Les dispositions majeures y étant arrêtées relèvent, à leurs yeux, d'une pure aberration. Des plus édifiants est, en effet, le décryptage du gouffre existant entre la réalité du terrain et la vision des administrations centrales que ces spécialistes ont livrée. D'emblée, ces spécialistes tiennent à souligner qu'à travers l'annonce de la perspective de mise en place de quatre technopôles agroalimentaires au sein des zones de développement industriel, d'un pôle de compétitivité, d'un centre technique des industries agroalimentaires (IAA), de quatre plateformes logistiques agroalimentaires, de cinq consortiums d'exportation ainsi que du renforcement des capacités d'exportation d'un panel de 200 entreprises à l'horizon 2014, nos politiques s'engagent, une nouvelle fois, dans la voie de l'utopie ! Les mesures décidées afin d'aider à atteindre ces «objectifs», laissent de plus en plus perplexes, considèrent-ils. Leurs arguments ? «L'octroi de 40 000 DA pour l'acquisition d'une ensileuse, dont le prix sur le marché dépasse les 10 millions DA, est une preuve que les initiateurs du PNDIAA ignorent totalement les techniques de l'activité d'ensilage. De par sa complexité, l'introduction de cette dernière dans la ration alimentaire pour des objectifs de production de lait et de viandes bien précis ne peut être réduite à une simple rubrique», précisent-ils. Pour ce qui est du soutien à l'intensif, inclure l'ensemble des opérations qui en découlent (la maintenance des vergers en particulier) avant la production, a déjà montré ses limites. L'acquisition d'équipements spécialisés est un autre volet sur lequel ces spécialistes ont trouvé à redire : «L'infrastructure dont les surfaces sont déterminées sans commune mesure avec la nature des investissements et l'encombrement normalisé des équipements. Quant à la configuration préconisée, elle laisse dubitatif le plus profane en exigeant par exemple un laboratoire pour chaque huilerie alors qu'il est universellement établi que le contrôle de la qualité ne doit jamais se faire par le producteur lui-même ». La part belle aux… Chips ! Au très ambitieux PNDIAA, il est également reproché le manque voire l'absence totale d'intérêt aux cheptels importants ou aux fermes d'élevage, dont la conduite informatisée des troupeaux peut constituer, selon nos interlocuteurs, une planche de salut pour l'autosuffisance en la matière. L'autre aberration, la plus frappante : le soutien à l'acquisition de fromageries. Comment décide-t-on de limiter la subvention au lait de chèvre alors que le cheptel est interdit d'importation ?, s'interrogent nos sources qui estiment, par ailleurs, très mal évalué le montant de la subvention vu les prix appliqués sur les marchés pour ce type d'équipement. L'élimination des laiteries de la nomenclature pour ne pas encourager la transformation du lait en poudre est, à leurs yeux, une mesure tout aussi irréfléchie d'autant que «l'importation du lait en poudre est justement à l'origine comme pour tous les autres produits de la mise en berne de la production nationale». En «bons visionnaires», les architectes du plan de développement de l'industrie agroalimentaire ont estimé plus judicieux de jeter au bas de la selle l'industrie de transformation des fruits (marmelades et boissons) pour installer confortablement celle de la pomme de terre (chips), du maïs et pois chiche eu égard au substantiel soutien lui étant consacré par l'Etat et ce malgré son caractère aléatoire. Les produits bio à la traîne Qu'il s'agisse de produits de base (légumes et fruits frais, œufs, beurre, fromages, volailles et viandes, pain, céréales, tisanes…) ou plus élaborés (plats cuisinés, desserts tout prêts, biscuits, aliments pour enfants…), le bio algérien, quant à lui, n'arrive toujours pas à s'assurer une place de choix sur le marché domestique. A l'international où ce marché progresse chaque année de 25%, les produits bio «made in Algeria» n'auront pas encore la chance de se frotter aux produit marocains, tunisiens ou européens. Nos «décideurs» semblent s'en être rendu compte, mais pas assez. Limiter les subventions à quelques rubriques, c'est faire preuve d'une grande méconnaissance de la complexité de l'industrie de l'alimentation «bio» et les perspectives qu'offre l'agriculture algérienne pour ces produits. Car «tout soutien sans implication d'un savoir-faire important pour satisfaire un marché bien particulier ne peut être que synonyme de gaspillage. Dans bien des cas, le montant maximum du soutien est presque égal au montant de l'équipement, ce qui pourrait encourager largement les pratiques frauduleuses de surfacturation», préviennent les mêmes spécialistes, insistant, en outre, sur l'absence de soutien à d'autres activités d'importance capitale comme la production d'huiles végétales, la fabrication de poudre de lait, la valorisation des sous-produits des activités agricoles, la valorisation des produits du sous-bois, et la protection des produits exclusifs des zones spécifiques. Autant de carences majeures dans l'approche peu réaliste des porteurs du PNDIAA,, celui-ci ne pourrait avoir une portée réelle sur l'économie nationale, prédisent-ils. En total déphasage avec le contexte agricole, ce plan va, au contraire, accentuer le siphonnage des caisses de l'Etat, les conséquences désastreuses des différents dispositifs qui l'ont précédé en témoignent. L'acharnement des pouvoirs publics à satisfaire des exigences de fait accompli greffé aux derniers développements de la crise mondiale, au lieu d'une démarche sereine de revalorisation des potentialités dormantes de l'agriculture algérienne, est une fuite en avant. Susciter une réflexion adaptée aux enjeux liés à la question cruciale de la sécurité alimentaire en tirant les leçons des expériences antérieures, de l'évolution récente des marchés mondiaux tout en dressant un état des lieux et en se fixant des objectifs d'avenir, mais non hérités, serait à même d'épargner au pays beaucoup de gaspillage.