des enfants de langues maternelles diverses. Cet état de fait conduit à reconsidérer les moyens techniques et les capacités d'organisation des programmes susceptibles d'améliorer la qualité d'enseignement et d'apprentissage, d'évaluer aussi bien les acquis que le savoir-faire en langue(s) et d'apprécier la manière dont le système scolaire s'acquitte de sa mission. La mise en place d'un dispositif d'enseignement-apprentissage de la langue étrangère (ou des langues tout court!) requiert de mettre à la disposition de l'apprenant les moyens de développer ses compétences en langues. -Une méthode visant à favoriser le bilinguisme chez l'enfant consiste à ce que l'un des parents s'exprime dans la langue maternelle et l'autre parent dans une langue étrangère. Qu'en pensez-vous ? Aujourd'hui, le concept de «bilinguisme» est passé de mode, car maîtriser deux langues demeure insuffisant. Que dire alors quand on est «monolingue» ? Pour certains, c'est «friser» l'analphabétisme avec le contexte de globalisation des échanges qui se font d'abord au moyen des langues. L'exclusivité dans toute pratique confine l'individu dans un monde désertique. Au fur et à mesure que l'expérience langagière de l'individu s'étend de la langue familiale à celle de l'école, puis à celle d'autres groupes (par apprentissage scolaire ou sur le tas), il construit une compétence communicative à laquelle contribuent les langues qui interagissent. Par conséquent, plus un enfant est mis très tôt dans un bain linguistique de langues en contact, mieux il apprend, et ses capacités communicatives se développent. «L'éveil aux langues» est aujourd'hui une pratique très développée en Europe. -On dit souvent que parler d'abord une langue étrangère comporte un risque d'aliénation culturelle pour l'enfant. A quel point cela est-il vrai ? L'apprentissage de n'importe quelle langue n'engendre aucune aliénation ! Au contraire, celui qui apprend une deuxième langue (ou énième) et une deuxième culture ne perd pas la compétence qu'il a dans sa langue et sa culture maternelles. La nouvelle compétence en cours d'acquisition n'est pas non plus totalement indépendante de la précédente. On n'acquiert pas pour chaque langue apprise une façon étrangère d'agir et de communiquer, on apprend l'interculturalité, on développe une prise de conscience interculturelle qui ne contribue qu'à renforcer votre personnalité, votre identité et votre capacité à vous ouvrir à des expériences culturelles nouvelles.