Le conflit entre Algérie Télécom (AT) et l'Eepad, qui a éclaté de nouveau il y a une semaine, n'a pas trouvé son épilogue. Le fournisseur privé d'accès à Internet est toujours coupé du réseau des réseaux, privant 35 000 abonnés, dont des entreprises, des cybercafés et des ambassades, de surfer sur le Net. Contacté, Nouar Harzallah, PDG de l'Eepad, a confirmé « le statu quo. L'entreprise a subi un préjudice énorme sans compter le stress du personnel ». L'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT) s'est invitée dans ce litige. La représentante de la cellule de communication est intervenue pour dire que l'ARPT a « mis en œuvre dès le début du litige, en mai dernier, une action de médiation entre les deux opérateurs pour solutionner ce problème, une action qui est toujours en cours ». Elle poursuit : « C'est pourquoi je dirai que nous sommes surpris au niveau de l'ARPT de la décision prise par Algérie Télécom de suspendre la fourniture de ses services pour le compte du provider Eepad. » D'après des sources bien informées, l'ARPT tentera, dans les prochains jours, de réunir autour d'une même table les responsables de l'Eepad et d'AT pour une autre séance de médiation. L'ordre du jour sera le rétablissement immédiat de la connexion et la discussion sur une solution durable au problème posé. Mais fait étrange, on ne trouve aucune information dans ce sens sur le site internet de l'ARPT et aucun communiqué de presse n'a été diffusé pour exprimer officiellement sa position. Il s'agit donc d'une probable réunion informelle pour arrondir les angles. L'ARPT aurait adressé une correspondance à AT, dans laquelle elle a exprimé son « étonnement » de la réaction de cette dernière dans son conflit avec l'Eepad. Moussa Benhamadi, PDG d'Algérie Télécom, très diplomate, a estimé que « l'ARPT est, certes, un régulateur des télécommunications, mais elle n'est pas concernée par cette histoire. C'est une affaire commerciale entre AT et l'Eepad et il faut lui trouver une solution ». Le directeur de la communication de l'opérateur public va jusqu'à dire que l'intervention du représentant de l'ARPT « est un non-événement à partir du moment où AT réclame ses droits, sinon on va tomber dans la non-gestion. Le PDG a signé un contrat de performance avec l'Etat dans lequel il est stipulé que AT doit avoir une gestion saine et donc il ne peut faire l'impasse sur tout l'argent qui est dehors ». Pour la direction générale, AT est une entreprise commerciale ; elle a arrêté un programme d'investissements et de formation qui ne repose pas sur des apports étatiques mais sur ses propres fonds. Le contrat de performance a été établi pour « garantir et réaliser les performances projetées pour la période 2009-2013 ». Cependant, au niveau d'AT, « nous sommes pour le renforcement de l'Eepad, mais il n'y aura aucun terrain d'entente en faisant l'impasse sur la récupération des dettes. Il y a les injonctions du Premier ministre et du conseil d'administration » confirme la direction de communication. Créances impayées Le total des créances impayées est estimé à 40 milliards de dinars et les dettes de l'Eepad sont de 3,5 milliards de dinars. Ahmed Ouyahia a adressé une circulaire incitant tous les services de l'administration publique à régler leur situation vis-à-vis de l'opérateur. Il a été décidé le prélèvement direct de ces créances sur les budgets des ministères. Du côté de l'Eepad, on nous signale que l'article 16 du cahier des charges de l'ARPT stipule la continuité des services entre les opérateurs, quelle que soit la nature du conflit qui les oppose. Le dossier du différend qui oppose AT au fournisseur d'accès aux services internet Eepad, pris en main par une commission mise en place par le ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, a abouti à une série de recommandations pour trouver une solution définitive avec entre autres un partenariat public-privé. Il était question également de plancher sur des mécanismes afin d'amortir le choc de la réduction de 50% des prix de l'internet, décidée unilatéralement le 20 avril 2008 par Boudjemaâ Haïchour, ancien ministre des PTIC. Une décision politique qui a eu, à l'époque, le large impact médiatique souhaité, mais qui a été catastrophique pour les autres fournisseurs d'accès à Internet. Même l'opérateur public Djaweb n'avait pas échappé à la saignée et ses activités ont été rattachées à AT pour stopper l'hémorragie. Hamid Bessalah, ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, avait annoncé sur les ondes de la radio nationale Chaîne III, « un basculement au profit des clients de l'Eepad vers les réseaux d'Algérie Télécom ». Mais des sources proches d'AT nous assurent qu'il « n'y a eu jusqu'à présent aucun basculement. Les clients de l'Eepad peuvent par contre s'abonner à AT sans aucun problème. Les capacités existent : 35 000 clients, c'est 5% de notre potentiel ». Comment expliquer ces deux sons de cloche ? Le ministre a-t-il péché par excès de précipitation ? Il donne en tout cas l'impression qu'il veut à tout prix en finir avec ce dossier pour affronter les prochains challenges. Justement, dans les défis à venir figurent la relance du projet Ousratic, 1 PC par famille, et la redynamisation des fournisseurs d'accès à Internet. Dans ce contexte, l'affaire Eepad tombe comme un cheveu sur la soupe.