Pour la plupart des usagers, les tarifs ne sont pas pour encourager les habitants à prendre ce moyen de transport. Plus de deux semaines après sa mise en service, le téléphérique ne semble pas faire l'unanimité au niveau local, encore moins attirer les foules. « On a fait le plein lors de la fête de l'Aïd. Maintenant il y a beaucoup moins de monde », raconte un des employés. Quotidiennement, la plupart des télécabines restent globalement vides. Les quelques usagers sont essentiellement les enfants et quelques couples heureux de bénéficier du ciel skikdi pour parcourir un circuit de romance. Mardi après-midi et samedi, jours de repos des écoliers, le téléphérique enregistre un flux assez important, selon le témoignage d'un des employés. Normal, devant le manque flagrant de distraction dans la ville de Skikda, les bambins semblent avoir trouvé tout un manège à leur disposition. Un manège qui coûte très cher cependant. Excessivement cher, même pour un moyen de transport dit de masse. Pour parcourir les quelques dizaines de mètres séparant Bouyala de la gare routière, par exemple, il faut débourser 20 DA. « Je ne pourrai pas dépenser 40 DA aller-retour chaque jour et pour un seul enfant », témoigne un père de famille. Les prix affichés ne sont certainement pas pour encourager les habitants de Skikda à recourir à ce moyen de transport, d'autant plus que la même navette est assurée pour la modique somme de 10 DA par les transporteurs privés. D'un moyen de transport de masse, le téléphérique risque de devenir un luxe qu'on n'utilisera que les jours de fête, ce qui ne devrait pas être sans conséquences sur le devenir financier de l'entreprise chargée de sa gestion. Cette « lacune » ne fera par ailleurs que conforter la thèse d'une large frange de la population qui n'a jamais compris la nécessité de doter la ville d'un tel moyen de transport. « Avec le un milliard de dinars dépensé, on aurait dû plutôt penser à ériger des autoponts ou des trémies pour soulager la circulation qui paralyse la ville. On a opté pour le tape -à-l'œil aux dépens de l'essentiel….de toute façon cela s'inscrit exactement dans les moeurs de gestion de cette ville. Si ce moyen était réalisé pour desservir les zones enclavées de Sidi Ahmed et de Boulekroud, là on serait d'accord, mais le mettre à l'entrée de la ville juste pour faire joli, c'est simplement un gaspillage caractérisé de l'argent public », se révolte un citoyen. D'autres, par contre, estiment que Skikda n'a jamais bénéficié d'infrastructures modernes et disent ceci : « Si pour une fois on nous offre un téléphérique, grâce à la bonne volonté de feu Maghlaoui, tant mieux, même s'il ne servira que pour apporter une touche agréable au paysage de la ville. Il ne faut pas avoir constamment cet esprit critique tout le temps et pour toute nouvelle chose. » Entre les deux versions, le débat reste ouvert même si la majorité s'inscrit dans un déni total de l'utilité du projet. D'autres vont jusqu'à exposer leur mécontentement quant à son propre tracé. L'un des usagers témoigne : « La presse a rapporté que lors de la cérémonie d'inauguration, le ministre Amar Tou avait estimé que le rôle touristique de cet équipement est indéniable. Certes, mais les usagers de cet engin ne verront ni la Bleue ni les paysages sublimes de Skikda. Ils auront l'embarras du choix entre la contemplation du cimetière chrétien ou les gourbis de l'immense bidonville de Bouabbaz… » Le téléphérique de Skikda fonctionne donc presque à vide. Gageons que ce n'est là que le début et qu'avec le temps il retrouvera ses usagers. Sinon il y aura toujours des tourtereaux dans le ciel de Skikda qui remercieront à chaque fois Amar Tou…