Paisiblement perché sur le sommet d'une montagne, un relief accidenté où la route, sinueuse, est maintenue en bon état, le village Bouraoui Belhadef, chef-lieu de commune, à une soixantaine de kilomètres au sud-est de la wilaya de Jijel, était pourtant animé en ce jour d'avant l'Aïd. La route principale traversant le centre de ce petit bourg déborde de monde. Pendant que les villageois font des emplettes pour la fête de la fin du Ramadhan, les klaxons des véhicules fusent de toutes parts pour tenter de débloquer une circulation pourtant habituellement fluide en ce moment de la journée. Un jeune homme d'un certain âge nous fait savoir qu'il y a beaucoup de gens qui, partis ailleurs, dans les grandes villes, sont de retour à leur village natal à l'occasion de l'Aïd. Notre interlocuteur explique encore que « beaucoup d'anciens habitants de cette région coulent aujourd'hui des jours heureux à Oran, Annaba et surtout Alger où ils ont prospéré dans les affaires commerciales qu'ils ont entreprises », et qu' « ils sont ainsi naturellement de retour pour fêter l'Aïd parmi les leurs ». Plusieurs voitures immatriculées à Alger, mais aussi à Boumerdes, Annaba et dans d'autres villes, confirment, on ne peut mieux, ces propos. Faute de pouvoir s'insérer dans le circuit artisanal qu'ils maîtrisent, des jeunes, principalement des artisans dans la couture, la restauration, la boulangerie ou même la boucherie, ont pris la route des grandes villes où ils ont pu établir une bonne situation professionnelle. Certains se sont même convertis dans le commerce des conteneurs, nous dit notre jeune homme. Sur son élan, celui-ci lance avec assurance que « les clés d'Alger sont ici chez nous », allusion faite aux nombreuses activités commerciales dépendant des gens originaires de cette région, lesquelles sont maintenant à l'arrêt à la capitale. La dégradation des conditions sécuritaires dans les années 1990 a également poussé la population à l'exil. Contraints de plier bagage dans les conditions que tout le monde connaît pour fuir les hordes terroristes affiliés aux groupes islamistes armés, beaucoup d'habitants de cette commune n'ont plus remis leurs pieds dans leurs douars après avoir laissé leur bien livrés au pillage et à l'usure du temps. Les nombreuses maisons, de belles villas aussi, qu'on peut contempler de loin dans les localités montagneuses de cette région et qui sont aujourd'hui abandonnées, témoignent de ce départ massif d'une population qui garde plus que jamais la nostalgie de la vie paisible dans la compagne. Le mouvement des voitures sur la route reliant le chef-lieu de la daira d'El Ancer à la commune de Bouraoui Belhadef en passant par le village agricole de Lemharka, indique, toutefois, que la vie a bien repris son cours normal, et depuis longtemps dans cette région. Les projets de développement ne manquent pas dans cette commune de plus de 15 000 habitants de par ces nombreux chantiers qui poussent ça et là de part et d'autre de la route. L'agence postale, la polyclinique, ainsi que plusieurs établissements scolaires, dont un lycée en construction et deux CEM, sont des infrastructures dont ont bénéficié les habitants. Si la population se débrouille tant bien que mal pour vivre, en s'adonnant notamment à l'élevage, et principalement ovin, selon un habitant, il n'en demeure pas moins que le problème épineux de l'AEP empoisonne la vie des citoyens. Que ce soit au chef-lieu même de la commune ou ailleurs dans les huit mechtas relevant de cette dernière, à Ghdir El Kebch, Ouled Messaouda ou Ouled Khlas, pour ne citer que ces bourgades, les villageois peinent à s'approvisionner en eau, selon les témoignages recueillis sur place. Village natal du ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, qui ne manque pas d'y revenir de temps en temps, selon les mêmes témoignages, Bouraoui Belhadef, plus connu sous le nom de Beni F'tah avant d'être baptisée au nom d'un chahid de la région, est l'une des communes enclavées et défavorisées de la wilaya de Jijel. Elle nourrit l'espoir de sortir de son isolement par l'aménagement des routes reliant ses différentes mechtas et la concrétisation des projets d'AEP tant promis pour la population.