Ainsi, l'ont déclaré les planificateurs et les startings-partners du scrutin qui désignera les futurs députés qui siègeront au boulevard du chahid de la Révolution, Zighout Youcef. Favorisés par les avantages matériels que consacre le statut de député, même s'il doit certainement subsister quelques-uns qui ont des convictions politiques pour servir, et non se servir, l'échiquier politique algérien est marqué, ces derniers temps, par des positionnements qui se font au mépris des principes qui fondent l'existence de certaines formations politiques. Certaines sont passées de la lutte des classes à la lutte des listes. Durant toute la campagne électorale, les préoccupations, les inquiétudes, les drames et les espoirs des Algériennes et des Algériens à la veille du cinquantenaire de l'indépendance ont été relégués au second plan. Pouvoir et partis politiques, dans une symbiose à rendre jalouse la meilleure des démocraties de par le monde, ont dépensé une énergie pharaonique dans leur jeu de rôle : le système, semant le trouble entre sacré et profane en passant par l'invasion de l'Otan, a passé son temps plutôt à inciter la population à voter, seulement voter, qu'à s'atteler à s'imposer la transparence et la neutralité que commande cette échéance. Les partis politiques, de leur côté, justifiaient le pourquoi de leur participation, d'autres relayaient le discours des organisateurs pendant que les plus malins promettaient une vie meilleure ici bas et dans l'au-delà. Malheureusement pour eux, ils n'avaient pas mesuré l'ampleur du rejet qu'ils provoquent au sein de la population. Ils le découvrent, à leurs dépens, en direct, lors de leurs sorties sur le terrain. Ainsi, des meetings sont carrément annulés faute de public, quand ils ne sont pas empêchés par les citoyens dont nous dénonçons le caractère antidémocratique, et certains partis ne se sont pas exprimés dans les médias lourds, faute d'orateurs. Quid de leurs programmes ? Durant 21 jours, 25 800 candidats pour les 462 sièges de l'Assemblée nationale ont tous, ou presque, scandé le nom du peuple tout au long de leurs discours. Curieusement, ce même peuple semble s'être éclipsé et se présente comme le grand absent. Il est échaudé par les promesses non tenues, qu'elles soient du pouvoir avec sa dose de répression ou des partis politiques. Il s'est rendu compte, en live, que ses douleurs ne sont pas partagées par ceux qui lui demandent de voter ou de le choisir. Les partis politiques se sont avérés obnubilés par le scrutin de demain au point de devenir insensibles aux angoisses et aux supplices des citoyens. Les futurs députés, dans leur grande majorité, ont éludé des événements dramatiques, des manifestations et des contestations populaires. A titre d'exemple, récemment, des enfants algériens se sont donné la mort. Leur suicide n'est pas qu'un fait divers dont l'exceptionnelle singularité interdirait toute mise en situation. Aucun parti, aucun candidat ne s'est ému publiquement et daigné accompagner les familles meurtries dans leurs deuils. Pourtant, ce phénomène entre de manière dramatique en droite ligne avec un pays en crise et détérioré, enfoncé dans une torpeur culturelle, sociale et économique, conséquence de l'immobilisme et du laisser-aller des autorités. Alors, faut-il interdire au peuple d'influencer le peuple quand on sait que, demain, à la fermeture des bureaux de vote, une seule question transpercera l'esprit des organisateurs et des jockeys : pas «oui» mais «combien ?» Le peuple semble dire que le 10 mai sera plutôt son 8 Mai 45, et il s'attellera à retrouver le vrai chemin du 1er Novembre 54 !