Contacté, le magistrat, qui se trouve actuellement à l'étranger, confirme qu'il a ordonné à la police fribourgeoise de localiser Bouguerra Soltani une fois celui-ci sur le territoire cantonal. Il voulait l'obliger à comparaître le week-end dernier. « Le politicien algérien devait être écouté à la suite du dépôt d'une plainte à Fribourg, puis confronté à son accusateur, Nouar Abdelmalek, ancien fonctionnaire du ministère algérien de la Défense, réfugié actuellement à Toulouse », précise Jean-Luc Mooser, qui a préféré traiter ce dossier sensible avec prudence. « Pour éviter que l'arrestation de Soltani ne tourne comme l'affaire El Gueddafi, j'ai demandé à la police fribourgeoise d'appliquer la méthode douce. Je me suis aussi informé auprès du département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) pour savoir si Bouguerra Soltani bénéficiait d'une immunité diplomatique. La réponse du DFAE est tombée mercredi dernier : c'était non. » Pour la justice fribourgeoise, il n'a jamais été prévu d'arrêter l'ex-ministre islamiste algérien. Mais ce dernier, qui a été vu pour la dernière fois lors de la prière du vendredi 16 octobre à la mosquée de Genève, a fui la Suisse avec femme et bagages. Le couple était pourtant attendu en fin d'après-midi au Lac Noir, en Singine. Il devait participer à la rencontre annuelle de la Ligue des musulmans de Suisse, où Bouguerra Soltani devait animer des tables rondes sur la famille musulmane. Sans prévenir les organisateurs, il a regagné précipitamment Alger, via Lyon. Il fallait éviter une affaire El Gueddafi bis Tout en dénonçant la fuite de Soltani, l'organisation Trial (Track Impunity Always) se déclare satisfaite que « la justice suisse ait pris au sérieux ses engagements internationaux en engageant une procédure contre une personne suspectée d'avoir commis des actes de torture ». Mais le directeur de cette association suisse contre l'impunité, Philip Grant, se demande qui a informé le chef du MSP qu'il allait être inquiété par la justice fribourgeoise. « Nous nous étonnons toutefois que la presse algérienne ait publié dimanche matin déjà des informations en lien avec cette procédure, bien avant que notre ONG ne publie son communiqué de presse. Il y a dû avoir une fuite. Dommage, c'est la lutte contre l'impunité des tortionnaires qui en pâtit », déplore Philip Grant. Quant à Damien Chervaz, l'avocat de Nouar Abdelmalek, il se demande qui a informé les autorités consulaires algériennes. Qui l'a informé ? Car ces dernières ont rapidement alerté le politicien algérien. « Je ne peux pas imaginer que le DFAE ait informé Alger pour éviter que la Confédération provoque une nouvelle crispation diplomatique, surtout après les conséquences de la crise libyenne et l'affaire Roman Polanski », relève Damien Chervaz. « Si c'est le cas, je pense que ce serait grave après les discours, il y a quelques jours, de Micheline Calmy-Rey, sur l'impunité. » Jeudi dernier, devant le Conseil des droits de l'homme, la conseillère fédérale a appelé les Etats et la communauté internationale à lutter contre l'impunité pour la reconstruction après un conflit. Georg Farago, porte-parole du DFAE, ne veut pas commenter l'affaire Soltani pour le moment. Il précise que c'est la justice fribourgeoise qui gère le dossier. Pour le juge d'instruction Jean-Luc Mooser, cette plainte pour actes de torture est désormais classée. Quant à la victime Nouar Abdelmalek, sa défense va travailler sur la délivrance d'un mandat d'arrêt international à l'encontre de Soltani. De leur côté, les responsables de l'ONG Trial se demandent si Berne a pactisé avec le diable en permettant à un tortionnaire d'échapper à la justice.