Quelle est la nature des relations entre l'Algérie et la Libye, au-delà du bon voisinage ? Les relations entre les deux pays n'ont rien d'exceptionnel, elles sont même ordinaires. Ce sont des relations de bon voisinage. Pourquoi ? Parce qu'en réalité entre l'Algérie et la Libye, il n'y a pas une dimension économique ni une dimension humaine, c'est-à-dire il n'y a pas d'échanges économiques d'autant plus que les économies de ces deux pays, essentiellement pétrolières, présentent les mêmes caractéristiques. Au plan humain, il n'y a pas non plus une forte communauté algérienne en Libye. Néanmoins, la Libye a les mêmes ambitions que l'Algérie en Afrique subsaharienne, mais il est difficile de considérer cela comme étant une politique concentrée du moment que les deux pays n'ont pas les mêmes objectifs. Le Sahel, comme vous le savez, constitue beaucoup plus une menace pour la sécurité de l'Algérie que celle de la Libye. En plus clair, l'Algérie demeure le pivot de cette région et si elle venait à être fragilisée, cela entraînera automatiquement l'affaiblissement des autres pays. C'est pour cette raison qu'il y a toujours une concentration sur l'Algérie et non pas sur les autres pays de la région. Aujourd'hui, il y a lieu de dire que le comportement de la Libye vis-à-vis des pays étrangers a bien changé après l'exécution de Saddam et les événements du 11 septembre. La Libye s'est rapprochée de certains pays et a adopté une politique étrangère très pragmatique. D'aucuns estiment que la Libye a servi de base arrière au terrorisme. Qu'en est-il concrètement ? La Libye a eu à un certain moment une attitude ambiguë, pour ne pas dire ambivalente, sur la question du terrorisme. Ce comportement, qui relève de l'égoïsme, a été adopté par la Libye pour préserver ses intérêts. Ce pays n'a pour ainsi dire pas été aussi solidaire que la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie avec l'Algérie dans sa lutte contre le terrorisme. Le pays d'El Gueddafi a cherché peut-être à se préserver ; d'ailleurs, il n'est pas le seul Etat arabe à avoir choisi cette option. Nous étions considérés comme les pestiférés du monde ; l'isolement diplomatique de l'Algérie et l'embargo qui l'a frappée pendant la décennie noire sont dus entre autres au silence des pays arabes. Il ne faut pas se leurrer ni fuir certaines vérités : ce ne sont pas uniquement les pays occidentaux qui nous ont tourné le dos, mais également les pays arabes. Ni la Conférence islamique ni l'Union du Maghreb arabe n'ont eu une attitude courageuse durant cette période. Cela étant dit, le fait de ne pas dénoncer le terrorisme s'apparente à une forme de soutien à celui-ci. Par conséquent, le silence de certains pays arabes était inévitablement une forme de soutien. La Libye peut-elle concurrencer l'Algérie, qui est considérée comme le pivot dans la région, notamment après le retour en grâce de Tripoli aux yeux de l'Occident ? Cela relève des mythes fondateurs : l'Algérie représente très peu dans la sphère d'approvisionnement des USA ; nous sommes plutôt proches de l'Europe du Sud, notamment la France, l'Espagne et l'Italie. En ce moment, ces trois pays font beaucoup d'efforts pour s'inscrire dans la politique gazière de la Libye, alors que le gaz algérien est déjà placé ailleurs. La Libye est un petit marché et les Français n'ont pas de contentieux avec elle, ce qui favorise les relations entre les deux pays. Mais la Libye n'a jamais été un facteur déstabilisant ou stabilisant dans la région et elle ne le sera pas, plus particulièrement avec son nouveau discours en faveur d'Israël et son rapprochement avec les Etats-Unis. Le pays qui a une politique de stabilisation dans la région demeure incontestablement l'Algérie. La Libye ne représente pas un concurrent et n'a pas la prétention de se substituer à l'Algérie dans le Sahel.
