Quand on arrive à Oued Djer, d errière la vitre, pas de décor hitchcockien, pas de peur non plus, mais un beau spectacle, un vrai. Dans cet univers de beaux paysages, le train, comme un tapis de soie, se déroule à l'infini sous un ciel bleu. De quoi s'étrangler d'émotion et s'accrocher ferme à son siège... Ce vieux train semble fêter « le retour à la paix », dit un agent contrôleur. En ce samedi de Achoura, à Agha, gare de départ, Mohamed, la cinquantaine, monte dans le train qui s'apprête à quitter Alger qu'il a l'habitude de joindre par avion. Cet avocat oranais entre dans le royaume du train et s'installe dans l'un des deux wagons de 1ère classe. La locomotive tousse, grince, crie, avant de s'ébranler à 15 h tapantes. Pas de retard donc, ce qui est en soi un événement de ponctualité. Une ponctualité qui secouera à coup sûr un chemin de fer appelé à être « le sang qui irrigue le pays. » Les wagons moquettés, tapissés, abritent des voyageurs qui, durant 5 h 15, découvriront le paysage au fil de la voie, d'Alger à Oran. Coussins colorés en vert, moelleux, le tout encadré par le film lent du paysage verdoyant aux fenêtres... Un homme et une femme reproduisent inlassablement le même geste fascinant : faire passer et repasser le thé à la menthe. Mais aussi des journaux. « C'est gratuit ! », fait savoir la jeune femme. Caressés par ce geste, les voyageurs, visiblement ébahis, laissent échapper tour à tour des sourires. On comprend alors mieux ces 5 h où la rétine est habillée d'images douces : la courbe d'un horizon, un océan d'herbe verte, des troupeaux de caprins et d'ovins... Le train siffle alors au rythme de ces passages. D'Alger à Chlef, le train a stoppé dans toutes les gares. « Ce n'est pas prévu pour un rapide, mais il y était forcé car, d'habitude, il ne s'arrête pas », témoigne un agent derrière son comptoir du wagon-restaurant. Ce « monstre » couvert par une vieille paroi d'acier gris compte plus de 20 wagons. Sur le chemin, on croise ainsi l'Algérie paysanne, celle des monts de Khemis Miliana et des plaines de la Mitidja et de Chlef. Le magnifique coucher du soleil sur le lac de Oued Rhiou forme vraiment un paradis. Une restructuration redouté La SNTF, qui transporte aujourd'hui plus de 10 millions de voyageurs par an rien que sur les grandes lignes, s'est enfin décidée à revoir sa copie en terme de grilles horaires des trains desservant la ligne Alger-Oran, depuis le début de l'année. Quatre fois par jour, le défilé des trains entre les deux principales villes du pays semble commencer à satisfaire beaucoup de monde. La SNTF a connu des changements successifs, mais les objectifs visés demeurent, de l'avis des observateurs, « non encore clairement précisés. » En pleine restructuration, la SNTF à statut d'EPIC vit des contraintes financières. Les syndicats des cheminots ont récemment interpellé la direction générale au sujet du démembrement de l'entreprise. Des réformes sont préconisées ici et là pour permettre l'essor d'un réseau ferroviaire de plus en plus confronté à la délicate question de la « structuration financière. » La SNTF, qui dispose d'un parc de plus de 10 000 wagons, semble privilégier la ligne Alger-Oran, du fait de la fréquence et de sa mobilité de plus en plus croissante. Des chantiers lancés depuis quelques années « ont permis de gagner en durée par rapport au parcours traditionnel », se réjouit-on à la SNTF où on parle de 15 minutes de gagné. » Deux départs, l'un à 7h 45, l'autre à 15h, sont programmés à partir de la gare d'Agha et de la gare d'Oran. Les 900 dinars que le voyageur paye en 1ère classe couvrent des prestations liées au confort, à la distribution de journaux ou encore la musique à bord et la climatisation. Mais Oran, qui devra être atteinte en 4 h 30, est finalement jointe en 5 h 15.