Des heurts ont éclaté suivis d'arrestations hier au Niger, en marge du référendum sur une nouvelle Constitution convoqué par le président Mamadou Tandja déterminé à rester au pouvoir malgré des critiques et un boycottage de l'opposition. Plusieurs sources policières et d'opposition ont fait état d'affrontements dans plusieurs villes de l'Ouest entre opposants au scrutin et forces de l'ordre. Selon un policier, la police a dispersé au gaz lacrymogène des manifestants dans la région de Tahoua (ouest) qui tentaient d'empêcher l'accès à deux bureaux de vote. Des incidents similaires ont eu lieu dans deux autres localités proches, selon un membre de la principale formation d'opposition, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS). Le ministre de l'Intérieur, Albadé Abouba, a également affirmé à la radio que des individus ont été arrêtés près de Dosso, à Birni N'Gaouré, « pour avoir violé les lois ». A Niamey, les rues étaient quasiment vides et aucune file d'attente devant les urnes n'était visible. D'après la radio privée Anfani, la mobilisation était également « faible » à Zinder (sud-est), deuxième ville du pays, où quelques pneus ont été brûlés tôt hier matin. Quelque six millions de Nigériens devaient voter ou non l'adoption du nouveau texte pour permettre à Tandja – censé se retirer en décembre après deux quinquennats consécutifs – de rester au pouvoir jusqu'en 2012, puis de se représenter autant de fois qu'il le souhaite. Cette consultation controversée a plongé le pays sahélien déshérité de près de 15 millions d'habitants dans une crise politique majeure. L'opposition dénonce un « coup d'Etat » du président que la communauté internationale a tenté, en vain, de dissuader. Pour arriver à ses fins, Tandja a dissous le Parlement le 26 mai, puis fin juin la Cour constitutionnelle qui jugeait ce référendum illégal. Il gouverne seul par décrets et ordonnances grâce aux « pouvoirs exceptionnels » qu'il s'est arrogés. Les opérations électorales, qui ont démarré avec retard à Niamey, étaient prévues entre 8h et 19h (7h et 18h GMT). Les rues de Niamey désertes… Alors qu'une coalition de partis d'opposition et de centrales syndicales lançait dimanche un ultime « appel à la mobilisation pour faire échec » au référendum, Abouba avait averti que toute tentative de compromettre le vote serait réprimé « sévèrement ». De nombreux observateurs estiment qu'en voulant s'implanter au pouvoir, Tandja a « raté sa sortie » après dix ans de stabilité et un redressement économique dont il peut se flatter. La France, ancienne puissance coloniale du Niger, qui est le troisième producteur mondial d'uranium, a dénoncé mi-juillet dernier les « atteintes répétées à la démocratie » de Tandja. Hier, Paris a rappelé la menace de l'Union européenne d'interrompre les aides financières au Niger. « Les événements politiques récents au Niger sont en contradiction avec les principes essentiels de l'Accord de Cotonou et font donc nécessairement courir le risque de la suspension de la coopération communautaire (...) », a indiqué le Quai d'Orsay. Tandja, apparemment indifférent, a récemment déclaré : « Allons-nous mourir s'ils ne nous donnent pas leur argent ? Les pays occidentaux organisent régulièrement des référendums, est-ce parce qu'ils nous donnent à manger qu'ils veulent nous priver du droit d'en organiser chez nous ? » L'ONU, l'Union africaine et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont aussi exprimé leur inquiétude. La commission électorale devrait proclamer le résultat dans les cinq jours.