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Divagations de fin d'année
Publié dans El Watan le 28 - 12 - 2018

A travers une promenade à Alger, réflexions et rêveries sur le temps qui passe, notre époque, le pays et le monde.
Même les miroirs ! Il fut un temps où le temps s'imprimait. A cette période, on recevait des agendas et des calendriers, au point que l'on devait chercher à qui les offrir, ce qui n'était pas évident puisque la plupart des gens en avaient aussi ! Si les téléphones mobiles contribuent à la protection de la planète en limitant la consommation mondiale du papier, on peut s'interroger sur l'incidence d'une telle baisse sur l'imprimerie.
Ce n'est pas la seule production menacée par ces OVNI (Objets voraces non innocents) qui remplacent déjà les téléphones fixes mais aussi les montres, lettres, cartes postales, répertoires, calculatrices, calendriers, appareils photo, postes-radio et TV, chaînes stéréo, magnétophones, scanners et, même – comme j'ai pu le découvrir avec la passagère d'un avion qui se remaquillait avant l'atterrissage – les miroirs de poche, objet si poétique créé voilà 8000 ans. En remplissant nos vies, le portable vide le monde.
Avec lui, le progrès béni devient effarant parce qu'il nous place dans une situation inédite de dépendance à un objet de plus en plus unique.
De chronos à einstein. Il fut un temps où le temps se découvrait. Bien sûr, on le connaissait bien avant la mythologie grecque qui lui avait attribué un dieu, Chronos, lequel avait un partenaire, Kairos, dieu de l'instant favorable.
Tant de recherches ont jalonné la découverte du temps, dont celles des savants musulmans, jusqu'au XXe siècle où Einstein introduit la notion d'espace-temps avec sa théorie de la relativité générale. Dans la foulée, il avait imaginé les ondes gravitationnelles. L'année qui s'achève a été riche en confirmations de cette intuition datant d'un siècle.
Elle aura été aussi celle du décès de l'astrophysicien britannique, Stephen Hawkins, auteur du fameux Une brève histoire du temps. Sommet d'humour british, ce titre oppose la brièveté au temps, censé être infini. Difficile de comprendre tout ce que ces deux génies et d'autres nous racontent. Mais on peut en tirer au moins une théorie particulière de la relativité : il faut s'efforcer de relativiser nos existences.
Notre trou noir. Il fut un temps où le temps s'écoulait. Le rythme des jours avait l'allure d'un sablier dont on goûtait chaque heure. Désormais, le temps galope. Et nous courons après lui. Cette contraction du temps est-elle liée à l'âge ? J'ai demandé à des jeunes. Pour eux, le temps est un bolide !
Est-ce alors ce qu'on appelle accélération de l'histoire ? Ou sommes-nous emportés par les illusions d'une époque qui sacralise la vitesse de l'information ? La science parle de «limite de Chandrasekhar», du nom du savant indien, qui a déterminé la masse nécessaire à une étoile mourante pour devenir un trou noir. «L'horizon des événements» désigne les frontières dans lesquelles l'aspiration est inexorable.
Nous voulons savoir tout et tout de suite. Une nouvelle n'est pas digérée qu'une autre arrive. Dans l'énorme machine cybernétique et les réseaux dits sociaux, tout est paré d'importance au point que plus rien n'en a. Sans possibilité de recul ni de hiérarchisation, nous avançons dans un trou noir médiatique. Notre temps n'est plus celui de nos vies mais, de plus en plus, celui des événements que nous croyons apprendre.
Désarrois et symboles. Il fut un temps où 2018 passa. Dans ces derniers jours de l'année, je pense fort à l'Algérie et au monde. A l'Algérie parce que j'y vis et que j'espère du bien à ma famille, mes amis et mes compatriotes. Au monde parce que nous en faisons partie et que, mondialisation oblige, rien ne peut être envisagé sans nos colocataires de la planète. Chez nous, l'incertitude fournit des vitamines au désarroi.
Sentir que sa vie peut dépendre d'un vulgaire baril de pétrole et de décisions mystérieuses crée un trou noir existentiel. Il en va autant dans le monde. Je pense à cela en marchant sur le front de mer d'Alger. Il fait désespérément beau et la menace écologique me vient à l'esprit sous la forme de ce bel ours blanc sur un morceau de banquise à la dérive.
Devant le siège de l'APN, je vois les portails que des députés avaient cadenassés, image d'une autre dérive. Au-delà de leurs objectifs, ils voulaient un symbole fort. Ils n'ont pas vu celui, hyperpuissant, perçu par les citoyens qui attendent d'abord de leurs représentants d'ouvrir des portes.
Blâmes et blouses. A côté, l'hôtel Safir, ex-Aletti, en pleine rénovation. Espoir que l'esprit architectural de l'édifice, inauguré en 1931 par Charlie Chaplin, soit respecté. Plus loin, des enfants courent joyeusement. Ils respirent la joie des vacances. Pensée pour les petits Yéménites et Birmans rohingyas qui n'ont pas leur chance. Réflexion sur la suppression des blâmes et avertissements dans nos collèges et lycées.
Beaumarchais écrivait : «Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur.» Si l'on veut remplacer les sanctions négatives par des observations personnalisées, pourquoi ne pas le faire aussi pour les sanctions positives ?
Et pourquoi ne supprime-t-on pas les blouses bleues et roses surlignant le sexe des élèves quand la seule différentiation acceptable à l'Ecole est celle du savoir ? La place des Martyrs est noyée de soleil sous un ciel parfaitement bleu. La mosquée Ketchaoua, restaurée par la Turquie, est à nouveau splendide. Les immeubles rénovés et les espaces verts aménagés génèrent une sérénité que les passants respectent et apprécient visiblement.
Malakoff et nouvel. Mais la théorie des façades a encore sévi. La galerie du Duc de Malakoff est un repoussoir immonde peuplé de chats de gouttière. On a plâtré la plaque de marbre surmontant son entrée. Pourquoi ne pas l'avoir laissée en ajoutant une autre en bas relatant, entre autres, comment ce duc sanguinaire, Pélissier de son nom, avait enfumé les tribus du Dahra et massacré les habitants de Laghouat ?
L'histoire ne s'efface pas. Elle se montre et se démontre. Si l'on doit gommer toute trace de la colonisation, comment les générations futures sauront-elles qu'elle a bel et bien existé ? Quant au Café Malakoff, lieu historique de la résistance culturelle algérienne, il demeure désespérément fermé.
Faut-il attendre l'architecte français Jean Nouvel pour le faire classer et rouvrir car, enfin, comment parler de «revitaliser» La Casbah sans ce haut lieu de son âme et du patrimoine artistique national ? Ou faut-il s'adresser à lui pour faire passer une idée puisqu'on aurait fait appel à lui pour en fournir ? La pénurie d'imagination a-t-elle frappé notre nation ?
Allez va ! Plus loin, sous les arcades, par une atroce association d'idées, une boutique à chawarma me ramène l'histoire d'une fiancée qui attendait son homme devant un consulat d'Istanbul. Images insoutenables d'une époque high-tech où peuvent se produire des horreurs pas même tolérées dans la Jâhiliyya ! J'essaie de les chasser en entrant dans la station-musée du métro, un lieu qui ressemble à l'Algérie dont je rêve.
Bien conçu et aménagé, convivial, utile, propre, chargé d'histoire en étant moderne. Les comportements évoluent dans cet espace où, globalement, règne la courtoisie. Comme pour me conforter dans cette idée, deux jeunes se lèvent pour faire place à un couple et ses enfants. Le métro est un laboratoire underground de la citadinité et du vivre-ensemble.
Mais, parmi les parents dans la rame, je me demande combien d'entre eux ont écouté les charlatans criminels qui affirmaient que le vaccin contre la rougeole est dangereux parce que venu d'Inde, ce pays qui, au passage, produit des locomotives, des logiciels et des avions. Une jeune fille porte un trench-coat à carreaux multicolores. Les karkaris ont disparu en 2018.
A la place, on a eu Arlequin à l'Opéra. Le 31 décembre, cela fera sept ans que nous aura quittés le grand journaliste Abdou B. (Benziane). Ses coups de gueule manquent comme ses plaidoyers pour la création d'industries culturelles. Je pense aussi au développement formidable du train dans le pays, ce par quoi nous aurions dû commencer.
En surface, le soleil décline sur la façade de la Grande-Poste fermée en attente d'un projet de musée non dévoilé. Les trottoirs sont encore pleins. Cheveux au vent ou sous voile, des femmes sont attablées aux terrasses des cafés sous les regards désormais habitués des passants mâles.
Une révolution qui s'est faite en douceur. Ibn Arabi disait : «Tout lieu privé de féminité est voué à la décrépitude.» Echappera-t-on à la décrépitude dans la tourmente du monde et nos turpitudes internes ? Je ne le sais pas plus que vous. Je sais en revanche que les Algériens en ont vu d'autres. Meilleurs vœux compatriotes (dont un million nés cette année !) et semblables du monde ! Allez, va, je rentre chez moi et dans l'année qui vient.


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