Onze personnes ont été tuées dans les violentes manifestations qui ont secoué en fin de semaine Kampala, où des affrontements sporadiques ont repris hier en périphérie de la ville entre forces de l'ordre et partisans d'un puissant roi coutumier. « Nous avons comptabilisé onze tués », dont cinq jeudi, premier jour des violences, et six vendredi, a indiqué le directeur du principal hôpital de la ville. « Certains ont été tués par balles, d'autres ont été apparemment lynchés par les manifestants », a expliqué cette source précisant que douze blessés « sont toujours dans un état critique » Les manifestants étaient des partisans du Kabaka (roi) Ronald Muwenda Mutebi II, souverain traditionnel des Baganda, l'une des principales tribus ougandaises implantée dans le sud du pays et majoritaire dans la capitale. Un précédent bilan de source policière faisait état de cinq tués. Vendredi, l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) avait accusé la police de faire un usage disproportionné de la force, dont des tirs à balles réelles. Le quotidien New Vision (pro-gouvernemental) a également comptabilisé 11 morts pendant les émeutes, dont six pour la seule journée de vendredi, soixante-cinq personnes ont par ailleurs été arrêtées, selon la police. Des affrontements sporadiques ont repris samedi à la mi-journée entre policiers et petits groupes de manifestants très mobiles, localisés cependant dans des quartiers populaires de la périphérie. Quadrillé par la police et l'armée, le centre-ville est resté calme. Très peu de voitures circulaient et la plupart des magasins sont restés fermés. Les violences avaient éclaté jeudi au cœur de Kampala. Les manifestants protestaient contre les difficultés rencontrées par l'entourage de leur souverain traditionnel, pour organiser un déplacement samedi dans un district au nord-est de Kampala, visite à laquelle s'opposent les membres d'une petite tribu, les Banyala. Les sujets du Kabaka accusent le gouvernement du président Yoweri Museveni d'avoir pris partie en faveur des Banyala pour empêcher la visite royale. Le déplacement a finalement été annulé faute d'avoir pu obtenir « les garanties de sécurité » nécessaires, selon le Katikiro (Premier ministre) du Kabaka, John Baptist Walusimbi. Au nom de son souverain, le Katikiro a exhorté le peuple du Buganda à « rester calme et respectueux de la loi ». L'Ouganda actuel tire son nom de l'ancien royaume des Baganda, le Buganda, qui couvrait autrefois les régions les plus au sud du pays, dont Kampala. Les Baganda, qui révèrent Mutebi II, conservent aujourd'hui une influence politique et économique déterminante au sein de « l'Ouganda utile », le sud prospère et développé du pays. Si les violences ont cessé, la tension n'en reste pas moins vive entre le président Museveni et les Baganda, pourtant alliés politiques depuis les années 1990, observait samedi la presse ougandaise. En 1993, le chef de l'Etat avait accepté la restauration du Buganda et d'autres petits royaumes coutumiers, sous le contrôle de l'Etat fédéral, à la condition qu'ils ne se mêlent pas de politique. Depuis deux ans cependant, les nuages se sont accumulés sur cette alliance de nombreux Baganda aspirant à s'émanciper politiquement de la tutelle museveniste. Au pouvoir depuis 1986, Museveni se retrouve ainsi plus isolé politiquement à deux ans d'une élection présidentielle qui s'annonce très disputée. Pour le quotidien Monitor (opposition), le nouveau face-à-face Museveni-Kabaka aura vraisemblablement « de très sérieuses conséquences sur le scrutin présidentiel, mais peut-être également sur la stabilité du pays.