Bilan n Au moins 14 personnes ont été tuées et plus de 600 émeutiers interpellés au cours des manifestations violentes qui ont secoué ces trois derniers jours Kampala. A deux ans de l'élection présidentielle, la tension monte en Ouganda, où le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, fait face à une grave crise politique après la révolte des partisans d'un puissant roi coutumier du sud du pays. A la surprise générale, des manifestations spontanées des partisans du «Kabaka» (roi) Ronald Muwenda Mutebi II, vénéré souverain des Bagandas, la principale ethnie du pays, ont éclaté jeudi dernier à Kampala et dégénéré en graves émeutes. Difficilement contenues par la police et l'armée, les violences ont finalement cessé avant-hier, samedi, et les affrontements ont fait au moins 14 tués, avec 600 arrestations, selon un nouveau bilan de la police établi, hier, dimanche, marquant une très nette crispation de la situation politique. Les Bagandas peuplent le Buganda, puissant royaume précolonial du sud du pays qui a tenu tête à l'envahisseur britannique, et donné son nom à l'Ouganda contemporain. Largement majoritaires dans la capitale, ils ont toujours eu une influence politique et économique déterminante au sein de «l'Ouganda utile», le sud prospère et développé du pays. Opprimés sous les Présidents nordistes (Milton Obote, Idi Amin Dada et Tito Okello), ils ont trouvé en Museveni, un sudiste de l'ethnie minoritaire des Banyankole, un allié de circonstance qui, fort opportunément, a rétabli symboliquement en 1993 la royauté du Buganda, sous le contrôle de l'Etat fédéral. «La récompense de Museveni a été un soutien sans retenue des Bagandas aux élections de 1996, 2001 et 2006», rappelait vendredi le journal Monitor (opposition). Depuis deux ans cependant, les nuages se sont accumulés sur cette alliance, de nombreux Bagandas aspirant à s'émanciper de la tutelle museveniste. Les sujets du Kabaka estiment également avoir été trahis au fil des ans par «un gouvernement autocratique qui tente de monopoliser les ressources», selon un récent manifeste baganda, de leur terre natale, et instrumentalise à son profit les rivalités ethniques. Les émeutes de cette fin de semaine précipitent donc la fin de ce mariage de raison. «La manière dont le chef de l'Etat jonglera dans ses relations avec cette région stratégique, peuplée et prospère est pourtant la clé pour avoir une chance de remporter la présidentielle de 2011», relève le Monitor. Museveni se retrouve ainsi encore un peu plus isolé, alors qu'il doit faire face, par ailleurs, à un nouvel adversaire redoutable : l'opposant Olara Otunnu, de retour au pays depuis fin août après 23 ans d'exil. L'ancien guérillero, 23 ans au pouvoir, a clairement prévenu les représentants bagandas : «nous avons combattu de nombreuses batailles, nous gagnerons celle-là aussi.» Mais pour le Monitor, «la confrontation est potentiellement explosive, elle ne peut avoir qu'un vainqueur et pourrait mettre le pays en lambeaux».