Un durcissement drastique des sanctions à l'encontre des « chauffards », mais aussi et surtout contre « monsieur tout le monde qui aurait grillé un stop » a récemment été mis en application. Loin de faire l'unanimité, la nouvelle loi risque, selon nombre d'avis, de ne sanctionner que les petites gens et les citoyens lambda et d'offrir l'impunité aux « gros bonnets qui ont le bras long ». Pourquoi ? « Tout simplement parce que tout est devenu sujet à sanction. » L'application de la loi diffère du tout au tout lorsque c'est un père de famille modeste qui écope d'une amende ou d'un retrait de permis, ou que c'est un nanti, un notable ou quiconque qui sait tirer les bonnes ficelles ou graisser la bonne patte. Le petit poisson qui se fait prendre et le gros poisson qui arrive à passer au travers des mailles du filet, en somme », déplore, sous couvert de l'anonymat, un éminent avocat à la Cour suprême. Et d'ajouter : « Les législateurs ont sûrement cru bien faire. Seulement, comme dans de nombreux domaines, ils l'ont fait sans réfléchir suffisamment aux répercussions de leurs décisions sur les concernés. » En effet, lorsque, par le passé, un automobiliste étourdi circulant avec un phare défectueux s'en sortait avec une petite amende, aujourd'hui, les choses risquent d'être beaucoup plus compliquées pour lui. « Un retrait de permis pour punir une lampe de veilleuse grillée, c'est pousser les choses un peu trop loin. Toutefois, certains de ces durcissements sont, certes, indispensables et même salutaires, tout particulièrement en ce qui concerne les poids lourds et les transports en commun, vu le nombre d'accidents de la route enregistrés », analyse maître Sami Saifi, avocat à la cour. Il y a évidemment de lourdes sanctions en cas de délits graves : prison et dédommagements. Concernant les contraventions au code de la route « plus légères » et qui n'auront surtout engendré ni accidents ni décès, les punitions ont toutes été réévaluées et durcies. Allant de 2000 à 6000 DA, selon la gravité de l'infraction commise, ces sommes sont jugées par tous comme trop élevées pour une bourse modeste. De même, il est aussi prévu des retraits de permis en cas de contravention des troisième et quatrième degrés. Concernant les résultats attendus de ces mesures, Me Saifi s'interroge : « A quoi bon élaborer de telles mesures et lois répressives et coercitives si l'application fait défaut ? » « De même, les agents de police sont soit trop laxistes lorsqu'il s'agit de fautes graves, soit impitoyables lorsqu'il s'agit de délits mineurs, pour au final être surtout corruptibles », renchérit l'avocat. Car, plus grave, ces magistrats assurent qu'en plus d'exacerber les « injustices sociales », certaines mesures contenues dans ce projet de loi encourageront d'autant plus l'excès de zèle et la corruption. Explications : « Un automobiliste commet une infraction pour laquelle la nouvelle législation stipule un retrait de permis de conduire. Pour ne pas voir cette sanction infligée, car il ne peut pas se permettre de vivre sans voiture et pour ne pas avoir à effectuer toutes les démarches (commissions et commissariats), il glissera à coup sûr un billet ou deux dans ses papiers lorsqu'il les tendra au policier ou au gendarme », prédit l'avocat à la Cour suprême. Simple histoire de calcul, plus il y a d'infractions inscrites dans la loi comme passible d'un retrait de permis, plus il y a de la corruption ou, du moins, de tentatives de corruption. Dès lors, une question s'impose : est-il prévu un contrôle des contrôleurs ou leur corruptibilité fait-elle l'affaire de trop de monde ? La conclusion est que la nouvelle législation routière est trop répressive. Des experts pourtant avaient averti que la bonne démarche était plutôt de faire appliquer l'ancien code que de mettre en place des lois plus dures qu'on éprouvera du mal à exécuter.