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Messali Hadj et la haine du PPA
Publié dans El Watan le 01 - 11 - 2011

Ligotés par le fait que tous les animateurs de Novembre 54 et la grande majorité des cadres du FLN/ALN sont issus du PPA (à titre d'illustration, le premier CNRA de 1957 était composé à 75% d'ex-militants du PPA et ne comportait qu'un seul membre de l'Association des oulémas), ils ne peuvent s'attaquer à leur parti de manière frontale. Ces cadres du PPA s'étant séparés de Messali le 1er Novembre 54 en créant le FLN et les ex-assimilationnistes ayant rejoint le FLN, ces derniers ont beau jeu aujourd'hui de s'attaquer à Messali Hadj sans subir les foudres des anciens militants du PPA. Les représentants du courant assimilationniste, dans leur dénigrement de Messali Hadj, appellent souvent à la rescousse les anciens militants du PPA qui ont été déçus par l'idéologie arabo-islamique exclusive de Messali Hadj et qui ont été exclus du parti en 1949 à la suite de la crise dite berbériste.
C'est ainsi que dans son pamphlet du 22 septembre 2011 paru dans le journal El Watan, Mme Benmansour invite dans le débat Abane Ramdane, allant jusqu'à accuser les Messalistes du MNA de son assassinat. Il y a lieu de rappeler pour le lecteur non averti que le juste rassemblement des énergies nationales dans la lutte pour l'indépendance nationale prôné par Abane Ramdane était malheureusement très sélectif : tout en intégrant les ex-assimilationnistes dans le FLN, il a déclaré une guerre à outrance au MNA qui regroupait les partisans de Messali sans possibilité de trêve ou de réconciliation (toutes les tentatives dans ce but ont échoué du fait du FLN : Cf., feuilles de route remises par Abane Ramdane à Omar Boudaoud et à Rabah Bouaziz, après leur désignation en 1957, l'un comme chef de la Fédération du FLN en France, et l'autre comme responsable de sa branche armée).
Il est symptomatique de constater que les plus acharnés à dénigrer le PPA et son président, à savoir les adeptes de l'Association des oulémas et ceux de Ferhat Abbas partagent avec lui la même idéologie arabo-islamique. Par conséquent, leur vindicte à l'égard du PPA ne peut s'expliquer que par l'antagonisme social, les ex-assimilationnistes faisant partie des élites et des classes aisées et les membres du PPA étant des ouvriers, des petits artisans, des paysans sans terre, faisant partie des classes déshéritées.
Lors du colloque du 17 septembre 2011, Mohamed Harbi a théorisé cette différence sociale et culturelle en disant que les uns faisaient partie d'Al Khassa, c'est-à-dire la classe traditionnellement dirigeante et savante, alors que les autres faisaient partie d'Al Amma, c'est-à-dire les classes traditionnellement dirigées et ignorantes. Il est vrai que l'on ne peut que constater que la politique du PPA, avec sa politique et ses mots d'ordre radicaux, a renversé l'ordre traditionnel, de telle sorte qu'à l'indépendance ce sont les hommes d'origine Amma qui se sont trouvés aux avant-postes de la direction du pays. C'est sans doute ce bouleversement social qui est à l'origine de la haine des ex-assimilationnistes envers Messali Hadj et le PPA. Maintenant, venons-en aux faits pour savoir en quoi Messali Hadj serait un traître, et ce, en examinant les deux périodes suivantes : l'avant 1er Novembre 54 et l'après 1er Novembre 54.
L'avant 1er Novembre 54 : en 1936, notre pays a traversé un événement d'une extrême gravité. Une structure nationale appelée Congrès musulman algérien (CMA) regroupant une dizaine de partis et d'associations, dont notamment l'Association des oulémas qui en a été l'initiatrice, Ferhat Abbas et ses amis politiques de la Fédération de Elus de Constantine et le Parti communiste algérien, ont réclamé le rattachement politique de l'Algérie à la France, dans une charte revendicative qu'ils ont remise le 24 juillet de la même année au gouvernement français. Dans cette affaire, la franchise doit être de mise : quelles que soient la considération et l'estime que l'on a envers Cheikh Ben Badis, Cheikh Al Ibrahimi et Ferhat Abbas, qui se sont rendus à Paris pour remettre cette charte, le rattachement politique de l'Algérie à la France signifie exactement l'Algérie française, mot d'ordre des ultras colonialistes pendant la Révolution.
Il est effarant de constater qu'on puisse faire une telle demande après les sacrifices consentis par millions par le peuple algérien durant plus de 70 années de résistance après 1830 (ainsi, les régions Ouest et Centre, durant 17 années effroyables, sans la présence des médias et sans le soutien de pays arabes ou amis, ont perdu la moitié de leur population ; dans les années 1850, la Kabylie s'est sacrifiée dans la même proportion, de même les Zaâtchas de Biskra, la révolte d'El Mokrani, la longue épopée des Ouled Sidi Cheikh dans le sud oranais). Ces résistances renouvelées et ces sacrifices avaient un seul objectif : signifier à la France que l'Algérie n'était pas un bien vacant, qu'elle avait ses hommes et ses femmes pour la défendre et que son occupation n'était pas légitime, qu'elle était illégale et imposée par la force.
Or, voilà qu'en cette année 1936, des sommités de notre peuple, des intellectuels, des oulémas (excepté les oulémas du PPA, liste en N. B.) et des élus dans les assemblées, prennent l'initiative de rendre par leur charte revendicative l'occupation française consentie, légale. Il aurait juste suffi pour que cette entreprise réussisse qu'aucune partie algérienne ne se manifeste pour la désapprouver. Heureusement, ce ne fut pas le cas, car une organisation algérienne qui activait en France, à savoir l'Etoile nord-africaine (ENA), dont les militants étaient des travailleurs émigrés, s'opposait farouchement à ce rattachement depuis déjà une dizaine d'années (1926).
Quelques jours après la remise de la charte revendicative du CMA au gouvernement français qui eut lieu le 24 juillet, le président de l'ENA, Messali Hadj, se rendit à Alger le 2 août 1936, pour exprimer aux partisans du rattachement le refus de son organisation, en les apostrophant dans un meeting public et en leur disant : «L'Algérie n'est pas à vendre.» Du fait de cette contestation arrivée au bon moment, au moment où l'Algérie devait être offerte à la France, l'ENA et son président remirent cette dernière à sa vraie place de force occupante qui devait un jour ou l'autre quitter l'Algérie. Et c'est ce qui arriva en 1962 : la vision et le patriotisme constant et tenace de Messali Hadj s'est révélé juste. A Messali Hadj, la patrie sera éternellement reconnaissante.
Quant aux organisations du CMA, le tribunal de l'Histoire jugera. D'autant plus qu'elles n'ont jamais adopté le mot d'ordre d'indépendance totale après leur faux pas de 1936, et ce, jusqu'au déclenchement de la lutte armée le 1er Novembre 1954, après avoir tergiversé pendant deux années : elles n'ont rejoint le FLN qu'en 1956 et aujourd'hui, leurs partisans oubliant leur passé, n'hésitent pas à traiter Messali Hadj de traître, pas moins. En somme, c'est le voleur qui crie au voleur.
L'après 1er Novembre 54 : c'est durant la révolution qui a été le théâtre d'affrontements armés entre le FLN et le MNA, causant des milliers de victimes, que les ex-assimilationnistes tirent leurs arguments pour qualifier Messali Hadj et ses partisans du MNA de traîtres. Cette grave accusation s'avère non fondée lorsqu'on examine un tant soit peu quelques faits historiques.
Tout d'abord, il y a lieu de rappeler aux amnésiques, qu'au moment des affrontements tragiques FLN/MNA, les militants du FLN et l'ensemble des Algériens considéraient qu'il s'agissait d'une guerre fratricide, opposant des frères à d'autres frères, les deux militant pour la même cause. Ils déploraient vivement ces affrontements et ils auraient été encore plus confortés dans leur position s'ils avaient eu connaissance des faits, méconnus en ce temps par l'opinion publique, que nous allons citer ci-après.
Ainsi, dès décembre 1954, au deuxième mois de la révolution, le MNA a transmis une aide financière et matérielle à la Wilaya III (Kabylie) en la remettant à Krim Belkacem. Bien avant, le 8 novembre 1954, Messali Hadj avait condamné dans un communiqué la répression colonialiste.
A l'inverse, le Parti communiste a condamné les attentats du 1er Novembre. Deux, le 5 septembre 1955, moins d'une année après le déclenchement de la lutte armée, Messali Hadj a envoyé au nom du MNA un mémoire au SG de l'ONU pour lui demander de le soumettre aux travaux de la 10° session de l'AG de l'ONU. Ce mémoire concernait, je cite : «Les dramatiques et sanglants événements qui mettent aux prises, sur le territoire de l'Algérie, les forces armées françaises et le peuple algérien.» Il ajoute plus loin : «Depuis le 20 août 1955, la situation, déjà dramatique de l'Algérie s'est considérablement aggravée. Certes, le 1er Novembre 1954, le peuple algérien, qui, depuis la conquête, n'avait cessé de…… afin que soient pris en considération ses droits nationaux s'est vu contraint de passer à l'action.»
Après deux années et demie d'affrontements tragiques entre le FLN et le MNA, celui-ci a proposé une réconciliation le 17 juin 1957 dans une plateforme dont extrait ci-après (source : «Les archives de la Révolution algérienne» de Mohamed Harbi, page 140) : «Les responsables soussignés, du FLN et du MNA, détenus à la prison de la Santé : – déclarent être animés du désir de voir les deux organisationsœœuvrer d'un commun accord pour l'élaboration et l'application d'un programme susceptible de mettre rapidement un terme à la domination coloniale en Algérie. Etc.» Cette plateforme, signée par Mohamed Maroc au nom du MNA, devait être signée par Ben Bella au nom du FLN. Bien que Ben Bella fût d'accord sur le contenu, il n'a pas pu la signer n'ayant pas eu l'assentiment de ses compagnons de détention.
Dans le même esprit de réconciliation, Messali Hadj a lancé le 1er septembre 1957 un appel unilatéral à la cessation des attentats en France (source : «Le FLN, mirage et réalité» de Mohamed Harbi, page 156), appel à la suite duquel une trêve a été observée. Malheureusement, cette trêve a été vite rompue le 20 septembre par un attentat du FLN dans la région parisienne contre Ahmed Semmache, un cadre du MNA (supra : fin 2e paragraphe).
Pendant les négociations d'Evian, Messali Hadj a refusé de tomber dans le piège de la division au détriment de la cause nationale. Ci-après, extrait de son rapport de mars 1963 sur cette question (source : «Les archives de la Révolution algérienne» de Mohamed Harbi, page 375) : «Le 6 juin 1961 : on devait, ce jour, répondre à un émissaire du gouvernement français. Après avoir examiné leur demande, le bureau politique a décidé de décliner cette invitation qui était jugée contraire à la dignité du MNA, aux intérêts supérieurs de la Révolution algérienne. Le MNA n'a pas voulu se prêter à cette manœuvre du colonialisme français, qui consistait à utiliser notre parti comme un moyen de pression sur le FLN.» Cette position hautement révolutionnaire peut être interprétée, plus que tous les autres faits, comme une gifle magistrale aux tenants de la thèse de la trahison du MNA.
Comme tout mouvement révolutionnaire armé, le MNA a compté dans ses rangs de nombreux martyrs ainsi que des condamnés à mort dont certains guillotinés et des milliers de prisonniers.Enfin, après l'indépendance, de grands dirigeants du FLN ont marqué leur respect et leur estime à Messali Hadj, soit par une demande d'entrevue (Krim Belkacem 1967), soit en assistant à ses obsèques ( Ali Mahsas, Paris 1974) ou à son enterrement (Hocine Lahouel, Tlemcen). Une telle considération par la direction historique du FLN est tout à fait contradictoire avec le refus opposé à un colloque sur Messali Hadj qui devait se tenir à Batna après celui tenu à Tlemcen l'année 2000.
La direction historique du FLN étant constituée d'anciens militants du PPA, on peut comprendre que ces derniers aient toujours de l'estime pour leur ancien chef, surtout que celui-ci n'a pas commis d'acte de trahison, ils le savent plus que tout autre. Il est par conséquent certain que le refus du colloque de Batna ne provient pas d'anciens militants du PPA, mais des partisans des anciennes organisations assimilationnistes dont la haine pour le PPA, plus que pour le MNA, est restée tenace.
N. B. : tous les oulémas algériens n'étaient pas pour le rattachement politique de l'Algérie à la France. Le PPA comptait dans ses rangs de nombreux oulémas militant pour l'indépendance nationale. Ce sont (liste non exhaustive) : Cheikhs Saïd Ez Zahiri, Bouzouzou Mahmoud, Abderrahmane Belaggoune, Ziane Belgacem El Baïdhaoui, Belhadi Mohamed Al Amine, Bencheikh Hocine Abdelhakim, Mohamed Larbi Dmagh Al Atrous,Mahfoudi Mohamed, Khélifa Benamar, Zouaï El Hadj, Miloudi Laroussi, Cherchali Belgacem, Zerrouki Mohamed, Cheikh Belabed, Mhammed Bechlaghem, Beneddine Zerrouki. Ces oulémas étaient professeurs dans les medersas du PPA, certains dirigeaient des revues du parti comme Le Maghreb arabe ou El Manar, d'autres étaient
des élus.


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