Renvoyée à plusieurs reprises, l'affaire du whisky frelaté a été jugée hier au tribunal correctionnel d'Alger. Durant les deux heures du procès, aucun mot n'a été dit au sujet de l'affaire des vrais faux bons de caisses liée à ce dossier épineux que l'opinion publique ne connaîtra peut-être jamais. Deux prévenus ont été appelés à la barre : Abdelaziz Lamali, importateur, et Bachir Billal, propriétaire du registre du commerce, pour répondre entre autres d'opérations d'importation illicites, violations de la loi relative au mouvement de capitaux et du contrôle de change et infractions douanières. D'emblée, Abdelaziz Lamali a nié en bloc les accusations portées à son encontre, y compris sa relation avec Bachir Billal. « Je n'ai aucune relation avec Billal. Tamertat Zaidi m'a parlé de quelqu'un qui avait importé de la marchandise et qui cherchait un associé pour l'aider au financement... » Une réponse qui n'a, semble-t-il, pas convaincu la présidente. « Comment, la marchandise était déjà au port et, lui, il cherche un associé pour la financer ? » Lamali, d'un ton tout à fait serein, lui a répondu : « C'est une pratique courante que tout le monde connaît... » La présidente lit à voix haute les déclarations du transitaire et du déclarant en douane qui ont tous deux affirmé que les formalités de dédouanement ont été accomplies par Lamali en personne. « Non Mme la présidente, c'est faux. Ce transitaire m'en veut parce que je n'ai pas voulu l'aider, il y a dix ans, dans une affaire de meurtre. J'ai fait une première opération avec ce Billal en 2002 seulement et c'était une réussite. Le whisky, je ne sais pas qui l'a importé... » La magistrate revient à la charge. « Quel intérêt ont les directeurs d'El Khalifa Bank et de la BCIA pour affirmer que c'est vous qui aviez ouvert les comptes bancaires ayant servi à cette opération et les aviez même alimentés pour importer du whisky impropre à la consommation ? » Abdelaziz Lamali lance froidement : « Ils disent ce qu'ils veulent, mais moi je dis que ce sont des mensonges. » Appelé à la barre, Bachir Billal a précisé n'avoir pas connu Abdelaziz Lamali. « J'ai connu son frère Yassine, par l'intermédiaire de Zaidi. Il m'a demandé de lui louer mon registre du commerce pour un montant de 25 000 DA. J'ai apporté tous les documents nécessaires et il m'a ouvert un compte bancaire en devise. » Bachir a révélé avoir reçu une somme globale de 400 000 DA en l'espace de deux ans. « Mais lors de la dernière opération, lorsque je suis parti récupérer mon dû, Yassine m'a dit qu'il fallait que je me cache parce que la police me recherchait. Il m'a donné le numéro de téléphone de son frère Abdelaziz que j'ai appelé et il m'a, lui aussi, demandé de patienter... » Révélations La présidente demande à Abdelaziz Lamali ce qu'il pense des propos de Billal. « Il ment... », a-t-il lancé en pointant le regard sur Billal. « Qu'est-ce qu'il t'a dit encore au téléphone ? », lui a demandé la magistrate. « Il m'a proposé une somme de 2 millions de dinars pour que je me cache quelque part. J'ai refusé. Zaidi m'a alors pris dans la voiture de Mazoui Benyoucef, une Mercedes verte, et m'a emmené vers sa villa à Palm Beach où il devait me cacher. Ils m'ont gardé pendant plus de six heures là-bas... » Face à ces révélations, Lamali n'a pas changé d'un iota sa version. Il a continué à tout nier. La même position est adoptée par le témoin Mazoui. Tamertat Zaidi a également nié avoir connu Billal. Il a déclaré que sa relation avec Abdelaziz Lamali était liée uniquement au fait qu'il lui échangeait les euros. Appelé à la barre, Yassine Lamali a affirmé que le « Billal Bachir » qu'il connaît n'a rien à voir avec celui présent à l'audience. « Je n'ai jamais vu ce type. Un autre Bachir est venu remettre un dossier à mon frère. Et c'est avec lui que je suis parti à la banque pour lui ouvrir un compte... » L'avocat conseil de la direction générale des douanes s'est contenté de remettre au tribunal ses demandes écrites. « Nous aurions aimé entendre, ne serait-ce qu'une seule fois, les plaidoiries de l'administration douanière au lieu qu'elle se contente, comme elle nous a habitués, de nous adresser ses demandes par écrit... », a lancé la présidente. Les deux avocats de Bachir Billal ont plaidé l'innocence de leur mandant en insistant sur le fait qu'il « était victime des agissements » de Abdelaziz Lamali. « Billal Bachir est un chômeur d'une petite commune de Médéa. Zaidi l'a emmené au bureau de Lamali où il lui a proposé la location de son registre du commerce. Tous les témoins d'El Khalifa Bank, de la BCIA, le transitaire et le déclarant en douane ont confirmé que c'est Lamali qui a financé l'opération d'importation. Mais lorsque l'affaire a éclaté, il lui a proposé 2 millions de dinars en contrepartie de sa disparition... » Pour leur part, les cinq avocats de Abdelaziz Lamali ont eux aussi plaidé l'innocence, tantôt en accusant les services des douanes de vouloir coûte que coûte récupérer de l'argent, tantôt en accusant El Khalifa Bank d'avoir procédé au transfert de la somme de 5 millions d'euros. « Il n'y a aucun document qui prouve que Lamali est le véritable importateur de ce whisky ou que les 66 milliards ont été versés dans son compte. » Le ministère public a requis 2 ans de prison ferme assortie d'une amende de 5000 DA contre Lamali et 1 an de prison ferme assortie de la même amende contre Bachir Billal. Le verdict sera connu le 9 mars.