La pénurie de médicaments qui s'étale dans le temps est loin de connaître son épilogue. Les boucs émissaires ne manquent pas au ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, pour justifier une situation qu'il gère depuis son installation, en juin 2010. Une époque à laquelle il avait déclaré que «la rupture de médicaments est révolue et la récréation est terminée». Il s'était même engagé à importer en 24 heures tout produit qui viendrait à manquer. Il a, certes, hérité d'une situation engendrée par des décisions réglementaires drastiques du gouvernement (lettre de crédit, interdiction d'importation des médicaments fabriqués localement, absence de mécanismes de régulation, arrêt du conditionnement primaire, signature des variations, etc.). Mais deux ans après, la situation n'a pas vraiment changé ; elle s'est même compliquée avec d'autres décisions de son département qui ont favorisé le blocage, à savoir l'arrêt des enregistrements de produits, la non-signature des programmes dans les temps en 2011 et le fameux appel d'offres de la PCH lancé la même année pour être validé en 2012. C'est l'effet boule de neige qui a fortement perturbé le marché et causé une véritable déstabilisation dans les hôpitaux et les officines. Il est donc clair que les raisons sont connues de tous ; un rappel à l'ordre a été même fait par le Premier ministre à l'automne 2011, mais on a préféré le déni de la vérité. D'ailleurs, les premiers contrôles menés par les inspecteurs du ministère de la Santé – qui a daigné enfin reconnaître la catastrophe depuis ce début de semaine dans les hôpitaux – ne font que confirmer ce que les médecins, les malades et la presse nationale n'ont pas cessé de dénoncer. Après l'Intersyndicale et le SNPSP qui ont tiré la sonnette d'alarme en présentant l'ampleur de la situation à travers une enquête réalisée dans les établissements de santé publique et le Syndicat national des officines (Snapo), c'est au tour du Syndicat des professeurs, maîtres assistants et docents de lancer une pétition à l'issue des assemblées générales tenues le 6 juin dernier dans l'ensemble des facultés de sciences médicales du pays pour dénoncer «le déni total du ministère de la Santé quant à la vérité sur la pénurie de médicaments (…) ne parler que de petits dysfonctionnements», lit-on dans le communiqué du Snechu. Une indisponibilité qui a tendance à se généraliser à travers le pays. La pénurie touche les produits essentiels pour toutes les pathologies de la cardiologie aux collyres en passant par les analgésiques morphiniques, les vaccins, les antimitotiques, les corticoïdes, etc. Les exemples sont nombreux. L'hôpital d'El Harrach, qui a fait ses commandes dans les temps, est toujours en attente d'être livré. Sur 400 médicaments commandés à la PCH, aucun produit n'est disponible, a constaté l'inspecteur du ministère de la Santé. Selon une source proche du dossier, la PCH fait face à une sérieuse déstabilisation. Malgré la restructuration et les enveloppes budgétaires débloquées par l'Etat depuis l'automne 2011, à commencer par la ligne de crédit de 30 milliards de dinars à travers la BNA et le CPA pour lui permettre de s'acquitter de ses dettes et une enveloppe de 3,9 milliards de dinars pour l'achat des produits en prérupture ou en rupture de stock et 50% de la dotation budgétaire du secteur de la santé – 455 milliards de dinars en 2012 – sont consacrés au règlement des livraisons de produits pharmaceutiques de la PCH aux établissements hospitaliers pour les plans nationaux de santé. Depuis janvier 2012, la PCH a importé pour plus de 20 milliards de dinars, mais cela n'a pas permis d'assurer une couverture adéquate. D'après notre source, «ces dysfonctionnements trouvent leur explication dans la mauvaise gestion des prévisions par le ministère de la Santé via la PCH, à travers les retards pris dans le lancement de l'appel d'offres de 2011 qui a pénalisé les hôpitaux d'une année de médicaments essentiels, le retard dans la signature des programmes et la grande défaillance de certains producteurs qui fournissent la PCH, comme Saidal (qui figure parmi les plus grands fournisseurs nationaux privilégiés de la PCH) qui n'a pas respecté ses engagements au cours de cette année». Ce qui explique donc le retard pour les commandes à l'importation et, logiquement, les fournisseurs livrent des quantités très insuffisantes et avec des retards. «Pour certains produits, il est impossible pour la PCH de constituer des stocks. Toutes les commandes qui arrivent par tranches sont expédiées dans leur totalité. Les demandes des hôpitaux sont très importantes mais les quantités disponibles ne peuvent couvrir que 2 à 5 mois de consommation sans stock de sécurité». Ces dépenses faramineuses sont également le fait du prix de certains médicaments, notamment pour le traitement des cancers et de certaines pathologies où l'on a recours à des molécules plus chères en l'absence de générique et même, dans certains cas, lorsque ce dernier est disponible à un prix trois ou quatre fois moins élevé. Une situation qui a sérieusement affecté la prise en charge des malades.