La création d'une école nationale d'écriture de l'histoire, comme préconisé par le président de la République à l'issue de l'audition du ministre des Moudjahidine, ne semble pas être du goût de certains historiens. L'histoire et son écriture ne devraient ainsi en rien être prises en charge par une quelconque institution, étatique de surcroît, mais sont du ressort de l'université, de la recherche scientifique et des historiens. « Il existe d'ores et déjà des organismes officiels, l'ONM ou autres, qui sont dotés de budgets colossaux, mais qui n'apportent rien dans le domaine et n'ont aucune visibilité », déplore l'historien Dahou Djerbal. Et d'ajouter : « L'histoire, aujourd'hui, est déjà sur-politisée. A quoi bon faire de cette recherche une affaire d'institutions, si ce n'est à réécrire l'histoire officielle. » Son confrère, l'historien Mohamed El Corso abonde dans le même sens, affirmant que « seuls des historiens avérés peuvent s'atteler à cette tâche, dans la liberté et l'indépendance la plus totale ». Ce dernier considère cette décision comme s'inscrivant « dans le prolongement des démarches des années 1980, lorsque les autorités avaient organisé de nombreux séminaires, colloques et rencontres, académiques et à base de contributions et de témoignages, pour une réécriture de l'histoire de l'Algérie ». Il suppose donc que le chef de l'Etat aspire à aller plus loin, afin de donner un caractère scientifique à cet acte. Pour El Corso donc, l'initiative pourrait être bénéfique, « d'autant plus que les témoins de cette période et les Moudjahidine disparaissent les uns après les autres ». Quelques réserves quand même. Cette école doit impérativement être sous la tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, et non du seul ministère des Moudjahidine. De même, ces recherches et études ne doivent être effectuées que dans une démarche méthodologique et scientifique, objective et pondérée. « L'écueil à éviter est celui d'en faire une école d'histoire officielle, ce qui ne servirait en rien la cause recherchée, à moyen et long termes. Nul besoin de faire de l'apologie pour l'apologie », commente El Corso. En sus, afin d'éviter toute « dérive », et afin de gagner en crédibilité et en efficience, il est indispensable « d'ouvrir les rangs de cette école à toutes les sensibilités et à des voix multiples ». « En somme, il faut s'inscrire dans une démarche bien plus critique, car l'histoire revêt avant tout un rôle rassembleur et identificateur. Il faudrait donc pouvoir changer cette poussée patriotique en mal de références », analyse-t-il. L'un des problèmes auxquels fait face la recherche en histoire, au sens de M. Djerbal, est que « l'université n'existe plus dans le champ de l'écriture de l'histoire. Et l'on en constate le résultat : l'histoire de l'Algérie est cantonnée à la guerre de Libération nationale. Des milliers d'années sont ainsi occultées, balayées », s'attriste l'historien. « Il faut donc renforcer la recherche scientifique universitaire et la doter de moyens adéquats à même de la densifier. Et surtout de cesser ces tentatives d'institutionnaliser l'écriture d'une histoire malmenée », conclut M. Djerbal.