L'attente est longue. Des rumeurs commencent à circuler sur une éventuelle annulation du spectacle, ô combien attendu par les fans de chaba Zahouania. D'autres éléments sont venus attiser le doute : le directeur de la culture, Ali Ould El Hadi, se retire de la scène et crie dans son téléphone portable. L'animateur et les musiciens improvisent pour occuper l'assistance. Un public littéralement jeune et bigarré est venu assister au concert de chaba Zahouania, la star du raï. Il est 23h45. Après une longue demi-heure d'attente, l'artiste fait une apparition tonitruante dans l'embrasure de la scène métallique. Dans un jean fané et un pull blanc, les cheveux en l'air, celle qui était madaha à la manière des cheikhate au début de sa carrière, bouge et joint le texte à la gestuelle en parfaite synchronisation. Malgré ses 50 ans, chaba Zahouania n'a rien perdu de son dynamisme et de son souffle. Elle offre ainsi un spectacle sulfureux, vibrant, à une jeunesse avide de divertissements. La grande salle de la maison de la culture Mouloud Mammeri n'a jamais contenu autant de monde. Des dizaines de familles ont pris place dans les gradins. Sur la pelouse, une jeunesse enthousiaste réplique à la gestuelle de la chanteuse ; d'une voix gutturale et lascive, elle interprète l'un de ses tubes phares, Ya Ridjal Ellah. Dans le répertoire programmé, elle glisse une chanson du défunt cheb Hasni, demandée par le public. Un hommage à celui qui a payé de sa vie son engagement : il chantait l'amour et l'espoir lorsque l'intégrisme atteignait son apogée en cruauté. Fin prématurée du spectacle. La chanteuse pose son micro au milieu de sa prestation et presse le pas vers l'escalier de la scène, la mine subitement défaite, mais s'efforce de garder le sourire. Selon des indiscrétions, il y aurait eu mésentente sur le mode de payement. On apprend par ailleurs que la diva du raï n'est montée sur scène qu'après de longues discussions, à l'hôtel, avec l'organisateur de la soirée. Mais cela ne l'a pas empêchée d'assurer et de subjuguer ses fans.