Deux ans après l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, le pays est enlisé dans une crise politique sans issue. Demain, le pays du Cèdre célèbre le deuxième anniversaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, au moment où la crise politique qui mine le Liban semble sans issue. Sous l'influence et la pression de courants contraires, le Liban se disloque, peu à peu, faisant à nouveau craindre le spectre de la guerre civile alors que le pouvoir, tiraillé entre pro et anti-Syriens, ne donne plus l'impression d'avoir la faculté de rassemblement que nécessite l'état du pays. De fait, depuis le retrait forcé des troupes syriennes -exigé par l'opposition anti-syrienne à l'époque de l'assassinat de Hariri- il n'y a plus un centre, mais plusieurs centres de pouvoir à Beyrouth, rendant aléatoire toute tentative de rapprocher des positions plus que jamais inconciliables. En fait, le Liban, outre de souffrir d'un ordre constitutionnel fondé sur le communautarisme, doit, en sus, gérer un système dominé par les clans et les grandes familles telles celles maronites des Gemayel, sunnites des Hariri ou encore druzes des Joumblatt. Or, les uns comme les autres sont aujourd'hui portés par des sentiments de vengeance envers la Syrie qu'ils tiennent pour responsable de la mort d'un père, d'un frère ou d'un parent. Et c'est le cas, notamment pour MM.Gemayel, Hariri et Joumblatt pour lesquels Damas à une grande responsabilité dans la mort de leurs frère et fils pour le premier, de leurs pères pour les seconds. Fer de lance des anti-Syriens, le dirigeant druze Walid Joumblatt (qui tient Damas pour responsable de l'assassinat de son père Kamal Joumblatt au milieu des années 70) accuse la Syrie de l'assassinat de Hariri et des attentats qui ont visé des personnalités anti-syriennes en 2005 au Liban. Aussi, l'imbrication des affaires personnelles avec les affaires d'Etat a, passablement, compliqué la crise politique qui risque de faire revenir le pays du Cèdre à la case zéro. Cette crise a encore été aggravée par l'unilatéralisme du Premier ministre Fouad Siniora, fidèle entre les fidèles du défunt Rafic Hariri, qui a fait avaliser, par son cabinet, la constitution d'un tribunal international chargé de juger les auteurs de l'attentat contre Hariri sans l'accord préalable de l'opposition, menée par le puissant mouvement chiite du Hezbollah. L'initiative de Siniora a, dans un premier temps, induit la démission de six ministres, dont cinq chiites, accentué ensuite la division entre les diverses chapelles politiques libanaises. La guerre contre le Hezbollah fomentée par Israël durant l'été de l'an dernier, qui a induit l'union des rangs n'aura été, au final, qu'une parenthèse vite fermée une fois le danger israélien passé. Il se trouve qu'au moment où l'on s'apprête à commémorer le second anniversaire de la mort de Rafic Hariri, le Liban se trouve divisé de facto entre un gouvernement Siniora qui n'est plus représentatif, soutenu à bout de bras par Paris et Washington, et une opposition (où sont regroupés les chiites du Hezbollah de Hassan Nasrallah, ceux du mouvement Amal, du président du Parlement, Nabih Berri, les chrétiens du Courant patriotique libre, CPL de Michel Aoun, les sunnites réunis autour de Salim El Hoss, entre autres) qui n'en fini, pas de réitérer ses démonstrations de force avec en sus un sit-in permanent au centre de Beyrouth, là même où la majorité parlementaire appelle à manifester demain autour de la sépulture de l'ancien Premier ministre. Cette manifestation, à la Place centrale de Beyrouth où est inhumé Rafic Hariri, fait ainsi craindre un télescopage de front entre les deux forces politiques libanaises. Dans cette effervescence qui met à mal le pays du Cèdre, la voix de la sagesse sera-t-elle écoutée? Cette voix est celle de la veuve de Rafic Hariri qui vient de délivrer un message, s'exprimant pour la première fois, depuis l'assassinat de son mari, dans lequel elle demande au dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, de faire de cette commémoration une «manifestation d'union et d'amour pour le Liban». «Je vous demande, écrit Mme Veuve Hariri, dans cette lettre publiée dimanche par la presse libanaise, que l'on se regroupe tous autour de sa sépulture pour faire de cette triste date une manifestation d'amour et d'union (...) et pour redonner aux Libanais l'espoir dans un avenir meilleur». Sera-t-elle écoutée, et le dirigeants du Hezbollah -dont la popularité est grande au Liban, depuis la victoire retentissante remportée contre l'armée israélienne en juillet-août derniers- fera-t-il le geste d'apaisement attendu de lui à un moment où le pays du Cèdre a besoin de l'apport de tous ses enfants pour sauver un pays qui, par le passé, a été un exemple pour le monde arabe?