Journaliste à Radio France Internationale et écrivain, Yahia Belaskri a participé au festival des Etonnants Voyageurs Haïti. Retrouvez chaque semaine dans El Watan Week-end son carnet de route. Port-Salut au sud-ouest de la presqu'île, petite bourgade sur la mer Caraïbe. Ici, les habitants ne vivent pas avec la mer, ils lui tournent le dos. Il y a bien quelques pêcheurs avec leurs bois fouillés, des troncs d'arbres travaillés, creusés, qui font office de pirogues. Mais la pêche est maigre, voire infructueuse, car il faut aller loin et leurs barques de fortune ne mènent pas loin. Pas de cinéma ni de théâtre, pas de bibliothèque non plus, juste des maisons – certaines belles, d'autres moins avenantes – mais des écoles recevant une multitude d'enfants, tous en uniforme : short et chemise pour les garçons, jupe et chemisier pour les filles. Un lycée aussi tenu par le frère Gilot, croix sur la poitrine, aimable et attentif. Il y a bien une église, belle et imposante, elle n'est pas la seule. Partout, sous les cocotiers, les temples se succèdent, protestants et évangélistes y chantent et y dansent, donnant à la messe une couleur festive. Et pour s'amuser, il y a les combats de coqs ou de taureaux, spectaculaires tout autant que populaires. Sur cette côte coincée entre montagne et mer Caraïbe, s'alignent les villages, Carpentier, les Coteaux, etc. Les Coteaux, un village pauvre qui s'aligne sur la route nationale. Un air de Cuba, l'île voisine. Ce jour-là, le lycée abrite une rencontre littéraire. Devant 150 lycéens, l'écrivain Gary Victor, les poètes Georges Castera, James Noël, Julien Delmaire – un grand gaillard, dreadlocks et bonhomie, venu de France – et le photographe italien Francesco Gattoni parlent de leurs travaux, leurs œuvres. Les jeunes questionnent, attentifs et disciplinés. Ils vivent dans des conditions souvent limites, mais l'engouement pour la littérature, la poésie est réel. C'est Haïti, pays riche de sa culture et de ses créateurs. Ici, on mange du riz et les poèmes de Stephen Alexi, des patates douces ou des bananes cuites avec un zeste de poésie puisée dans les ventres des bardes. Sur cette langue de terre qui avance vers Cuba, la montagne enserre la plaine où poussent les cocotiers, ne lui laissant aucun choix. Elle s'allonge, exposant la pauvreté de ses habitants oubliés par les gouvernements qui se succèdent sans y prêter attention. Sur les plages, quelques restaurants où le verre de rhum saur coûte plus cher que le repas d'une famille ; des hôtels aussi - oh ! Ce n'est pas le grand luxe - mais la mer est somptueuse, chaude sous le soleil brûlant, agréable la nuit tombée, quand les planctons font des arabesques irréelles. Et la lune ? Elle apparaît de temps à autre dans ce ciel qui ne noircit jamais à cette période. A suivre…