D'un point de vue purement spirituel, la richesse est beaucoup plus perçue comme une épreuve que comme un bien en soi. Religieusement parlant, la fortune est une sorte de mise à l'examen de l'homme argenté quant à son attachement viscéral aux biens de ce monde. Mais à vrai dire, tant que la richesse n'est pas une fin en soi, elle est neutre. Elle n'a pas à être mal ou bien vue. S'enrichir pour entreprendre et fructifier les investissements en vue de produire et faire profiter tout l'entourage et par delà l'ensemble de la société, devient un acte louable. En revanche, amonceler des fortunes sans les recapitaliser ni les réinjecter dans les circuits de production est vraiment détestable. Combien de fois l'homme fortuné a-t-il agi avec arrogance ? Le comportement des riches dans certaines situations fait glisser sur la pente raide de la tyrannie. Dans la tradition islamique, le Coran attire l'attention des croyants sur cette conduite afin de se prémunir de ses méfaits : « Prenez-garde ! Vraiment l'homme devient rebelle, dès qu'il estime qu'il peut se suffire à lui-même à cause de sa richesse ». (sourate 96, L'adhérence, versets 6 et 7) C'est pour cela que le troisième pilier de la pratique cultuelle en Islam est l'aumône, qualifiée parfois de légale. Etonnant adjectif, d'ailleurs, pour un acte charitable qui doit être spontané, laissé à l'élan de générosité des croyants. En principe, cet acte ne doit pas être soumis à l'obligation de la loi. Mais il se trouve qu'effectivement, l'aumône est une prescription fondamentale légalisée par de nombreuses injonctions coraniques. Elle relève de la loi de Dieu et est essentiellement orientée vers le divin via le visage de l'homme ici-bas. Elle est nommée tantôt zakat, tantôt sadaqa signifiant à la fois purification et accroissement avec des notions de caution et même d'émanation assainissante dans un cas et signifiant aussi sincérité et véridicité dans l'autre. C'est dire l'importance dans la vie spirituelle des croyants que revêt l'acquittement de l'aumône. La Zakat est homogène à la foi et va de pair avec la piété des croyants. S'acquitter de l'aumône revient en vérité à purifier l'âme du vice de l'avarice afin de recevoir les bénédictions divines par l'action bienfaitrice du Prophète de Dieu, le Coran l'illustre bien dans le passage suivant : « Prélève de leurs biens une aumône par laquelle tu les purifies et les bénis. Prie pour eux. Ta prière est une quiétude pour eux. Et Dieu est Celui qui entend tout et sait tout. Ne savent-ils pas que c'est Dieu qui accueille le repentir de Ses serviteurs-adorateurs, que c'est Lui qui agrée les aumônes et qu'Il est l'Indulgent le Très Miséricordieux. » (sourate 9, Le repentir, versets 103 et 104). En réalité, l'aumône renvoie spirituellement parlant à la nudité primordiale de l'homme qui vient nu dans ce monde et repart également de ce monde dépouillé de tout. Il a beau courir après les richesses, amasser des biens, thésauriser des fortunes, il ne fera que gérer au mieux ce qui ne lui appartient pas. Il ne jouit que de l'usufruit de ce qui est à Dieu. Autant en donner, alors, une part à ceux qui sont dans le besoin. C'est un droit divin qui leur est accordé. Dans une optique de répartition équitable des richesses, les pauvres recevront ce qui leur est dû de la part de leur Seigneur par l'intermédiaire du croyant qui, riche et aisé, est encore une fois éprouvé par la fortune ! Il doit assumer ses responsabilités dans la cité et contribuer à alléger la souffrance de ses semblables. C'est ce qui est requis en ces temps de ferveur et de solidarité caractéristiques du jeûne du mois de Ramadhan. (*) Président de la Conférence mondiale des religions pour la paix