La direction générale d'ArcelorMittal vient de dresser une liste de 1500 travailleurs du complexe sidérurgique à mettre au chômage. Une instruction a été envoyée à tous les directeurs d'unité d'ArcelorMittal El Hadjar à l'effet de procéder à une opération de réduction des effectifs. Non encore officielle, cette information vient en tout cas de faire réagir violemment le partenaire social du complexe, qui se dit prêt à engager un bras de fer avec l'employeur. Le syndicat comme le comité de participation de l'entreprise menacent tous deux de passer à un palier supérieur dans leurs actions de revendication à l'effet de contrecarrer les desseins inavoués de l'employeur indien. Il y a une dizaine de jours en effet, une délégation composée de trois hauts cadres étrangers spécialistes en ressources humaines a été dépêchée en catimini par le groupe d'ArcelorMittal Bruxelles au complexe d'El Hadjar à l'effet d'étudier l'option d'une compression dont la proportion est évaluée à 15% de l'effectif de chaque unité de l'usine, soit donc 1500 travailleurs. Ce qui n'a pas manqué de faire réagir le syndicat. « Si la direction générale n'arrête pas sur-le-champ ses agissements douteux, il considérera cette manière d'opérer comme étant de la provocation à laquelle il est tenu de répondre avec force et virulence afin de rassurer les travailleurs sur le danger qui guette leur devenir et leur gagne-pain », menacent, dans un communiqué parvenu hier à notre rédaction, Smaïn Kouadria, le secrétaire général du syndicat d'entreprise, et Abdelmadjid Bouraï, le président du comité de participation. Etonnés, ils déclarent : « Ils n'ont été en aucun moment informés de cette opération qu'on veut mener clandestinement. Cela veut dire on ne peut mieux que la direction générale est en train de déterrer la proposition de dégraissement des effectifs à hauteur de 1500 travailleurs contre augmentation des salaires faite lors des dernières négociations, une proposition qualifiée, alors, de vente concomitante et rejetée illico-presto. » Fidèle à ses engagements envers les sidérurgistes, le syndicat d'entreprise et le comité de participation se veulent rassurants en insistant qu'« aujourd'hui, notre attitude n'a pas changé d'un iota. Toute idée de compression d'effectifs même qualifiée de départ volontaire est catégoriquement rejetée ». Toujours dans le même registre, les signataires du communiqué rappellent aux travailleurs qu'ils ont été élus sur la base d'un programme de changement adopté massivement le 10 mai 2009 sur la place rouge devant le siège du syndicat de l'entreprise. « Nous userons fermement de toutes les forces et moyens légaux, y compris, si besoin est, d'une grève générale et illimitée pour faire échouer toute tentative de réduction des effectifs sous toutes ses formes (départ ciblé, départ volontaire, etc.) », tranchent les représentants des travailleurs. Le temps actuellement est à l'appel à la mobilisation, la vigilance et à la rigueur des travailleurs dans la production et une meilleure discipline dans le travail. Pour parer à toute éventualité, le partenaire social exhorte les 7200 sidérurgistes à être à l'écoute de leurs représentants pour répondre à leur appel. Du côté de l'employeur, c'est le silence total. « Bien qu'il fût toujours rassurant quant à un éventuel dégraissement dans les rangs des sidérurgistes, l'employeur indien a du mal à cacher cette envie. Il revient à chaque fois sur la question même clandestinement dont le prétexte est la crise financière mondiale. Notre usine est à l'abri surtout avec les mesures draconiennes de rationalisation des dépenses auxquelles le syndicat a adhéré pleinement avec la direction générale depuis Bernard Bousquet jusqu'à Vincent Legouic avec la promesse d'éviter toute option de compression », explique Smaïl Kouadria. Une thèse qu'avait étayée Messaoud Chettih, le dernier président-directeur général de Sider lorsqu'il avait déclaré à El Watan qu'« il faut savoir d'abord que l'usine d'El Hadjar est le dernier complexe d'un long chapelet d'usines implantées à travers 60 pays. Bien que l'impact existe, les retombées ne sont pas outre mesure graves sur la situation économique de l'Algérie. Je m'explique. Notre pays ne dispose pas d'industrie automobile. L'inox est une industrie qui connaîtra, dans les jours à venir, une importante baisse allant jusqu'à 50%. Mais notre pays ne présente pas une forte demande. Donc, les répercussions sont minimes. Cependant, là où notre marché national affiche une demande importante en rond à béton, ArcelorMittal demeure faible en production. Elle couvre difficilement les 20% des besoins nationaux. Le reste est importé. J'ajoute que la production annuelle du complexe n'a jamais dépassé le 1,2 million de tonnes d'acier. Alors qu'on a toujours annoncé une capacité théorique de production d'acier de 1,8 million ». Pour expliquer cette nuance, le connaisseur des arcanes de la sidérurgie mondiale avait abondé : « La production en acier d'ArcelorMittal n'est que de 147 t/an par agent, alors que dans d'autres pays, elle varie entre 500 t et 1000 t/an par agent. ArcelorMittal Annaba, complexe sidérurgique intégré dont 70% par le géant indien et 30% des actions détenues par Sider, est confronté à des problèmes structurels, organisationnels et d'ordre interne. L'alimentation en énergie est un autre problème auquel se heurte le complexe. En matière d'investissements dans la maintenance des équipements, ni ArcelorMittal ni l'Etat n'ont fait des progrès considérables. En Algérie, seulement 3 dollars par tonne d'acier ont été investis sur les 20 dernières années, soit 6 millions de dollars en deux décennies. Voilà les principales difficultés qui freinent le décollage de ce complexe sidérurgique. »