L'alliance Renault-Nissan a annoncé jeudi dernier avoir signé un protocole d'accord pour prendre le contrôle du premier constructeur automobile russe Avtovaz. L'alliance prendra donc, comme prévu, 50% et une action du fabricant des célèbres Lada. Renault, qui en détenait déjà 25% depuis 2008, monte à 35, son partenaire japonais Nissan en prend 15%. L'accord a été paraphé à Boulogne-Billancourt, siège de l'ex-Régie, par son PDG Carlos Ghosn, et les représentants de Russian Technologies et Troika Dialog, les deux actionnaires de la firme russe. Le montage financier est complexe. L'alliance Renault-Nissan et la société publique Russian Technologies ont prévu en fait de former une… co-entreprise. Au sein de cette société commune, l'ensemble franco-japonais investira environ 750 millions de dollars (580 millions d'euros), tandis que Russian Technologies effacera la dette d'Avtovaz (1,8 milliard de dollars, 1,4 milliard d'euros) ! In fine, Renault-Nissan détiendra 67,13% du capital de la co-entreprise à la mi-2014. Cette société commune détiendra à son tour 74,5% d'Avtovaz. Ouf ! Renault déboursera environ 300 millions de dollars (230 millions d'euros) dans les deux ans, et Nissan 450 millions (350 millions d'euros). Au total, depuis 2008, Renault aura déboursé pour Avtovaz 1, 24 milliard d'euros. Renault-Nissan va désormais procéder à un audit financier, juridique et environnemental du groupe russe, avec pour objectif de signer les accords définitifs d'ici à la fin de l'année. Selon des sources proches des actionnaires d'Avtovaz, citées par Reuters, Renault et Nissan paieront en trois fois pour la prise de participation de contrôle ; les paiements seraient effectués en décembre 2012, juillet 2013 et juin 2014. Paiement en trois fois ? La signature de ce protocole d'accord intervient un mois après l'inauguration par le Premier ministre russe et prochain président Vladimir Poutine, à l'usine de Togliatti (un millier de kilomètres de Moscou), d'une nouvelle ligne de production représentant un investissement de 525 millions de dollars (400 millions d'euros) et une capacité de production de 350 000 voitures par an. Cette ligne permettra de produire des véhicules sur la plateforme de la Dacia Logan, le véhicule à bas coût de Renault. Avtovaz a déjà commencé d'assembler un break Logan restylé, la Lada Largus. Un modèle sur cette base pour Nissan arrivera en fin d'année, puis un véhicule sous le logo Renault l'an prochain. Avec ces capacités supplémentaires, l'usine disposera d'une capacité annuelle de près d'un million de véhicules. Avtovaz doit renouveler toute sa gamme de produits pour pouvoir enfin… réexporter, comme il le faisait dans les années 1970 et 1980. Les ventes toutes marques (voitures particulières et utilitaires) en Russie se sont élevées à 2,65 millions de véhicules en 2011. Le marché estimé pour 2012 devrait atteindre 2,9 millions d'unités. L'alliance a écoulé en Russie 878 990 voitures en 2011, dont 578 387 sous la marque Lada. Sur un marché russe en hausse de 13% durant les trois premiers mois de 2012, Avtovaz était en chute de 15% à 109 388 unités, avec une pénétration de 18%. L'ensemble Avtovaz-Renault-Nissan est toutefois en hausse de 2% sur le trimestre avec 193 655 unités, soit une part de marché de 31%. Abandon de la 2107 originelle Tout un symbole. Alors que l'alliance signe un accord pour en prendre le contrôle, Avtovaz abandonne la production de son modèle fétiche originel, la 2107, dérivée de la Fiat 124 de 1966 ! Au premier trimestre 2012, les ventes de ce modèle obsolète, rustique et peu fiable, mais pas cher (5000 euros), aisément réparable n'importe où avec une profusion de pièces disponibles et qui accepte d'ingurgiter n'importe quelle essence, ont plongé de 70% à 10 000 unités en Russie. Le modèle n'est plus que le seizième véhicule le plus vendu sur place, alors qu'il était encore en cinquième position l'an dernier. Il est vrai que la firme russe a lancé fin 2011 la Granta, nettement plus moderne, pour la remplacer… C'est une page qui se tourne. La 2107 était le résultat d'un contrat remporté par Fiat pour créer un constructeur automobile de toutes pièces. Togliatti, ville où est implantée l'usine sur les bords de la Volga, doit d'ailleurs son nom au célèbre dirigeant communiste italien Palmiro Togliatti. Une façon un rien ironique pour l'Union soviétique de remercier les Agnelli, héritiers et dirigeants de Fiat dans les années 1960, pour leur contribution à la création d'une vraie industrie automobile.