Un des designers de la haute couture parisienne, l'Algérien Abdelkrim Benchoubane, vient de tirer sa révérence, dans un hôpital à Minorque, à l'âge de 77 ans. Le passionné des formes vestimentaires évoluait dans la cour des grands labels de renom tels les Channel, Courrèges, Yves Saint Laurent et autres Balenciaga, Ferraud et Gaultier. Il aiguisa ses premières armes dans la couture chez les frères Bendali à Bab Azzoun, avant de ressentir le besoin d'aller se frotter aux célèbres couturiers à Paris. Dès son arrivée dans la capitale de la mode en 1954, le célèbre modéliste Serge Guérin l'avait assisté de ses judicieux conseils pour surmonter les écueils qui surgissaient à chaque pas dans le tumulte de la création et du style. « Au départ, il n'était pas aisé de rivaliser dans le monde de la mode », disait-il lors de son dernier passage à Alger, mais au fil du temps, il sut imposer son label Marc Vaughan, notamment dans les salons gris Trianon, du célèbre hôtel Crillon, près de la Concorde qui abritaient ses collections toutes de charme, de féminité que portaient les mannequins ébènes. Il connut une ascension vertigineuse hors frontières de l'Hexagone, notamment dans les sixties avec le pantalon carré et la robe flower et bien d'autres créations qui firent porter sa griffe dans le panthéon des couturiers de renom. Dans sa maison sise rue François 1er, ses créations allaient connaître le must grâce notamment à l'idée géniale qui a germé dans son esprit et qui consiste à donner un souffle nouveau au concept du prêt-à-porter, inspiré d'un courant artistique original. Ce qui lui permit de faire grimper son standing dans des marchés en Europe et outre-Atlantique. Modéliste de talent, Abdelkrim Benchoubane choisissait ses tissus, esquissait ses croquis et ébauchait ses modèles, selon une expression intense. Sa collection géométrique, savamment ouvragée, se basait sur la recherche de l'équilibre et se nourrissait de repères techniques qui obéissaient à des lignes droites et brisées, des angles et des volumes qu'il s'évertuait à rendre harmonieux. Avec les matières nobles qu'il utilisait (cachemire, soie, laine,…), il s'essayait d'innover dans un travail de structure, pur et rigoureux, mais s'échinait à « pondre » un produit raffiné telle la création baptisée « Femme flower », retenue dans une rétrospective thématique lors du 3e salon organisé en 1998, à Paris. Il s'est aussi attelé à donner naissance à la robe réglable ou adaptée pour grossesse tout en conservant l'élégance de la femme. Ses créations révèlent l'interactivité complice entre sa conception des jets d'esquisse qu'il mûrit dans son esprit et ses produits finis que porte la femme. Cette dernière l'inspire dans l'élaboration de ses modèles. Autrement dit, chaque produit suscite le besoin d'en créer d'autres. Soucieux du design, il fouettait sans cesse ses méninges à la recherche de parfaites ébauches qui rehaussent la silhouette féminine. N'est-ce pas que « le génie est fait de 1% d'inspiration et 99% de transpiration », pour reprendre la citation de Thomas Edison. Le modéliste peine, crée et fignole, disait-il, surtout lorsqu'il s'agit d'une clientèle pointilleuse et exigeante, à l'image de la princesse Marie Clotilde Napoléon ou la comtesse Walewska qui avaient porté sa griffe, confiait-il lors d'une rencontre à l'hôtel El Djazaïr. En 1999, il s'était affairé pendant 6 mois à ébaucher des modèles au profit de la compagnie Air Algérie pour la confection des tenues pour le personnel navigant. Mais un concours de circonstances a fait capoter le projet avant qu'il ne soit confié à un autre couturier. Son rêve était de mettre sur pied une école ou un institut de modélisme en Algérie pour léguer son savoir et former de futurs talents dans le domaine. Mais le sort en a décidé autrement en ce jour du 21 août 2009. Repose en paix Abdelkrim dans la miséricorde d'Allah.