Entre prouesses pyrotechniques et vedettes du show-biz, entre feux d'artifice grandioses et concerts musicaux mémorables, la Banque d'Algérie a aussi célébré le cinquantenaire de l'indépendance en éditant une nouvelle pièce de 200 DA. Ce n'est pas une édition limitée, réalisée uniquement pour l'événement, comme l'on serait tenté de le croire, mais une mise en circulation formelle. Quelques mois après une hausse de 20% du salaire minimum et quelques jours avant le mois de Ramadhan, il n'est pas nécessaire d'être économiste pour se demander si l'émission de cette nouvelle pièce n'anticiperait pas une forte inflation à venir. Flambée des prix au Ramadhan : une institution Malgré les timides mesures prises par les autorités afin de réguler les hausses abusives, cela demeure une tradition, chaque année à l'approche du mois de Ramadhan : spéculations et pénuries accompagnent la hausse vertigineuse du prix des denrées alimentaires. Les Ramadhans précédents, le kilo d'ail, d'habitude disponible aux alentours de 250 DA, a dépassé les 600 DA, la courgette a vu son prix passer de 30 DA à 70 DA, quant à la tomate, composant indispensable à la préparation de l'incontournable chorba du Ramadhan, elle a bondi de 10 DA à 45DA, soit une hausse supérieure à 300 %. Ce phénomène récurrent prend, d'année en année, des proportions telles, qu'en ce début du mois de juillet, la Fédération algérienne des consommateurs, par le biais d'une caravane qui sillonnera le pays, lance une campagne nationale de sensibilisation à la «culture de la consommation judicieuse». L'initiative de la fédération est doublée d'un appel au boycott de la viande entre le 10 et le 16 juillet, espérant ainsi faire pression pour faire baisser les prix d'environ 20%. Le concept de «consommation réfléchie» est repris par le ministre du Commerce, M. Benbada qui a déclaré : «J'appelle le citoyen à une consommation rationnelle, particulièrement durant la première semaine du Ramadhan pour ne pas contribuer indirectement à une hausse des prix.» Certes, la loi de l'offre et de la demande existe en ce mois de jeûne, la privation de nourriture peut pousser au comportement d'achat compulsif, je doute, cependant, que le consommateur, qui peine souvent et jongle pour remplir correctement son panier, soit la cause première de cette folie des prix. Et le contexte mondial ? La forte sécheresse qui sévit aux Etats-Unis et en Russie fait craindre une chute drastique de la production céréalière et perturbe sérieusement le cours mondial du blé en ce moment, d'après le site Boursier.com : «Les contrats à terme sur les principales céréales se sont envolés sur le marché CBOT de Chicago, après les dernières prévisions météo plutôt pessimistes : +7,7% pour le blé, au plus haut depuis près de 10 mois +7,2% pour le maïs et +3,6% .» Bien que le directeur de l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), Noureddine Kehal, ait affirmé qu'en prévision de bonnes récoltes, l'Algérie cessait pour 2012 l'importation de blé dur et d'orge, c'est néanmoins une autre histoire pour le blé tendre que l'Algérie importe en volumes colossaux : selon les chiffres des Douanes algériennes, la facture céréalière aurait atteint 4,03 milliards de dollars en 2011, et 400 millions de dollars rien que pour le premier trimestre 2012. Par ailleurs, le prix de la tonne du blé tendre est passé de 250 dollars il y a une année à 286 dollars aujourd'hui, des augmentations plus importantes du cours des céréales auraient des conséquences non négligeables sur l'économie algérienne. Parallèlement, le baril de pétrole dont le prix est passé sous la barre des 90 dollars est un élément inquiétant, sachant que l'économie algérienne repose en grande partie sur l'exportation des hydrocarbures (97,58% du volume global des exportations), il est à craindre que la chute du prix du pétrole pèse négativement sur la balance commerciale de l'Algérie. Dernièrement, le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, révélait ses appréhensions quant à une éventuelle perte de 20 milliards de dollars sur un an. Il confirme également les constatations de la Banque d'Algérie qui a récemment affirmé que la stabilité budgétaire de l'Algérie dépendait d'un baril à 112 dollars. Faites tinter les pièces… Sans vouloir faire de la psychologie de comptoir, ce n'est un secret pour personne que le rapport que nous entretenons au billet n'est pas le même que celui que nous entretenons à la pièce. Dans l'inconscient, une pièce a moins de valeur qu'un billet, on a tendance à la confondre avec d'autres pièces de moindre valeur et à la dépenser plus facilement. Beaucoup d'Algériens pensent que la nouvelle pièce de 200 DA ferait perdre de sa valeur à la monnaie algérienne et diminuer son pouvoir d'achat. Un ami algérois m'a confié : «Une pièce de 200 DA, pourquoi pas ?! Après tout, c'est le prix que coûte un café dans pas mal d'endroits à Alger, puis tout augmente tellement, quand on part faire les courses, surtout si on achète de la viande, on ne voit pas passer les billets de 1000 ou 500 DA. Que dire alors du prix du logement, des appartements vendus à plus d'un milliard, où va-t-on ?» Après l'émission d'un billet de 2000 DA en 2011, des rumeurs courent sur la mise en circulation d'un billet de 5000 DA. L'époque où des billets de 20 DA, de 10 DA et même de 5 DA, existaient et s'échangeaient ailleurs que chez les collectionneurs semble loin et irréelle.