Pour lui, la Sonatrach a pris ces dix dernières années, correspondant au règne de Khelil, un retard énorme en matière de formation des cadres de haut niveau, en acquisition de nouvelles technologies et en engineering. C'est un sévère réquisitoire qui a été dressé, hier à Boumerdès, par le ministre de l'Energie et des Mines, Yousef Yousfi, à l'encontre de la politique énergétique menée par son prédécesseur, Chakib Khelil. S'exprimant à l'occasion de l'installation d'un nouveau directeur général de l'IAP, le ministre n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour critiquer ouvertement la manière dont a été gérée la politique énergétique de notre pays. D'abord, le ministre a décidé de dissoudre la société par actions IAP, créée par Chakib Khelil, et remplacer son directeur général, estimant que depuis que l'IAP a changé de statut en devenant une SPA en 2007, il n'y a plus de formation ni de recherche technique et scientifique. Et il enchaîne par une série d'observations sur l'ancienne gestion de Chakib Khelil sans le nommer en répétant à cinq reprises : “nous sommes très en retard”, notamment lorsqu'il a évoqué la formation et la recherche, l'acquisition des nouvelles technologies, la construction des raffineries, l'engineering et l'exploration entres autres. “Il est temps que la Sonatrach se mette au diapason des technologies nouvelles qui sont en train d'émerger de par le monde et qu'on reforme cette armée d'ingénieurs et de techniciens qui ont fait la grandeur de Sonatrach et de l'Algérie. Sans les ressources humaines, il n'y aura pas de réussite”, a lancé le ministre. Et d'ajouter : “Les techniques ont évolué ces dix dernières années, l'évolution de la technologie est spectaculaire alors que nous, nous sommes très en retard. Je dois reconnaître que nous avons pris du retard”, a-t-il regretté. Le ministre estime que l'Algérie a des défis à relever, notamment en matière de nouvelles technologies, pour renouveler, le plus tôt possible, ses réserves en matière d'hydrocarbures mais aussi l'exploration de nouveaux puits. “Au niveau sismique, il faut acquérir des nouvelles techniques pour explorer, que ce soit dans l'Algérie du nord ou l'Algérie du Sud.” Même constat observé dans le domaine de l'exploration : “les techniques du forage ont largement évolué. On ne peut pas compter sur les autres si on n'a pas nos propres ingénieurs et nos propres entreprises. et là, aussi, nous sommes en retard”, a-t-il souligné. M. Yousfi a également invité les cadres à se préparer pour les explorations en “offshore” où il existe un grand potentiel. “Mais là, également, nous n'avons pas d'expérience, et c'est maintenant qu'il faut former les gens et acquérir des connaissances qui nous permettent de fabriquer nous-mêmes notre propre plate-forme.” Et d'enchaîner : “Nous sommes en retard dans l'industrie des hydrocarbures en matière de fabrication des équipements. Il n'est pas normal, encore une fois, qu'on soit, 50 ans après l'indépendance et la création de Sonatrach, contraint d'importer tous nos équipements de l'étranger. Ce n'est pas admissible pour un pays comme l'Algérie”, a-t-il martelé. Evoquant l'engineering au sein de Sonatrach, M. Yousfi fait un amer constat : “Il est inadmissible que 50 après l'indépendance, on n'est pas capable de dessiner nous-mêmes un design d'une unité de réinjection ou d'un pipeline ou d'une installation. Ce n'est pas normal. On ne peut pas avancer sans engineering.” Avant de préciser qu'il veillera lui-même à ce que chaque gisement ait son équipe d'engineering cent pour cent Sonatrach. En matière de transport, le représentant du gouvernement a constaté aussi qu'il y a encore beaucoup de retard. “Cette activité est une nécessité vitale, mais malheureusement, il y a encore beaucoup de retard”, a-t-il dit. Sur le raffinage des hydrocarbures, M. Yousfi remarque qu'ici aussi, il y a du retard, que ce soit dans la formation des techniciens et d'ingénieurs en matière de raffinage ou dans la construction de nouvelles raffineries : “nous allons vers un raffinage de plus en plus complexe de façon à satisfaire à long terme la demande nationale en produits. Il y a des projets pour réhabiliter des raffineries, augmenter les capacités et construire de nouvelles raffineries dans le domaine pétrolier et hydrocarbures”, a-t-il indiqué, avant d'observer que la pétrochimie accuse un grand retard. En effet, le ministre trouve anormal qu'une entreprise, qui fabrique les engrais indispensables à l'agriculture et les résines, continue d'accuser des retards. Sur le plan recherche, il dira : “Si on ne démarre pas immédiatement le programme de recherche, on continuera toujours à dépendre des autres”, soulignant la nécessité de former des cadres de très haut niveau pour permettre à l'Algérie de relever les défis en citant l'exemple du Brésil dont la compagnie Petrogaz est devenue un leader mondial en matière de forage et de découverte. “La base de leur succès, c'est leur université et leur centre de formation, il forme du chauffeur jusqu'au technicien. 290 000 candidats pour 2 000 postes et la sélection est impitoyable, c'est pour ça qu'ils ont réussi”, a-t-il ajouté. Par ailleurs et dans un point de presse improvisé, le ministre a affirmé que “Sonatrach reviendra en Libye quand les conditions s'y prêteront”. À propos des revendications salariales des travailleurs de Hassi-R'mel, le ministre a affirmé que les travailleurs sont dans leur droit de revendiquer. “Nous sommes à l'écoute des problèmes socioprofessionnels des travailleurs. Notre objectif est que le travailleur se sente bien et soit conforté dans son travail. Nous sommes à l'écoute. ce qui est possible de faire, on le fera ; ce qui n'est pas possible, on ne le fera pas”, a-t-il ajouté. À noter que c'est M. Djamel-Eddine Bekkouche, directeur de Sonatrach et docteur en géologie exploration, qui a remplacé M. Salah Khebri.