Le président Mamadou Tandja, qui a déjà trituré la Constitution pour s'offrir un 3e mandat, s'apprête à opérer un autre coup de force. Six millions de Nigériens sont appelés demain aux urnes pour élire un nouveau Parlement de 113 députés, mais l'opposition et la communauté ouest-africaine demandent un report du scrutin et font pression sur le président Mamadou Tandja pour qu'il parte fin décembre. Membre de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), le Niger est en crise depuis que Mamadou Tandja, au pouvoir depuis dix ans, s'est octroyé le 4 août une prolongation de trois ans grâce à un référendum constitutionnel unanimement condamné tant dans le pays que par la communauté internationale. Pour y parvenir, l'ancien colonel âgé de 71 ans a successivement dissous le Parlement puis la Cour constitutionnelle qui s'opposaient à son projet, et a enfin modifié le code électoral. La nouvelle Constitution supprime la limitation à deux mandats présidentiels de 5 ans successifs et renforce substantiellement les pouvoirs du chef de l'Etat. Depuis son adoption, le Niger vit au rythme des interpellations au sein de la société civile et de personnalités-clés de l'opposition. Dans la foulée, Mamadou Tandja avait annoncé la tenue d'un scrutin législatif le 20 octobre, conformément à « sa » Constitution, en lieu et place de législatives anticipées prévues un mois auparavant. L'opposition, dont les manifestations sont souvent réprimées, dénonce un « coup d'Etat » et appelle au « boycott massif » des législatives. « Après son coup d'Etat, M. Tandja veut apporter un vernis démocratique avec cette mascarade électorale », dénonce Mohamed Bazoum, un des dirigeants de l'opposition. Vernis démocratique La Cédéao a officiellement demandé à Mamadou Tandja de reporter sine die les législatives du 20 octobre « afin de favoriser le dialogue » politique, et a dépêché hier des émissaires à Niamey pour une réunion de la dernière chance : la présidente libérienne Ellen Johnson-Sirleaf, l'ancien chef d'Etat du Nigeria, Abdulsalami Abubakar, et le président de la commission de la Cédéao, Mohamed ibn Chambas. L'organisation ouest-africaine a pris samedi quelques sanctions limitées contre le Niger (interdiction de présenter des candidats nationaux à des postes dans des organisations internationales et d'accueillir des réunions de la Cédéao), mais si M. Tandja persiste, les sanctions deviendront alors « pleines et automatiques ». Malgré ces avertissements, Niamey compte bien organiser le scrutin demain, décrété jour férié, et les frontières terrestres seront fermées durant 24 heures. Il y a bien quelques candidats indépendants, mais la vingtaine de formations qui seront en lice sont pour la plupart proches du régime. En lançant la campagne électorale, M. Tandja avait demandé un « vote massif » et « une majorité confortable » au Parlement afin de pouvoir « mener à bien ses grands chantiers ». La campagne, qui s'est achevée hier, s'est déroulée dans l'indifférence totale des populations qui n'ont eu droit qu'à de petits rassemblements de quartiers et des consignes de vote à la télévision d'Etat. A Niamey, ce n'est pas non plus la fièvre électorale : quelques affiches et des portraits de candidats ont été posées devant le siège des partis ou placardés sur les vitres de voitures. Selon la presse et les médias privés, ce peu d'engouement est compréhensible : il n'y a pas d'enjeu et la future Assemblée sera « monocolore ».