Et ça repart ! Toute l'Algérie est entrée de nouveau en transe dès que le compte à rebours du match décisif face au Rwanda pour la qualification des Verts au Mondial 2010 a été enclenché. Comme un métronome bien huilé, la machine s'est spontanément mise en branle : les étalages proposant emblème national, maillots, chapeaux fantaisistes, écharpes aux couleurs de l'équipe nationale ont fleuri un peu partout, à la grande joie des grands et des petits qui ne se refusent rien pour fêter l'événement et la qualification de l'équipe nationale. Les médias lourds, télévision et radio, ont ressorti les chansonnettes à la gloire des Verts, dont certaines sont devenues presque des classiques dans leur genre. Les véhicules sont hérissés de drapeaux allant du discret petit emblème à l'imposant étendard recouvrant des véhicules transformés en drapeaux roulants. La circulation automobile était, hier, plus dense que d'habitude et les nerfs à vif. Tout le monde s'activait pour liquider ses affaires courantes et rentrer chez soi le plus tôt possible, pour ceux qui ont choisi de suivre le match à la télévision. Au tout début, lorsque les premiers résultats positifs de cette nouvelle équipe nationale « cuvée Saâdane » commençaient à tomber, certains avaient mis l'euphorie qui avait gagné – au-delà des supporters inconditionnels des Verts, quasiment tous les Algériens de toutes conditions sociales et de tout âge – sur le compte d'une poussée de nationalisme suscitée ou du moins alimentée par le pouvoir. Un pouvoir qui avait besoin de cette ferveur scellée autour du drapeau national pour se donner une légitimation politique qu'il n'a pas pu obtenir ni par le résultat des urnes, objet de contestation permanente, ni par le bilan sur le terrain. Il ne faudrait surtout pas aller chercher dans ce sentiment de fierté et d'orgueil national qui balaie de part en part l'ensemble des villes et villages du pays et fait vibrer dans un même élan identitaire les ressortissants algériens établis à l'étranger quelque motivation politique, un début de reconciliation des Algériens entre eux – comme le soulignait hier hativement l'entraîneur Rabah Saâdane – et avec le pouvoir par la magie du sport-roi. Dans le lot des supporters de l'équipe nationale, on peut, certes, retrouver peut-être le terroriste qui a les mains entachées de sang et le barbu qui ne s'est jamais senti blessé dans son algérianité et dans son histoire lorsque l'emblème national avait été remplacé par un étendard islamiste (durant les années chaudes qu'avait vécues notre pays), l'enfant d'une victime du terrorisme, le travailleur licencié, le citoyen habitant dans un bidonville ou celui résidant dans un quartier huppé et pour qui la vie a pleinement souri. Mais lorsque les lampions du stade de Blida se seront éteints avec une qualification qui se dessine en toile de fond, l'Algérie fraternelle, engagée sur la voie du progrès et de la justice sociale telle que rêvée par tous, prendra-t-elle pour autant un nouveau départ ? Des nations se sont fait la guerre à cause d'un match de football. Elles peuvent tout autant faire la paix autour d'un résultat sportif. Le message vaut surtout pour nos dirigeants, qui sont vivement interpellés par cette mobilisation citoyenne jamais connue auparavant autour de l'équipe nationale, pour repenser la politique en direction de la jeunesse et, de manière générale, pour être enfin à l'écoute des préoccupations les plus diverses des citoyens.