L es modalités d'application de l'article 34, visé ci-dessus, ont été fixées par deux importants textes pris par le directeur général des Douanes : • la décision 131/DGD/SP, modifiée et complétée, du 24 mai 2008 ; et • la circulaire n° 722/DGD/SP/08, modifiée et complétée, du 24 mai 2008. Pour permettre aux déclarants en douane et, partant, aux opérateurs économiques de connaître leurs droits et obligations découlant de ces textes relatifs au travail extra légal(1), il importe d'analyser ces textes. Préalablement, il convient de s'interroger sur la signification des notions utilisées par le législateur douanier pour formuler l'alinéa 3 de l'article 34 du code des Douanes. I. De la signification des notions utilisées par le législateur douanier pour formuler l'alinéa 3 de l'article 34 du code des douanes Ces notions sont : a) Sur demande du déclarant et pour des raisons jugées valables, b) l'administration des douanes peut autoriser que les opérations douanières soient effectuées en dehors des jours et/ou des heures d'ouverture des bureaux de douane, et c) l'administration des douanes peut autoriser que les opérations douanières soient effectuées en dehors des lieux d'exercice normal du service. a) Sur demande du déclarant en douane(2) et pour des raisons jugées valables Pour qu'une opération douanière puisse être réalisée par les services des douanes en dehors des jours ou des heures d'ouverture des bureaux de douane, il est nécessaire que le déclarant en douane introduise une demande motivée ayant pour objet le travail extra légal et que cette demande soit acceptée par ces services. Telle est la signification de l'expression visée ci-dessus. b) L'administration des douanes peut autoriser que les opérations douanières soient effectuées en dehors des jours et/ou des heures d'ouverture des bureaux de douane Une fois qu'elle a accepté la demande ayant pour objet le travail extra légal déposée auprès de ses services par le déclarant en douane, l'administration des douanes peut autoriser la réalisation de l'opération douanière commandée et ce, en dehors des jours d'ouverture des bureaux de douane, c'est-à-dire pendant les week-ends, y compris les jours fériés. Tel est le sens de l'expression reprise au b) ci-dessus. Pour les opérations en dehors des heures d'ouverture des bureaux de douane, l'administration des douanes peut autoriser la réalisation de l'opération douanière commandée en dehors des heures d'ouverture des bureaux de douane, c'est-à-dire après les heures légales de travail, période pouvant commencer à partir de 19h00 et se terminer, si besoin est, le lendemain à 1h00 du matin. c) L'administration des douanes peut autoriser que les opérations douanières soient effectuées en dehors des lieux d'exercice normal du service L'administration des douanes peut autoriser la réalisation de l'opération douanière commandée en dehors des lieux d'exercice normal du service, c'est-à-dire dans des endroits autres que ceux où les agents des douanes désignés ont l'habitude de faire normalement leur travail.Il s'ensuit que nous ne pourrions parler en droit douanier de travail extra légal que si certaines conditions fixées par le code des douanes et ses textes d'application et rappelées ci-dessous se trouvent remplies. D'abord, il faut que le déclarant introduise auprès des services des douanes concernés une demande motivée ayant pour objet le travail extra légal et que cette demande soit agréée par ces services. Il faut ensuite que l'opération douanière commandée par le déclarant soit réalisée par les services des douanes intéressés, selon le cas : Soit en dehors des jours d'ouverture des bureaux de douane, c'est-à-dire pendant les week-ends, les jours fériés et dans un lieu autre que celui où les agents des douanes désignés ont l'habitude de faire normalement leur travail, soit en dehors des heures d'ouverture des bureaux de douane.La première question qui se pose est la suivante : Est-ce que la procédure légale rappelée ci-dessus et dont les modalités d'application ont été fixées par la décision 131/DGD/SP et la circulaire n° 722/DGD/SP/08 du 24 mai 2008 ne souffre, dans la pratique, d'aucune anomalie ? C'est ce que nous tenterons d'expliquer dans la deuxième partie de cette contribution. II. De l'analyse de la décision 131/DGD/SP du 24 mai 2008, modifiée et complétée, portant modalités d'application des alinéas 3 et 4 de l'article 34 de code des douanes(3) L'analyse de la décision susvisée, modifiée et complétée, laisse apparaître que celle-ci recèle certaines imperfections regrettables. a) Imperfections tenant à la forme de la décision susnommée
La décision précitée aurait gagné en clarté si elle avait été élaborée sur la base d'un plan tirant sa source des notions ordonnées, utilisées par le législateur douanier pour formuler les alinéas 3 et 4 de l'article 34 du code des douanes. Une telle démarche aurait certainement évité au(x) rédacteur(s) de cette décision de tomber dans leur propre piège, celui d'avoir mis la charrue avant les bœufs ! En effet, on ne traite pas en priorité dans une décision réglementaire une question subsidiaire et/ou de second rang avant la question principale dont elle dépend. Ce, en vertu du principe général du droit, « l'accessoire suit le principal ». C'est aussi et simplement une question de bon sens et de logique. b) Imperfections tenant au fond de la décision susnommée L'examen dans le fond de la décision susvisée a permis de constater que l'intitulé et le dispositif de cette décision sont entachés d'anomalies également regrettables et préjudiciables. Quant aux visas du même texte, ils n'appellent pas, à notre humble avis, d'observations, vu qu'ils assoient bien cette décision de point de vue juridique. 1) Anomalies entachant l'intitulé de cette décision Tel que rédigé « Décision 131/DGD/SP du 24 mai 2008 portant modalités d'application des alinéas 3 et 4 de l'article 34 de code des douanes », l'intitulé de cette décision ne reflète pas correctement le contenu du dispositif auquel il se rapporte. Par conséquent, nous proposons au directeur général des douanes de faire remplacer l'intitulé visé à l'alinéa précédent par un nouvel intitulé rédigé comme suit : Décision n°131/DGD/SP du 24 mai 2008 fixant les conditions et les modalités d'application de l'alinéa 3 de l'article 34 du code des douanes, ainsi que le montant des frais en résultant pour le déclarant en douane. En réalité, ce nouvel intitulé nous est suggéré par les alinéas 3 et 4 de l'article 34 du code des douanes. 2) Anomalies entachant le dispositif de cette décision Aux termes de l'article 1er de la décision n° 20/DGD/SP du 7 février 2009 modifiant et complétant la décision n° 131/DGD/SP du 24 mai 2008 portant modalités d'application des alinéas 3 et 4 de l'article 34 du code des douanes, le paragraphe 10 de l'article 2 de la décision n° 131/DGD/SP du 24 mai susvisée, est modifié et rédigé comme suit : «10- vérification des déclarations en douane».Pour permettre aux lecteurs de mesurer la portée de la modification apportée à ce paragraphe, il importe de reprendre ci-après sa rédaction initiale(4). Celle-ci est ainsi conçue : «10- vérification des déclarations en douane en dehors des heures légales et des jours ouvrables». En ne reprenant pas dans la nouvelle rédaction dudit paragraphe le membre de phrase «en dehors des heures légales et des jours ouvrables», le(s) rédacteur(s) de la décision directoriale n° 20/DGD/SP du 7 février 2009 susvisée a (ont) tout simplement fait une grave entorse à la législation douanière régissant le travail extra légal. En effet, pour que la prestation de «vérification des déclarations en douane» puisse être facturée par l'administration des douanes aux déclarants, deux conditions cumulatives sont nécessaires. D'abord, il faut comme indiqué ci-dessus, que le déclarant en douane ait introduit au préalable auprès des services des douanes concernés une demande motivée ayant pour objet le travail extra légal et que cette demande ait été agréée par la suite par lesdits services. Ensuite, il faut aussi que la prestation commandée par le déclarant en douane ait été réalisée par ces services en dehors des heures légales et des jours ouvrables.Or, selon certains déclarants en douane exerçant dans les wilayas d'Alger et de Béjaïa, la quasi-totalité des déclarations en douane et, partant, des prestations de vérification y afférentes sont facturées d'office à ces déclarants par les services des douanes et ce, en violation des conditions légales rappelées ci-dessus ! Il convient de préciser que la prestation de «vérification des déclarations en douane» est indissociable d'une autre prestation qui est la «vérification physique des marchandises déclarées». En effet, ces deux prestations sont complémentaires, en ce sens que l'inspecteur vérificateur des douanes appelé à vérifier une déclaration en douane est tenu s'il veut éviter d'engager sa responsabilité de réaliser les deux prestations. La deuxième question à trois branches qui se pose est la suivante : • Combien de déclarations en douane sont-elles vérifiées journellement par les services des douanes et par bureau pendant les heures normales de travail ? • Combien de déclarations sont-elles vérifiées journellement par les services des douanes et par bureau en dehors des heures légales et des jours ouvrables de travail ? • Pourquoi l'administration des douanes met-elle sur un pied d'égalité, sur le plan de la facturation des prestations de vérification des déclarations en douane, toutes les déclarations, que celles-ci soient vérifiées pendant ou en dehors des heures légales de travail et des jours ouvrables ? Compte tenu de ce qui précède, il est urgent de reprendre la législation douanière relative au travail extra légal, en vue de lui faire subir, une bonne fois pour toutes, un toilettage digne de ce nom. Il y va de l'intérêt de notre pays et, partant, de l'administration des douanes, surtout vis-à-vis de l'étranger qui accorde une grande importance à la sécurité juridique et, partant, au juridisme ! Conclusion : Comme nous l'avons vu supra, le travail extra légal «désigne toute mission de visite, de vérification, de surveillance ainsi que toute opération qui se rattache aux opérations de douane et à la perception des droits et taxes et que des douaniers sont appelés à effectuer à la demande des usagers pendant et en dehors des heures légales de services et/ou des lieux règlementaires de travail»(5). Conformément aux dispositions de l'article 2 de la décision n° 131/DGD/SP du 24 mai 2008 susvisée, les services des douanes sont autorisés à effectuer au profit du commerce, moyennant rétribution, une douzaine de prestations. Aux termes de l'article 4 de la même décision, le montant des frais inhérents à chaque prestation est fixé conformément au tableau n°1 annexé à ladite décision. Selon la circulaire n° 722/DGD/SP du 24 mai 2008 susvisée, les sommes recouvrées par l'administration des douanes au titre de cette douzaine de prestations que ses services sont habilités à effectuer au profit du commerce forment «le fonds commun du travail extra légal».D'après la même circulaire, «sont concordataires, tous les agents des douanes occupant les emplois classés conformément à l'article 65 du décret exécutif n° 89-239 du 19 décembre 1989, modifié et complété, portant statut particulier applicable aux travailleurs des douanes en fonction dans la zone concernée et ceux appartenant aux corps communs régis par le décret exécutif n° 08-04 du 19 janvier 2008 portant statut particulier applicable aux corps communs aux institutions et administrations publiques »(6). Il s'ensuit que les trois ordonnateurs (directeurs régionaux des douanes) du «fonds commun du travail extra légal » désignés expressément dans la circulaire précitée ne peuvent ordonner le payement de la gratification dont il s'agit, qu'aux fonctionnaires des douanes dont les statuts sont repris expressément aux visas de la décision n° 131/DGD/SP du 24 mai 2008 susvisée, sous peine d'engager leur responsabilité et, donc, de répondre de leur gestion devant les inspecteurs de l'inspection générale des finances et les magistrats de la Cour des comptes ! La troisième question qui se pose est la suivante : est-ce que la gratification dont il s'agit est payée par lesdits ordonnateurs uniquement aux seuls fonctionnaires dont les statuts sont mentionnés expressément aux visas de la décision n° 131/DGD/SP susvisée ? Il appartiendrait à MM. le ministre des Finances et le directeur général des douanes de déterminer quels sont exactement les fonctionnaires des douanes qui émargent depuis juin 2008 à cette gratification payée par le commerce à l'administration des douanes ! Il importe de préciser que les travailleurs des douanes exerçant des fonctions supérieures (directeurs et sous-directeurs centraux, directeurs régionaux, etc.) ne peuvent pas normalement prétendre au bénéfice de la rétribution dont il s'agit, au motif qu'ils ont un régime indemnitaire leur attribuant une indemnité de permanence de service et un statut leur interdisant expressément d'émarger directement ou indirectement aux rétributions payées par le commerce ! En effet, aux termes de l'article 14, alinéa 1 du décret exécutif n° 90-226 du 25 juillet 1990 fixant les droits et obligations des travailleurs exerçant des fonctions supérieures, «il est interdit à tout travailleur exerçant une fonction supérieure de recevoir ou d'accepter, au titre de ses fonctions, pour quelque raison que ce soit et sous quelque forme que ce soit, des présents, gratifications ou autres avantages»(7). En ce qui concerne la répartition des montants recouvrés, celle-ci se fait, précise la circulaire n° 722/DGD/SP/08 du 24 mai 2008 susvisée, par bimestre. Et d'ajouter : « Le montant de la quote-part de base du travail extra légal est uniforme pour tous les agents concordataires sans distinction de grade, de fonction ou de résidence administrative ». A notre humble avis, cette répartition, dans la mesure où : • elle n'encourage pas les agents des douanes qui font des efforts par rapport à ceux qui n'en font pas ; • elle ne rétribue pas différemment les agents des douanes qui font effectivement le travail extra légal et ceux qui ne le font pas pour quelque motif que ce soit(8) ; • elle ne réserve pas une partie du fonds commun aux orphelins mineurs et aux veuves non remariées de douaniers morts en service commandé, ainsi qu'aux retraités des douanes dont le montant de la pension de retraite ne dépasse pas actuellement 12 000 DA ; • elle enrichit ceux qui le sont déjà ; • elle n'aide pas les nécessiteux de la corporation, est une répartition inéquitable et illégale ! Il importe par voie de conséquence de revoir de fond en comble la législation douanière relative au travail extra légal ainsi que celle concernant le reliquat, lequel est l'autre indemnité que perçoit périodiquement tout le personnel douanier, y compris les travailleurs exerçant des fonctions supérieures !
Notes de renvoies : (1)L'expression «travail extra légal» a été remplacée en France par l'expression « régime de travail supplémentaire ». (2)Le déclarant en douane est la personne qui signe ou au nom de laquelle la déclaration en douane est signée. Le déclarant en douane peut être soit le propriétaire des marchandises, soit le transporteur de celles-ci, soit le commissionnaire en douane (Cf. art. 78 du code des douanes). (3)Cette décision pour être opposable aux usagers de l'administration des douanes doit être publiée soit au Bulletin officiel des douanes, soit au Journal officiel. A-t-elle été publiée ? (4)Il s'agit en réalité d'un alinéa, non d'un paragraphe. En effet, un paragraphe c'est beaucoup plus important que cela. (5)Source : Site Internet Wikipédia, l'encyclopédie libre. (6)Il y a lieu de noter que le décret exécutif n° 89-239 du 19 décembre 1989, modifié et complété, portant statut particulier applicable aux travailleurs des douanes a été abrogé et remplacé par le décret exécutif n° 10-286 du 30 août 2010 portant statut particulier des fonctionnaires appartenant aux corps spécifiques de l'administration des douanes et le décret exécutif n° 10-287 du 11 novembre 2010 fixant les dispositions particulières applicables aux personnels assimilés de l'administration des douanes, en précisant que le décret exécutif n° 08-04 du 19 janvier 2008 portant statut particulier applicable aux corps communs aux institutions et administrations publiques ne s'appliquent pas et ne peut s'appliquer aux travailleurs exerçant des fonctions supérieures (Cf. le décret exécutif n° 90-226 du 25 juillet 1990 fixant les droits et obligations des travailleurs exerçant des fonctions supérieures). (7)Voir également l'article 54 du Statut général de la fonction publique (ordonnance n° 06-03 du 15 juillet 2006). (8)En effet, sur un effectif d'environ 14 000 à 15 000 agents des douanes, tous grades et fonctions confondus, seule la moitié semble-t-il, en majorité des agents du service des brigades, effectue les opérations de travail extra légal !