Les dattes ne sont même pas au rendez-vous quand le Ramadhan avance chaque année. Le retour du Ramadhan estival n'est pas pour arranger les choses et comme c'est parti pour six ans au moins, le sujet est intarissable. Ce phénomène ramadhanesque oblige à une réflexion et une planification qui ne se fait pas dans l'urgence. Pour le commun des Ouarglis, c'est l'occasion de renouer avec une tradition ancestrale : la saison de la migration vers des lieux plus cléments. La Tunisie pour la frange des Lagiyine qui ont gardé des relations familiales dans ce pays voisin, le nord du pays pour beaucoup de familles qui migrent vers Djelfa et Aflou où elles possèdent des résidences d'été, mais aussi plus au Sud vers Tamanrasset où l'été est synonyme de fraîcheur et de pluie. C'est ainsi que les gens quittaient la cuvette d'enfer pour de longs mois de villégiature où même le bétail profitait des bienfaits de la transhumance. Cette année, les plus récalcitrants se sont résignés à quitter les lieux à la mi-juillet pour ne revenir qu'en septembre. Ceux qui ont refusé l'idée de passer le Ramadhan extra-muros n'ont pas résisté à la montée vertigineuse du mercure avec plusieurs pics de 50°C en juillet et un début d'août des plus virulents. Les premiers jours du Ramadhan ont été bien ressentis par les personnes âgées et les enfants. C'est d'ailleurs la période où beaucoup de familles de Ouargla ont perdu des seniors qui n'ont pas supporté les écarts de température aussi forts. A Ouargla, on sait d'avance que telle année sera plus mortelle pour les vieux qui sont entourés de beaucoup de bienveillance, mais il reste difficile de prévoir les interactions conjuguées de la vieillesse, l'hypertension, le diabète et la canicule. A deux reprises, Hadj Hocine s'est senti à deux doigts de l'évanouissement en allant faire la prière du dohr dans une mosquée à 200 m de chez lui, et nombreux sont les vieux qui reconnaissent se réhydrater avec des douches froides à chaque appel à la prière en ce mois de Ramadhan. Le régime alimentaire suit aussi la donne climatique par une forte abstinence devant le bol de chorba brûlant, passés les premiers jours, on se rend à l'évidence, mieux vaut privilégier le lait glacé consommé sans modération à la rupture du jeûne. Les habitants du Sud déplorent la montée en flèche des prix des primeurs de dattes communément appelées le m'naguer. Avec 10 jours d'avance chaque année, la table ramadanesque ne sera bientôt plus garnie de ces dattes qui peuvent constituer un repas exclusif aussi nourrissant que rafraîchissant. Contrairement à d'autres régions du pays, au Sud, la chaleur coupe l'appétit et pousse les gens à consommer que des boissons tout au long de la soirée et la plus prisée, c'est évidemment le verre de thé à la menthe qui étanche la soif d'une journée. Les fruits sont le roi de la table de plus en plus vide de bourek, pain et autre tajine, dont personne n'en veut. Ceci est bien visible dans les rues où les tonnes d'ordures ménagères qu'on observait il y a deux ans ne sont pas au rendez-vous. Quand on arrive à peine à bien respirer et en passant la journée à prier pour que Sonelgaz maintienne l'électricité et l'ADE l'eau du robinet, on s'estime heureux d'avoir survécu à chaque jour de jeûne. Une blague circule en ce moment à Ouargla : un circuit touristique pour passer le Ramadhan comme du temps du Prophète (QSSL), c'est le paradis assuré !