Cela fait deux semaines que je sillonne Haïti, le pays profond, allant de surprise en découverte. Après Port-Salut, ses cocotiers, son sable fin, ses cascades, mais aussi sa pauvreté, après avoir découvert quelques villages, Carpentier, Coteaux sur la route qui rapproche l'île de sa grande sœur cubaine, je prends la direction de Port-au-Prince. Traverser Les Cayes est un calvaire. Les mobylettes, vélos, voitures, piétons se disputent la chaussée – il n'y a pas de trottoirs – dans une cacophonie indescriptible. Et les klaxons vrillent, redoublant de férocité. Trouver une adresse ici n'est pas une mince affaire. Le pap adap (téléphone mobile ici) fonctionne, au rond-point, prenez la grand'rue… Sauf qu'il n'y a pas de rond-point ni de panneau indiquant les noms des rues. Inextricable. Doucement, le chemin s'ouvre et nous pénétrons la ville. Quelle surprise ! Des maisons à la façon Amsud (Amérique du Sud) : colonnes, plafonds hauts, architecture années 1950, des bars. De l'un d'entre eux s'échappent des sons merengue ; à l'intérieur, attablée, une Française en goguette, tranquille, une bière fraîche bue au goulot. Plus loin, une discothèque en plein air, diffusant des airs de Kompas – la variété haïtienne. Les Cayes, une ville de 60 000 habitants, une anarchie totale et… 20 radios ! Oui, des radios privées, libres qui émettent quelques heures ou toute la journée, mais des radios qui émettent ! A la sortie de la ville, un petit village – un bourg, peut-être un hameau – appelé Bergeaud. Sur l'axe principal, une école diocésaine des arts et métiers. Au fond d'une ruelle caillouteuse, défoncée, une jolie maison pas encore finie et… surprise ! Là vit un Italien, Paolo Woods, et sa femme enceinte, tombés tous deux amoureux de l'île. Ce soir, ils ont invité des amis pour fêter leur départ ; ils quittent Haïti afin que la femme accouche à Rome, leur ville. Les gens arrivent, blancs, noirs, métis, même une Mambo (femme prêtresse dans le vaudou). La bière et le rhum coulent à flots, l'ambiance est chaleureuse et la gaieté inonde les visages. Là, je mange le cachiman, un fruit bizarre mais goûteux. Au loin, se devine l'île aux vaches et, dans son axe, la Jamaïque, à quelques heures en bateau. A suivre…