Le climat était très tendu ce mercredi, dans la vallée du M'zab. Sous un soleil de plomb, des dizaines de familles ont pris d'assaut l'avenue menant vers Oued Nachou, à 16 km du chef-lieu de wilaya. Ghardaïa. De notre envoyée spéciale Documents à la main, ces familles, qui ont été expulsées des chalets, crient à l'injustice. Si l'on croit leurs dires, elles n'ont bénéficié ni d'indemnités, ni de logement, ni de prime de location. Elles ont voulu « intercepter » le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, qui était en visite d'inspection et de travail à Ghardaïa, pour lui faire part de leur mécontentement et lui exposer leurs problèmes, en vain. La visite des deux membres du gouvernement dans la ville de Ghardaïa avait pour objectif de s'enquérir de la situation des sinistrés et de faire le point sur l'état d'avancement des chantiers de construction, une année après les inondations qui ont endeuillé une quarantaine de familles. Aujourd'hui, Ghardaïa peine à panser ses blessures. La population arrive difficilement à effacer les stigmates des inondations, qui sont omniprésents. Les familles mécontentes jurent n'avoir jamais touché aucune aide de l'Etat alors qu'elles sont réellement dans le besoin. « Nous sommes à la rue. Les autorités nous ont expulsées des chalets en dépit des attestations que nous avons en notre possession et qui démontrent que nous sommes des sinistrés », ont pesté les manifestants, qui ont bloqué la route afin de rendre visible leur mécontentement. D'après eux, les autorités locales et les organismes désignés par l'Etat pour la prise en charge des familles endeuillées travaillent au ralenti ; une grande partie des familles touchées par les inondations n'ont pas été indemnisées. Au vu de ce spectacle désolant, le ministre de l'Habitat s'est dit outré et scandalisé de voir des indus occupants jouer le rôle de victimes. « Plusieurs chalets ont été squattés par des indus occupants, il a fallu la force publique pour expulser ces familles venues toutes des zones et des régions qui n'ont pas été touchées par la catastrophe. Des experts ont travaillé d'arrache-pied pour trier tous les dossiers des sinistrés et veillé à ce que les concernés bénéficient de l'aide décidée par le gouvernement », a souligné le ministre, qui regrette que des familles entières exploitent la détresse des autres pour en tirer avantage. Le représentant du gouvernement a invité dans ce sens les personnes se sentant lésées à déposer des recours au niveau de la commission chargée de recaser les sinistrés. « Nous avons un fichier national qui renferme tous les dossiers des personnes sinistrées ayant bénéficié d'un logement social ou d'une aide. Je ne permets pas à quiconque d'imposer son point de vue à la collectivité », a menacé le ministre. Zones à risques majeurs Intervenant sur le même sujet, le ministre délégué chargé des collectivités locale, Daho Ould Kablia, qui accompagnait le ministre de l'Habitat, qualifie de « presque normale » une telle situation. Selon lui, le même scénario s'est produit lors des inondations de Bab El Oued et du séisme de Boumerdès où des dizaines de familles impatientes et éprouvant de la frustration ont occupé la rue pour manifester leur colère contre le retard accusé dans la livraison de logements ou leur recasement. « On ne peut pas satisfaire tout le monde. Il y a des individus qui ont bénéficié d'une tranche de l'aide sociale pour la réhabilitation ou la construction de leur logement, que l'on n'a jamais vus. Il est regrettable de constater la démission totale des partis politiques qui ne s'impliquent pas du tout dans la gestion des affaires courantes de la société », a pesté M. Ould Kablia. Par ailleurs, le ministre de l'Habitat a mis en garde, à l'ouverture du séminaire technique sur la valorisation et la capitalisation de l'expérience des inondations de Ghardaïa, contre l'urbanisation anarchique, accélérée et incontrôlée qui est à l'origine des dégâts importants enregistrés dans les différentes villes du pays. « L'expérience vécue à Ghardaïa doit être capitalisée pour la gestion future des catastrophes naturelles sur l'ensemble du territoire national », a souligné l'orateur, qui a ainsi insisté sur l'éradication de toute construction dans les zones inondables et surtout les zones à risques majeurs, qui seront délimitées par les experts. Il a demandé à se conformer aux plans d'urbanisme élaborés scientifiquement dans les différentes wilayas. Dans la foulée, il a reconnu que la qualité de la construction fait défaut en Algérie et, de ce fait, son département veillera à rectifier le tir. « L'absence de qualité et le bricolage doivent être bannis de nos constructions et cela doit constituer une des préoccupations essentielles dans la délivrance de qualification aux bureaux d'études et aux entreprises réalisatrices », a-t-il précisé. L'Etat, explique-t-on, a décidé, avec la collaboration de l'Agence spatiale algérienne (ASAL), de délimiter par cartographie satellite les zones inondables. Dans ce sens, une carte de toutes les wilayas est en cours d'élaboration. Interpellé au cours de ce séminaire par un représentant de l'APW sur le retard enregistré dans la prise en charge des sinistrés et le travail non équilibré du CTC et des autorités locales, le ministre a répondu en prenant la défense du CTC qui, de son avis, fait un travail remarquable : « Seuls les experts peuvent déterminer si une maison doit être en rouge ou en vert et non les citoyens, donc les personnes qui n'ont aucune connaissance dans le domaine de la construction n'ont pas le droit de porter des jugements de valeur sur des gens qui sont du métier. » En outre, devant les directeurs de l'urbanisme et de la construction (DUC), ceux du logement et des équipements publics (DLEP) et des OPGI de certaines wilayas affectées par les catastrophes naturelles, en particulier celles exposées aux inondations, le ministre s'est engagé à reloger définitivement dans les habitations en dur tous les sinistrés des inondations de la wilaya de Ghardaïa, au cours du 1er trimestre 2010. Evoquant le programme d'urgence élaboré par le gouvernement pour la prise en charge des sinistrés, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme a fait état de 2000 logements publics locatifs et de 3000 logements ruraux destinés au relogement définitif des sinistrés qui sont en cours de réalisation. Toutefois, il a exhorté les participants à mettre en valeur les expériences vécues afin d'élaborer une stratégie de prévention des catastrophes naturelles dans le souci de sécuriser les citoyens et de minimiser au maximum les dégâts matériels. En visitant les sites devant recevoir les habitations des sinistrés à Oued Nechou, Daya Ben Dahoua, El Atteuf et Metlili, le ministre de l'Habitat a précisé que ces logements seront livrés dans les délais d'une année prévus par le gouvernement. Les taux de réalisation sont estimés actuellement à plus de 55% et ces logements en dur ont été entamés quatre mois après la réalisation de 2725 chalets destinés aux sinistrés. Abordant le côté financier, Noureddine Moussa a rappelé qu'une enveloppe financière de plus de 23 milliards de dinars a été consacrée à la reconstruction de 2000 logements sociaux locatifs, l'octroi de 3000 aides au logement rural et 14 600 aides à la réhabilitation des habitations fragilisées par les intempéries, ainsi qu'à la prise en charge de 4300 loyers, alors que 2,5 milliards de dinars ont visé l'amélioration du tissu urbain endommagé par les inondations. Par ailleurs, le ministre de l'Habitat a annoncé que la loi de finances pour 2010 comportera de nouvelles dispositions portant sur l'octroi d'une aide aux citoyens pour l'acquisition d'un logement.