Le Liban aurait certainement aimé ne plus faire la une de l'actualité, mais, à son corps défendant, il s'est retrouvé au cœur d'un débat au Conseil de sécurité, où son droit de nouer les alliances qu'il voulait lui a été contesté. On savait aussi qu'il s'attelait à effacer avec beaucoup de conviction les séquelles d'une ruineuse guerre civile qui avait fait de lui un vaste champ d'expérience. Mais ce qui s'est passé hier l'a certainement propulsé une vingtaine d'années en arrière avec les assassinats politiques. En effet, l'ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri a été tué hier dans un attentat à Beyrouth, selon une source officielle, vraisemblablement perpétré à l'aide d'une voiture piégée qui a fait au moins neuf morts, selon des sources libanaises concordantes. Homme d'autorité mais également d'affaires, Rafic Hariri est celui qui avait engagé la reconstruction de son pays au lendemain des accords de Taef de 1990, conclus sous l'égide de l'Algérien Lakhdar Brahimi, même si certains milieux l'accusaient d'en tirer profit. En tout état de cause, il bénéficiait d'une grande notoriété internationale, ce qui permettait à son pays de profiter de ses relations. Deux anciens ministres libanais, Samir Al Jisr et Bassel Fleihane, ont été donnés pour morts avec Rafic Hariri, mais cette information a été démentie. L'épouse de M. Fleihane a indiqué avoir reçu un message de son mari sur son téléphone portable l'informant qu'il avait été blessé et hospitalisé. Quant à Samir Al Jisr, il a fait savoir aux médias qu'il était sain et sauf. Cet attentat s'inscrit dans un contexte de fortes tensions politiques au Liban et en Syrie, deux pays actuellement soumis à de fortes pressions américaines. Il intervient après un amendement constitutionnel fort contesté puisqu'il permet au chef de l'Etat actuel, Emile Lahoud, de prolonger son mandat, alors que le Liban se prépare à des élections législatives au printemps. A croire que les auteurs de cet attentat ont tout fait pour ne pas échouer, puisqu'au moins neuf personnes ont été tuées et une centaine d'autres blessées dans l'explosion dans un quartier résidentiel près du front de mer, selon un bilan établi par les médias locaux. Réagissant à la mort de M. Hariri, le président syrien Bachar Al Assad a dénoncé un « terrible acte criminel ». L'explosion a provoqué d'énormes dégâts et laissé dans la rue des corps calcinés et des véhicules en feu. Elle a eu lieu en milieu de journée dans un secteur bondé à cette heure de la journée. Selon la chaîne de télévision Future TV de M. Hariri, il s'agirait d'un attentat à la voiture piégée. Cette information n'a pas pu être confirmée dans l'immédiat. M. Hariri avait démissionné début octobre de son gouvernement. Musulman sunnite comme le veut la tradition au Liban, il avait fait fortune en Arabie Saoudite avant de se passionner pour la politique et d'accéder au pouvoir au Liban pour la première fois en 1992. M. Hariri avait formé cinq gouvernements entre 1992 et 2004. Dans la zone de l'explosion, les forces de sécurité libanaises ont installé un cordon de sécurité. Une épaisse colonne de fumée noire s'élevait des lieux de l'explosion, et des flammes de plusieurs mètres de haut empêchaient les gens d'approcher des victimes dans les voitures en feu. Le Premier ministre libanais Omar Karamé s'est rendu sur les lieux de l'explosion, de même que d'autres députés qui ont interrompu une séance du parlement, selon les télévisions libanaises. Des pans de murs des bâtiments du quartier étaient totalement détruits. L'explosion a provoqué un cratère de plusieurs mètres dans la chaussée. Comme pour les autres assassinats du même genre, il ne faudrait certainement pas s'attendre à une quelconque revendication. Et dire que les Libanais croyaient en avoir fini avec ce décor macabre demeuré immuable entre 1975 et 1990, période de la guerre civile qui avait fait plus de cent mille morts et des dégâts considérables.