L 'écrivain camerounais, Eugène Ebodé, vient de recevoir le Prix Yambo Ouologuem 2012 décerné par la Rentrée littéraire de Bamako au Mali, pour son roman Madame l'Afrique paru aux éditions APIC (2010). C'est la deuxième fois consécutive que cette maison d'édition algérienne remporte ce prix dans cette biennale malienne conçue comme une rencontre entre écrivains, éditeurs, critiques et lecteurs. A sa troisième édition, elle connaît progressivement un certain succès, à l'échelle africaine notamment. En 2010, les éditions Apic s'étaient déjà adjugé le Prix grâce au magnifique récit, La Maison du Néguev, de Suzanne El Farrah-El Kenz, édité à Alger en 2009 et où cette Palestino-Algérienne racontait son retour dans la maison familiale quittée après la création de l'Etat d'Israël. Avec ces deux distinctions, Apic met en valeur son axe éditorial africain, développé en particulier dans la collection Résonances. C'est la seule maison d'édition algérienne et sans doute maghrébine qui, dans un catalogue divers, réserve de manière régulière une place aux littératures africaines actuelles. Ainsi, ont paru sous son enseigne une dizaine de romans représentatifs de la nouvelle littérature subsaharienne. Il s'agit du Togolais Sami Tchak, du Guinéen Tierno Monénembo, de l'Ivoirienne Tanella Boni, du Congolais Patrice Nganang et du Malien Yambo Ouologuem, premier Africain à avoir reçu le Prix Renaudot en 1968. On peut ajouter à cette liste le Haïtien Louis-Phillipe Dalembert aux inspirations très africaines. Le catalogue Apic comprend également un recueil collectif de nouvelles, Ancrages africains paru en 2009. L'orientation continentale de la maison d'édition apparaît aussi dans ses coéditions et partenariats. Elle a ainsi participé, avec plusieurs éditions africaines, à l'ouvrage Indépendances Tchatcha consacré aux indépendances africaines des années soixante. La même démarche a présidé à l'édition de l'essai de l'économiste sénégalais Sanou M'baye, L'Afrique au secours de l'Afrique. Par ailleurs, Apic réalise actuellement des ouvrages pour le compte des éditions Tombouctou du Mali, inaugurant ainsi une nouvelle forme de partenariat entre éditeurs africains. Karim Chikh, codirecteur des éditions avec Samia Zennadi, précise : «Nous suivons de très près la vie éditoriale et littéraire africaine sur le continent ou dans les diasporas africaines. Nous essayons d'être présents aux rencontres comme la Rentrée littéraire du Mali ou le Salon du Livre de Ouagadougou. Mais, c'est aussi par nos contacts directs avec les éditeurs et les auteurs que nous organisons notre activité africaine. Et quand je dis africaine, cela concerne bien sûr l'Algérie, car notre but est aussi de faire connaître nos auteurs sur le continent. La première fois que nous avons reçu le prix Ouologuem, c'était un grand bonheur. Un livre écrit par une Palestino-Algérienne sur un sujet palestinien et récompensé par un jury malien, c'est formidable !» Signalons que ce récit, La Maison du Néguev, vient d'être réédité au Canada (Ed. Pleine Lune) et le sera prochainement en France (Ed. de l'Aube). Eugène Ebodé, lauréat du prix Ouologuem 2012 est né en 1962 à Doualla. Vivant actuellement en France, il y a reçu en 2006 le prix Eve Delacroix de l'Académie française et a été fait Chevalier des Arts et des Lettres en 2010. Madame l'Afrique, son dernier roman, «tient de l'autoportrait et met en scène l'histoire de Stéphane, médecin métis parisien qui se remémore une enfance douloureuse». Paru en ce début d'année chez Apic, il sortira en avril chez Gallimard. Ainsi, les éditions algériennes, en dépit de nombreuses difficultés, parviennent à s'établir comme des interlocuteurs probants des échanges éditoriaux internationaux. L'expérience des éditions Apic, menée avec de modestes moyens, vient rappeler que l'Algérie peut et doit jouer un rôle culturel dynamique sur le continent en se positionnant comme une plate-forme d'échanges et d'initiatives.