C'est ainsi, selon cette source, que Sonatrach «récupère» l'IAP, suite à une décision prise lors de la précédente réunion du Conseil des ministres. Sonatrach serait chargé d'en faire une école de renommée mondiale en matière de formation dans le domaine énergitique. Une première question s'impose : depuis quand Sonatrach a-t-elle perdu l'IAP pour le récupérer aujourd'hui ? Même lorsque l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khellil, avait décidé d'ouvrir son capital aux entreprises étrangères, Sonatrach a toujours conservé la majorité des actions, soit plus de 80%. Pourquoi voudrait-on sciemment, ou inconsciemment, passer l'éponge sur près de 13 ans de gestion et qu'en est-il exactement ? Bref rappel historique sur les circonstances de cette intégration En 1999, l'Algérie entamait sa cinquième année de crise, contrainte de répondre à une demande de plus en plus forte dans la formation supérieure. Les pouvoirs publics décident alors d'intégrer les instituts dits de «technologie», qui servaient de support de formation aux différents secteurs, à l'enseignement supérieur. Mais pour des raisons stratégiques, d'ailleurs évidentes, l'IAP a vu ses objectifs réorientés pour consacrer ses activités à la formation de spécialisation nécessaire au secteur des hydrocarbures, et ce, en étroite collaboration avec les utilisateurs. Les conséquences immédiates ont consisté en : • un arrêt d'une nouvelle rentrée de bacheliers ; • un recrutement provisoire et exceptionnel des étudiants ayant effectué les deux premières années du tronc commun technologie ; • continuer d'accepter les bacheliers pour les centres de Skikda et Arzew en attendant les changements des statuts. Plusieurs groupes de réflexion ont été mis en place pour proposer un statut à même de répondre à ces besoins. Le débat a porté globalement sur deux orientations : • Sa transformation en un établissement public à caractère scientifique et technique, spécialisé dans le domaine de l'énergie et des hydrocarbures doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, administrative et pédagogique, placé sous tutelle du ministère de l'Energie. Il aurait fallu dans ce cas procéder à une modification de son statut défini dans le décret n° 73-51 du 28 février 1973. • L'intégrer carrément au secteur économique, auquel cas il faudrait procéder à sa dissolution. Après étude et analyse des différentes options depuis plusieurs années et dans des circonstances particulières qu'il est inutile de rappeler pour des raisons propres au secteur, il a été décidé d'intégrer cet institut à Sonatrach, jugée capable de représenter le secteur de l'énergie et par voie de conséquence il fallait le dissoudre, ce qui fut fait en juin 1999. Le rappel de ces étapes est important pour mettre l'accent sur le fait que même si l'objectif principal de l'intégration est clair, et qui consistait à répondre aux besoins du secteur de l'énergie comme défini précédemment, ces besoins justement demeurent pour un groupe d'entreprises, en perpétuelle restructuration, difficilement identifiables et c'est là où réside la principale difficulté pour mener à bien le plan de redéploiement.Sur insistance personnelle de Youcef Yousfi, alors ministre de l'Energie et des Mines, et au lendemain de son intégration à Sonatrach, cette dernière a créé un projet pour redéployer les activités de l'institut afin de le porter au niveau d'une université pétrolière et gazière et un centre de recherche de rang international. Le motif paraît logique, d'autant plus que Sonatrach devra s'inscrire d'une manière effective dans les grands challenges technologiques de l'industrie pétrolière et gazière internationale. Cette industrie est marquée par des transformations structurelles à l'échelle mondiale et a considérablement modifié les rapports de force qui en découlent. Une compétition concurrentielle s'est instaurée pour rendre la pérennité des acteurs plus sévère. Pour surmonter ces contraintes, il faudrait améliorer sans cesse les performances et développer l'esprit créateur et innovant. Cette université devra permettre de fournir l'élément humain indispensable pour surmonter ce défi. Ce projet s'est fixé comme objectifs de : • garder la même dénomination (IAP) et l'intégrer totalement à Sonatrach ; • adapter et assurer une cohérence des nouvelles missions confiées à cet institut, avec le redéploiement du secteur de l'énergie et des mines en général et de Sonatrach en particulier, en tenant compte, bien entendu, du contexte actuel des reformes économiques ; • de mettre tous les moyens humains, matériels et financiers pour aboutir à un pôle d'excellence et de référence. Le processus de redéploiement a visé cinq axes d'activité : 1 – La formation d'ingénieurs spécialisés de très haut niveau dotés, dès le départ, d'une solide base scientifique et technique et d'un professionnalisme confirmé et en étroite adéquation avec les besoins et les objectifs du secteur utilisateur. 2 – La formation post-graduée Elle devra se faire en partenariat avec les universités nationales et surtout étrangères et être en synergie avec les préoccupations du secteur de l'énergie et des mines. Cette formation visera, à long terme, d'affirmer la vocation industrielle de l'IAP et la positionnera parmi les premiers instituts mondiaux spécialisés dans les hydrocarbures et les mines. 3 – La formation de techniciens supérieurs. Elle sera assurée par les deux centres régionaux de l'Est et de l'Ouest et bénéficie d'un environnement qui lui facilite les relations avec l'industrie pour donner aux élèves les moyens d'une formation pratique performante. 4 – La recherche scientifique et technique appliquée à l'industrie des hydrocarbures. Son objectif est de permettre à court terme de jouer un rôle crucial dans la maîtrise et la diffusion de nouvelles technologies, en vue de leur application effective dans l'industrie des hydrocarbures. Elle constitue un domaine privilégié de formation et de résolution des problèmes industriels. Il faudrait réserver à cette activité une importance particulière non seulement sous l'égide de Sonatrach, mais impliquer ses partenaires nationaux et étrangers. 5 – La formation continue et le recyclage permanent. Elle touche des ingénieurs d'Etat, ceux d'application et des techniciens du secteur de l'énergie, pour adapter régulièrement leurs connaissances au développement de la technologie. Elle est une forme concrète de prise en charge réelle et efficace des problèmes du secteur. Des principales actions planifiées depuis son intégration à Sonatrach en 1999 • Rechercher une forme d'organisation pour concrétiser les objectifs tracés ; • tenter de trouver une nouvelle filière d'enseignants/chercheurs ; • lancer un concours pour le recrutement d'ingénieurs spécialisés avec comme «instructions» de toucher le maximum de citoyens à travers le territoire national (opération réalisée) ; • concrétisation de la première phase d'enseignement qui consiste à donner aux futurs ingénieurs spécialisés, une solide formation en anglais ; • conception des programmes de formation à débattre et à envoyer pour audit ; • signature des conventions cadres avec les entreprises du secteurs (Naftec, ENIP, ENTP, EXPL, Sonelgaz, etc.) et avec les universités (Boumerdès, Sétif, USTHB etc.) ; • mise au point et proposition de plusieurs thèmes pour la formation industrie ; • la prospection de partenaires étrangers a abouti à la signature d'une convention cadre avec l'Institut français du pétrole, puis un contrat particulier pour la formation d'un master en économie pétrolière et management stratégique ; • des contacts ont été entrepris avec plusieurs universités étrangères (Allemagne, USA, G. B., Suisse). Finalement, ce sont les Ecossais d'Aberdeen qui ont eu le contrat dans des conditions discutables. Qu'en est-il exactement sur le terrain ? L'arrivée de Chakib Khellil au ministère de l'Energie et des Mines, le 26 décembre 1999, a quelque peu changé la donne. Dès sa première visite à cet institut, le ministre a clairement affiché son intention de le privatiser en ouvrant son capital car, pour lui, son redéploiement devait dépendre du marché et de la concurrence en matière de formation en Algérie. L'intéressé a accaparé tous les pouvoirs dans le secteur de l'énergie et tenté de brouiller les cartes pour s'écarter complètement des objectifs cardinaux de l'intégration de cet établissement. Face à cela et en dépit d'une reconnaissance unanime de doter le secteur d'une institution du gabarit décrit plus haut, la question de savoir si Sonatrach seule peut le hisser au niveau recherché s'est posée avec acuité. Dans ce cadre, une réflexion a été lancée aux partenaires pour transformer l'IAP d'institut d'entreprise en un institut commun à tout le secteur des hydrocarbures. (voir allocution d'ouverture du PDG de Sonatrach durant les journées scientifiques et techniques n° 4). Depuis cette date, une confusion totale s'est instaurée sur tous les plans et notamment sur celui pédagogique, car la formation d'ingénieurs spécialisés à partir d'un «input» d'ingénieurs d'Etat s'est avérée selon toute vraisemblance un échec (selon les résultats du concours). En effet, ce type de profil qui existe sur le marché national du travail a dû subir les revers du système universitaire dont les insuffisances sont connues de tous. Donc, pour trouver l'élément humain indispensable afin de relever le défi technologique face à une concurrence accrue, le profil est à rechercher ailleurs. Les différentes structures de Sonatrah ne jouaient pas le jeu et par voie de conséquence est née une inadéquation entre les besoins en formation et la formation en cours. L'organisation de l'institut, telle que retenue par Sonatrah, s'est avérée inefficace pour concrétiser les objectifs tracés. La dissolution de l'IAP l'a totalement éloigné de l'enseignement supérieur, ce qui a rendu la formation diplômante institutionnellement difficile sinon impossible. Les utilisateurs ont d'autres préoccupations que de réfléchir sur des axes de recherche. Lors de l'installation du nouveau directeur général de ce qui reste de l'Institut algérien du pétrole (IAP), le ministre de l'Energie et des Mines, Dr Youcef Yousfi, a eu à constater l'immense gâchis fait à cette institution de renommée mondiale (voir article dans le quotidien Soir d'Algérie du 19 septembre 2011). Les moyens financiers consentis par Sonatrach n'ont fait que miroiter son image externe, mais en aucun cas réussi à le booster de l'intérieur pour en faire un pôle d'excellence comme le souhaitait ce même ministre, bien avant l'arrivée du fameux Chakib Khellil en 1999. Le diagnostic amer est fait, les dégâts sont visibles. Déroutés par des ordres et des contre-ordres, les différents responsables en charge de ce projet ont emprunté toutes les voies, à l'exception de celle qui les conduisait vers un centre de renommée mondiale. Ils donnaient l'impression d'utiliser ce fleuron de l'industrie des hydrocarbures comme un tremplin. Si des mesures n'ont pas été prises à temps pour stopper cette dérive, c'est probablement parce que le système est tellement atteint par l'encanaillement et la gabegie qu'il ne réagit plus aux doses de sanctions conventionnelles. Conclusion Le plus grave est que ceux qui ont applaudi hier avec Chakib le font aujourd'hui avec Yousfi, au nom du principe de la coordination/subordination, c'est-à-dire la discipline. Ils obéissent, mais la bouche ouverte. Il faut souligner, par ailleurs, que la capitalisation, la consolidation et la fertilisation du savoir et du savoir-faire pétrolier et gazier ne sont pas une affaire d'entreprise, mais celle d'une nation. Sonatrach a été chargée de les réaliser pour le compte de l'Etat au même titre que le développement national. Cela explique son intérêt médiatique pour un éclairage de l'opinion publique. C'est pour cela qu'on est en droit de se demander si Sonatrach n'a pas réussi à hisser ce patrimoine pendant près de 13 ans, comment pourrait-elle le faire aujourd'hui et avec les mêmes têtes ? S'agit-il d'un autre round à vide pour occuper les gens durant une autre génération ?