Dans le cadre d'une convention de coopération avec la wilaya d'Alger la présidente de la région Ile-de-France était accompagnée de l'architecte Jean Nouvel, qui a publié sur sa page facebook ce qui suit : «Nouveau projet – Une convention a été signée ce week-end entre la Région Ile-de-France, la wilaya d'Alger et nos ateliers portant sur la revitalisation de La Casbah d'Alger, inscrite au patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco depuis 1992. Ce projet inclura la réalisation d'une vision architecturale globale ainsi que la reconversion du palais Dar El Hamra en équipement culturel métropolitain.» L'architecte de renom est donc venu à Alger en qualité de prestataire de service accompagnant la femme politique française Valérie Pécresse, pour un effet d'affiche sur un projet qui n'existe pas ou du moins qui n'a jamais été porté politiquement. Il est quand même curieux de mettre en avant un architecte dans l'annonce d'une convention d'intentions générales sur «la revitalisation» d'un lieu d'histoire et de mémoire. Cette façon de faire est révélatrice d'une approche qui réduit la question à une affaire purement technique. L'état de ruine des vieilles demeures de la vaillante médina qui n'en peut plus est l'image saisissante du naufrage des politiques de la ville. Pourtant, l'Algérie s'est bien dotée d'une panoplie de textes réglementaires en matière de sauvegarde des secteurs présentant une valeur patrimoniale avérée. Ces textes ont été promulgués pour encadrer les politiques de revalorisation des tissus anciens. Ces politiques passent par la création de véritables dynamiques de développement insufflées par des porteurs de projet dans ces quartiers. Dans le cas de La Casbah qu'on dit inscrite sur la liste de Patrimoine mondial de l'humanité depuis 30 ans déjà, aucun projet de mise en pratique des intentions de revalorisation n'est venu répondre aux impératifs précis de cette inscription. Jamais n'a-t-on pu, malgré cette inscription, épargner à notre médina son statut malheureusement endémique d'immense centre de transit. Lieu de passage des plus démunis qui y séjournent un moment pour devenir de potentiels demandeurs de logements neufs à déplacer ailleurs. C'est dire le grand décalage entre les intentions des textes de lois et la réalité du terrain, qui renseigne plutôt sur une situation des plus dégradées. Devant la mort annoncée de la médina, aucun indice révélateur d'un changement ne vient malheureusement démentir le triste sort qu'on lui réserve. Ne faut-il pas avoir un minimum de décence pour éviter aux Algériens ces effets d'annonce qui ne trompent personne ? La démarche de faire venir un architecte, de renom certes, sans projet révélé ni programme, est d'une vacuité totale. Tout indique malheureusement que le célèbre architecte ne peut avoir d'autre objectif que de s'acquitter d'une prestation de service rémunérée. L'écran de fumée d'une «revitalisation» de La Casbah est entretenu par le couvert clinquant des mots dont personne n'est dupe. Il est quand même curieux qu'on invite un architecte à une cérémonie purement protocolaire de signature de convention d'intentions générales de coopération en matière de préservation des sites anciens où l'attendu politique est totalement flou. Nul n'ignore l'absence totale de projets pour La Casbah au sens politique du terme. A quoi donc rime ce protocole de mauvais aloi, réducteur de l'image de notre pays, surtout pour grandir l'image d'un technicien étranger, fut-il célèbre, en lui permettant, importunément, de s'asseoir à la table du premier responsable de la ville si ce n'était de la très mauvaise réclame d'un projet qui n'existe pas ? A elle seule, cette image brutale suffit à renseigner sur le vide de l'entreprise.