On aura tout vu cette année en matière de piétinement de la loi et de la Constitution. Sans pouvoir décortiquer les intentions de chaque manœuvre, on a d'abord assisté au piétinement de la Constitution par les députés, pour arriver ensuite à la volonté de prolonger le mandat présidentiel en passant par la crise du FLN. Débrief. 6 octobre : Saïd Bouhadja, encore président de l'APN, a tenu tête. Lui qui fait partie des plus fidèles cadres du FLN au chef de l'Etat s'est montré intraitable. Il affirme : «Je ne démissionnerai que dans un cadre légal.» «Je ne démissionnerai pas parce que je ne reconnais pas avoir commis d'erreurs […] Je reste, quitte à provoquer la dissolution de l'APN.» Il ne voulait simplement pas permettre à une «cellule partisane» de décider du destin d'une institution de l'Etat, soit l'Assemblée populaire nationale. Récapitulatif : le président de l'APN a limogé à la fin du mois de septembre le secrétaire général de cette Assemblée, le député FLN de Bouira, Bachir Slimani. Ce limogeage a été à l'origine d'une levée de boucliers de la part des députés, ce qui a précipité l'APN dans une crise sans précédent depuis plusieurs semaines. Une situation inédite. Les députés de la majorité parlementaire opposés à Saïd Bouhadja ont proclamé la vacance de son poste suite à son refus de démissionner. Un limogeage fortement contesté par le chef du parti, Djamel Ould Abbès. Ce dernier aurait même demandé le retour de ce responsable à son poste qu'il occupait depuis 2014. Saïd Bouhadja résiste et maintient sa décision. Et c'est à ce moment-là que les échanges prennent une autre tournure. Ould Abbès fait son forcing. Il convoque une réunion urgente des membres du groupe parlementaire de son parti. Ils se réunissent et multiplient même les réunions à huis clos. Ordre du jour : Bouhadja. Le flou total. Mais on n'aurait jamais imaginé que les échanges entre deux personnes pouvaient en arriver à piétiner la Constitution et le règlement de l'institution parlementaire. Dissolution ? Nuance Finalement, non. Et Ahmed Ouyahia avait tenté de convaincre l'opinion publique. Déclaration du 6 octobre : «Il n'y aura pas de dissolution de l'APN, il n'y a pas une crise qui touche le pays pour que l'APN soit dissoute. C'est un problème entre le président de l'APN et ses collègues qui l'ont élu.» La couleur est annoncée. Les jours passent et la crise s'accentue. A cette époque, une autre lecture a été donnée : «La résistance de Bouhadja sert de motif à la dissolution de l'APN qui serait décidée en haut lieu. Autrement dit, la crise au sein de l'APN n'est que le symptôme d'une crise plus grave au sommet et dont la dissolution serait une des pistes de dénouement.» Silence des uns et des autres. On a assisté à une opposition qui craignait de nouveaux scénarios d'un bouleversement d'agenda politique. Les partis étaient pourtant conscients qu'en cas de dissolution de l'APN, ils seraient tous appelés à se préparer à de nouvelles élections législatives. Les partis d'opposition, à part à travers quelques déclarations, préféraient garder le silence. Aucun parti n'a pesé de toutes les manières dans ce débat. Une impression d'être soit impuissants, ou non concernés, ou carrément inconscients. L'impression comme s'il s'agissait d'un conflit interne à un parti et non pas dans une institution élue par le peuple. D'ailleurs, le simple citoyen que nous avons l'occasion d'interroger sur la crise ne savait simplement pas ce qui se passait. D'autres ne reconnaissent même pas cette Assemblée. Mais dans tout ce flou, la Constitution est piétinée et la loi n'est pas respectée. Une situation ubuesque. Un scandale au vu et au su de tout le monde. Tout est permis. Le 18 octobre, on assiste à un simulacre pour la vacance de la présidence de l'APN et la destitution «formelle». La Commission des affaires juridiques, administratives et des libertés à l'Assemblée a validé la vacance de la présidence de l'APN. Mercredi 24 octobre, les députés de l'APN, en l'absence des partis de l'opposition, ont élu Mouad Bouchareb comme nouveau président de l'Assemblée. Ironie du sort Bachir Slimani, secrétaire général limogé par Bouhadja au tout début de la crise qui secoue la Chambre basse, a été réintégré dans ses fonctions par le nouveau arrivé. Bouchareb était le candidat unique. Du point de vue juridique, ce qui s'est passé à l'APN est illégal, politiquement hallucinant et éthiquement insupportable. Mais même illégale, l'APN fait bien les choses dans l'illégalité et l'illégitimité. Elle reprend ses travaux et valide la loi de finances 2019. D'autres textes sont aussi prévus dans son agenda. Mais Ould Abbès n'a pas tardé lui aussi pour pour se retrouver dans la même situation que Saïd Bouhadja. L'ironie du sort. On désigne un nouveau coordonnateur du parti en annonçant qu'il est démissionnaire. Mais le patron du FLN essaye de se rebiffer en disant qu'il est en congé de maladie et toujours patron du parti. Si Bouhadja disait quelques semaines plus tôt «Je ne vais pas démissionner», Ould Abbès ne cessait de répéter : «Je n'ai pas démissionné, les responsables ont préféré m'éloigner à cause de mon état de santé.» Celui qui a fait le buzz avec ses «drôles» de déclarations à la limite de la «débilité» n'a finalement plus retrouvé le soutien tant souhaité. Mercredi 14 novembre, on annonce via l'agence Presse Algérie que Djamel Ould Abbès a démissionné de son poste de secrétaire général du parti FLN qu'il occupait depuis 2 ans pour des raisons de santé. Mais, on a tous compris qu'il a été simplement poussé à la porte. Il est parti par la petite porte. Son départ serait lié à ses déclarations sur Tayeb Louh à propos d'Ouyahia. Ould Abbès a pris la défense du patron du RND et pas de son ministre de la Justice. Ce dernier s'est ouvertement attaqué à Ahmed Ouyahia. Ould Abbès disait de Louh qu'il a parlé en sa qualité de ministre et non pas en tant que cadre du FLN et que les propos de Louh n'engageaient nullement le parti FLN. Une déclaration qui lui a coûté cher. Quelques jours plus tard, on croise encore une fois le nom de Mouad Bouchareb, désigné comme coordinateur du directoire du parti. Et Belkhadem de refaire surface. Dans toute cette histoire, le règlement intérieur du parti est piétiné. Si le FLN opérait dans la légalité, le bureau politique en vertu de l'article 36 des statuts peut se réunir et convoquer la session extraordinaire du comité central. Car il faut d'abord une réunion du bureau politique du parti sous la présidence du plus âgé, ensuite la convocation d'une session du comité central dans un délai de 30 jours à compter du mercredi 14 novembre, suivie d'une session extraordinaire du comité central qui désignera le bureau du comité. Le point de l'ordre du jour : l'élection du nouveau secrétaire général. Présidentielle, dites-vous ? Et on finit en «beauté». On nous balance dans un flou sans précédent. On annonce la possibilité d'avoir un prolongement du 4e mandat d'une année. Vous protestez contre un 5e mandat ? Eh bien… pas d'élection. Ce n'est pas une blague. Le débat est lancé de toutes les façons. En octobre, Ahmed Ouyahia déclarait : «La présidentielle aura bel et bien lieu en avril prochain.» Mais certains cercles parlent de «continuité». Pourquoi alors toutes ces manœuvres ? On nous balance une idée de prolonger le mandat présidentiel d'une année. Ce n'est pas fortuit de lancer une idée pareille. Une démarche anticonstitutionnelle. Alors pour bien faire les choses et respecter l'esprit d'un piétinement jusqu'à sa fin, on annonce, pas officiellement encore, début décembre, l'idée de réviser la Constitution pour ajuster le mandat présidentiel. Pas très compliqué pour les décideurs. Ils sont habitués. Mais si cela devait arriver réellement, il s'agira d'un «attentat contre la morale», comme disait le mouvement Mouwatana qui dénonce la tentative de report de la présidentielle. De toutes les manières, le débat s'est installé longuement. Cette fois-ci, l'opposition tente d'assumer son rôle. Elle rejette l'initiative annoncée par Amar Ghoul, patron de TAJ, qui voulait organiser une conférence nationale sous le patronage de la présidence de la République. Car les objectifs de cette initiative demeurent simplement flous. Rumeur ou pas ? On dit qu'il n'y a pas de fumée sans feu. ça sera de toute évidence le premier coup dur porté à la nation en 2019. Wait and see.