L'espace d'un après-midi, le Liban a renoué avec les horreurs de la guerre civile. L'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri fait craindre le pire pour un pays qui vient à peine de terminer sa reconstruction. La déstabilisation guette à nouveau le pays des cèdres, l'attentat contre Hariri ayant provoqué une profonde émotion au sein de la population. L'homme était très respecté et très populaire. Les Libanais reconnaissent en lui le bâtisseur qui a réussi le miracle de reconstruire son pays détruit par une guerre fratricide. Des élections générales sont programmées dans quelques mois. Il avait pris la tête de l'opposition, et tous les observateurs le donnaient nettement favori. La raison ? Il s'est engagé dans une campagne pour exiger le départ des troupes syriennes qui occupent le Liban depuis 1976, une revendication que partage la majorité des Libanais. Mais elle n'est pas du tout du goût de Damas. Et le pas est vite franchi. Les Syriens sont les premiers à être accusés du crime. Il est vrai que ce sont des partisans de la manière forte et des spécialistes des coups tordus et brutaux. Ils considèrent le Liban comme faisant partie de la « Grande Syrie » et, de ce fait, ne reconnaissent pas son indépendance. Ils montent sur leurs grands chevaux dès qu'on leur parle de retrait du Liban et n'hésitent pas à punir et à étouffer toute opposition à leur présence. C'est pour ces raisons que les soupçons se sont immédiatement portés sur eux dès l'annonce de l'attentat. Coupables ou innocents, les Syriens vont se voir acculés par la communauté internationale. L'assassinat de l'ancien Premier ministre va relancer le débat sur leur présence au pays des cèdres. Des pressions vont s'exercer davantage pour exiger leur départ d'autant que le Conseil de sécurité des Nations unies s'est déjà prononcé en ce sens dans une résolution présentée par la France et les Etats-Unis. Ces deux derniers vont certainement revenir à la charge et se rallieront incontestablement de nouveau pour leur exigence, y compris dans le monde arabe. On voit mal Damas, déjà isolé et détesté pour son soutien au terrorisme, résister à des pressions ou à des sanctions internationales. L'affaire Hariri pourrait même provoquer la chute du régime baâthiste, surtout qu'Israël est à l'affût pour le pousser dans la descente aux enfers. Et ce ne serait pas une perte pour le peuple syrien. Au contraire. Ce dernier pourrait enfin s'engager, lui aussi, dans la voie démocratique. Le régime baâthiste a peut-être fait l'erreur fatale qu'il ne fallait pas faire.