C'est le temps de la relève dans le monde du chaâbi. Relève qui paraît impossible ailleurs, mais qui est bien en marche dans l'univers de cet art populaire. Mercredi soir, au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA) à Alger, les premiers candidats participant à la 4e édition du Festival national de la chanson chaâbi, qui se déroulera jusqu'au 15 septembre courant, se sont produits devant une salle archi-comble. Des candidats chanceux. A l'ouverture des candidatures en mars 2009, le nombre des prétendants était, selon Abdelkader Bendaâmèche, commissaire général du festival, de 321 venus de 22 wilayas. Après sélection, les candidats sont passés à 83 lors des demi-finales de juillet qui ont eu lieu à Sétif, Mostaganem et Alger. En finale, ils sont une trentaine à concourir pour le premier prix doté de 300 000 DA. D'autres prix sont remis aux meilleurs candidats, à savoir ceux du jury et d'encouragement, dont les maîtres du chaâbi, Hadj Mrizek, Hassen Saïd et Amar Laâchab. Le jury prend plusieurs critères pour évaluer les artistes en herbe : la mémorisation du texte, les possibilités vocales, la maîtrise de l'interprétation et du rythme, l'authenticité du texte et de la mélodie, la personnalité de l'interprétation et l'habit. Le jury est présidé par Boudjemaâ El Ankis, la grande voix du chaâbi, assisté de Tahar Benahmed et Abdelkader Razkallah, anciens chefs d'orchestre chaâbi de la radio ainsi que Abderrahmane Aïssaoui, Mohamed Hmaïdia et Mohamed Touzout, chercheurs en poésie populaire. Amar Laâchab, 77 ans, et Hassen Saïd, 78 ans, seront particulièrement honorés à la faveur du festival. Célèbre par Nest'hel el kia, qui a lui a valu le premier prix du festival d'Oran en 1966, Amar Laâchab, qui est installé à Paris depuis 1975, est auteur également d'un autre succès Hasdouni hata fi chemaâti, écrit par Mahboub Bati. Il a réalisé une centaine d'enregistrements à la radio, à la télévision et sur disque. Il a, selon Abdelkader Bendaâmèche, bénéficié d'une quantité précieuse de poèmes qui lui a été offerte par son ami l'avocat Abdelaziz Benachour. Des poèmes chantés plus tard. Amar Laâchab n'est revenu en Algérie qu'en 2005 à la faveur d'un concert unique à la salle El Mougar à Alger. Hassen Saïd a, lui aussi, disparu de la scène artistique. « El hadj Hassen Saïd a imprimé à son œuvre, constituée durant un demi-siècle, une aisance vocale et une clarté du texte qui ne souffre d'aucune ambiguïté. Aussi bien dans la chansonnette que dans la longue poésie extraite du patrimoine, son comportement a été exemplaire », écrit Abdelkader Bendaâmèche dans le prospectus du festival. Hassen Saïd et Amar Laâchab ont été parmi les premiers élèves d'El hadj M'hamed El Anka au conservatoire d'Alger. Depuis la première édition du festival en 2006, des hommages ont été rendus à El hadj M'hamed El Anka, El Hachemi Guerouabi et à Mohamed El Badji. La soirée du mercredi a commencé, avec un léger retard, au son de la zorna. Un orchestre, constitué avec des musiciens venus de toutes les régions du pays et dirigé par Mokdad Zerrouk, a pris le relais avec une touchia pour mettre les présents dans l'ambiance. Les candidats Zoheir Aït Kaci d'Alger, Mohamed Khoulali de Tizi Ouzou, Hind Abdellali de Mostaganem et Belkacem Bouraï de Béjaïa se sont relayés sur scène en tentant de présenter le meilleur d'eux-mêmes. Zoheir Aït Kaci, 28 ans, médecin de formation, a fait ses premiers pas dans l'art chaâbi au conservatoire d'Alger avant de rejoindre l'ensemble andalou El Djazira. En tenue traditionnelle des grands jours, il a interprété un mdih Salallah al el mahi. A la manière d'El Hasnaoui, Mohamed Khoulali a chanté des poèmes en kabyle de Kamel Hammadi, soulignant le caractère pluriel et ouvert du chaâbi. Mohamed Khoulali, 32 ans, a appris les bases de la musique au conservatoire de Tizi Ouzou. Il tente une carrière en solo. Hind Abdellali de Mostaganem veut, elle aussi, se lancer sur la piste des étoiles. A l'association El Fen oua nachat, elle a appris la maîtrise de la mandoline et de la kouitra. Elle a interprété avec assurance un mdih, Nehdik laa troua kelbi de Benmesayeb. La génération Fadéla Dziria et Reinette Daoued attend toujours de véritables héritières dans l'art du chaâbi, celles qui ne cèdent pas la facilité des chansons de mariage ! « Ahsen ma youkal andi » (la célèbre « Khezna sghira » de Lakhdar Benkhlouf) fut la qcida choisie par Belkacem Bouraï pour sa prestation. Encouragé par son ami Hassen Fadli, qui a décroché le deuxième prix à la précédente édition du festival du chaâbi, le jeune artiste, 32 ans, veut, lui aussi, tenter sa chance, puisque ses capacités vocales le lui permettent. Abdelkader Bendaâmèche a lu aux présents le poème de Belkacem Ould Saïd, Kifach hilti. « Nous voulons que la lecture des poèmes soit correcte et que les mots soient prononcés tels qu'ils sont écrits », a-t-il expliqué. Chaque soir, un texte est lu au public. Les lauréats des éditions de 2006, 2007 et 2008, respectivement Mohamed Réda Charf, Abdelhak Bourouba et Youcef Benyeghzer ont été ensuite invités à chanter sans doute pour les encourager davatange. Ce soir, Omar Boudjemia d'Alger sera la guest-star de la soirée. Avant lui, seront sur scène les candidats Bensaber Boukherouba de Mostaganem, Abderahmane Yamouni de Tiaret, Ahmed Izri de Mascara, Abderrahmane Brahimi et Farid Ouachour d'Alger ainsi que Réda Bouriah de Paris. Le festival sera désormais ouvert aux Algériens établis à l'étranger. Le festival est dédié à El Hadj Mrizek, décédé à l'âge de 43 ans en 1955 à Alger. Début septembre, l'Association des amis de la rampe Louni Arezki (ex-Rampe Valée) a organisée une soirée-hommage à El Hadj Mrizek à La Casbah. Il était temps ! Parallèlement aux concerts du TNA, des débats sur la méthodologie du travail musical, de la poésie melhoune et de la connaissance de la chanson chaâbi et de ses maîtres sont prévus jusqu'au 14 septembre à la salle rose de l'Institut national supérieur de la musique (INSM) à Alger. Ils auront lieu à la mi-journée et seront animés par Mohamed Touzout, Abdelkrim Amimour, Mohamed Hmaidia et Abdelkader Bendaâmèche. Festival national de la chanson chaâbi Tous les soirs à partir de 22h au Théâtre national Mahieddine Bachetarzi (TNA) à Alger Mail : [email protected] Tél : 021 71 80 13