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Ces retraités qui reprennent le boulot
Publié dans El Watan le 23 - 10 - 2009

Enseignement, artisanat ou même recherche scientifique… sont autant de secteurs où l'on voit des retraités, majoritairement masculins, reprendre une activité salariale. Pour pouvoir subvenir aux besoins de tous les jours, rester actif ou pour transmettre un savoir-faire, nous avons rencontré ces nouveaux seniors qui commencent une nouvelle vie. « Ma retraite s'élève à 21 000 DA.
Pour payer les factures et satisfaire les besoins quotidiens de ma famille, je n'avais pas d'autre choix que de trouver un travail et très vite », confie Mustapha Hadji, ancien directeur d'une école primaire. Après avoir pris sa retraite en 2007, il reprend du service six mois plus tard dans une école privée pour y enseigner. « Je travaille trois jours par semaine et touche 18 000 DA. Evidement, je ne suis plus déclaré, mais ça ne me gêne pas tant que je peux mettre un peu de beurre dans les épinards. » Ouvriers, profs, juristes, entrepreneur, commerciaux, ingénieurs, ou médecins : comme Mustapha, ils seraient aujourd'hui de plus en plus nombreux à rester dans la vie active malgré l'âge de la retraite. Pour eux, pas question de rester les bras croisés et voir défiler la vie et surtout leur confort durement gagné se dégrader.
Pour Laarbi M., le passage à la retraite fut le début d'un long calvaire. « Ma femme souffrait d'un cancer. Son traitement, les visites chez son docteur, les différents soins apportés dépassaient largement ma maigre retraite de commercial dans une société étatique de Oud Semmar, raconte-t-il. J'ai trouvé un emploi comme veilleur de nuit dans une entreprise étrangère. Et le jour, je travaillais chez un déclarant en douanes. » Saliha, retraitée depuis cinq ans du secteur banquier, elle aussi, n'a jamais arrêté de travailler. « Je suis divorcée depuis plus de quinze ans et j'ai trois enfants à ma charge. Il était exclu que j'arrête, du jour au lendemain, de travailler. La vie est de plus en plus chère et plus encore avec les exigences des uns et des autres. » Ses revenus ont longtemps servi à payer les études de ses enfants en Europe, puis la construction de sa maison. « Il a fallu faire un sacrifice, pour l'éducation de mes enfants, ce n'est pas discutable. J'ai trouvé un emploi comme secrétaire de direction dans une petite entreprise.
J'ai tout de suite convaincu l'employeur de m'engager en lui louant mes qualités professionnelles. Il a compris que je devais travailler par nécessité. » Saïd Lardjane, sociologue, qui a longtemps travaillé sur la thématique des retraités actifs et leur place dans la société, explique que « ce partenariat, ou pacte professionnel, garantit aux deux parties un échange symétrique très rentable. C'est la nouvelle formule compétences contre revenus » ». Il note par ailleurs que souvent les retraités reprennent une activité « parce qu'ils ne supportent plus ce nouveau statut et l'appréhension d'être mis à l'écart par la société ». Nadia est pharmacienne retraitée. Quelques mois après sa retraite, elle a fait une dépression. « Je ne supportais plus mon mari ni les enfants. J'avais l'impression que personne ne comprenait ma détresse. Le fait de rester à la maison du matin au soir et de ne parler à personne », raconte-t-elle, émue. « Mes filles m'avaient inscrite à des cours de cuisine et de sport pour me changer les idées, en vain. Quand mon mari a refusé que je reprenne un travail, c'était la goutte qui a fait déborder le vase. » D'autres n'ont besoin ni de gagner plus d'argent ni de complexe à ne plus travailler. Mais l'idée de rester « inactif » leur est insupportable. « Regarder pousser l'herbe ?
Pas question ! », se révolte Nacer, un ancien pompier à la retraite, qui a souffert du manque de considération et la difficulté de trouver un travail. « Il n'était pas question de rester collé en face de la télé ou de passer mon temps dans le quartier à regarder les passants ou jouer aux dames. Il était impératif que je me trouve une activité. Les gens croient qu'être à la retraite équivaut à passer du bon temps, mais c'est faux ! La nuit on s'entend réfléchir, on se demande ce qu'on fera le lendemain avec tout ce temps. C'est terrible, j'ai l'impression d'attendre de passer de l'autre côté. » Alors Nacer s'est démené pour trouver une activité qui lui permet d'occuper ses journées et de se rendre utile. « Le week-end, je forme des jeunes pompiers, et en semaine, je travaille pour le compte d'un géologue chercheur privé. » D'après Souhila Amrani, psychologue clinicienne : « Il faut savoir que pour un retraité qui était très actif, le regard qu'on porte sur lui le fragilise, il se sent inutile et se fige dans le moindre propos porté par un membre de sa famille. Le cas de Nadia est très fréquent. Ce sont souvent les femmes retraitées qui ont beaucoup plus de difficultés de trouver un emploi. Les hommes sont avantagés, car ils sont plus flexibles, le choix du travail importe peu, tant que ça les occupe. »
De plus en plus de retraités sont enfin sollicités pour leurs compétences. Souvent c'est la formation qui fait appel à eux. Dans beaucoup de sociétés privées, ils travaillent sans être déclarés, mais sont bien rémunérés. Tout le monde est gagnant : d'un côté les retraités qui arrondissent leurs fins de mois, et de l'autre, l'entreprise peut dispenser des services à ses employés. Saleh Bakri, ancien responsable de recherche dans un laboratoire pharmaceutique et encadreur de plusieurs équipes de recherche sur l'ensemble du territoire, est de ceux-là.« Je ne me sentais pas assez vieux pour partir à la retraite. Mon travail m'a toujours passionné, je devais garder un lien avec mes recherches. Aujourd'hui, j'ai un contrat de douze mois avec un laboratoire tunisien. Et l'année prochaine, je rentre à Alger pour encadrer une équipe de chercheurs algériens. » C'est aussi le cas de Bachir Dridi, spécialiste en informatique, recruté après sa retraite, par l'entreprise qui l'employait, mais à distance. « J'étais assez étonné d'entendre la proposition du directeur, le lendemain de mon départ, s'enthousiasme Bachir. L'entreprise ne voulait pas employer un étranger qui coûterait plus cher et pas forcément plus qualifié que moi. Alors le directeur a proposé de me payer le même salaire et de travailler à distance. Une opportunité pareille ne se refuse pas. Ça me permet de rester informé de toute l'évolution de la technologie, indispensable dans mon cas. »
Les entreprises ont flairé le bon filon et font de plus en plus appel à leurs anciens employés, souvent très qualifiés. Dans ce cas, la rémunération n'est pas la seule motivation de ses retraités. Ils satisfont également l'envie de transmettre un savoir-faire, une expérience et un sens de la compétitivité. Des motivations que l'on retrouve chez une partie des retraités qui ont fondé leur propre entreprise. « Ici, le retraité ne se considère plus comme tel, car l'entreprise familiale est régie par ses propres règles », éclaire Souhila Amrani. Toujours vaillant à 68 ans, Mohamed Tebessi porte un intérêt particulier à la bijouterie familiale « Je travaille comme bijoutier depuis plus de quarante ans. Et je n'ai jamais quitté mon travail. Ma retraite je la prendrai quand je serai assuré d'avoir bien formé mes fils et neveux. » Boulanger, tisserand ou entrepreneur, l'artisanat est une affaire de famille. Les retraités ont du mal à lâcher prise. Mansour confie qu'il n'a pas pu laisser son atelier de tapis à ses fils, de crainte d'une faillite. « Mes enfants ne s'intéressent pas à mon métier. Ils travaillent tous dans l'administration, pour eux ma fabrique est un gagne-pain sans plus. Pour moi, c'est passion, une partie de moi, que je souhaitais transmettre. » Dans ce cas de figure, « les retraités prennent très au sérieux leur mission et refusent de partir en retraite, remarque Souhila Amrani. La retraite est accessoire, ils n'y pensent même plus, puisque l'intérêt premier est la pérennité de leur activité ».
Enseignants retraités : attention à une reprise immédiate
Souvent, quand un retraité trouve un emploi, il ne correspond pas forcément à ses compétences. Sihem Naâma, médecin rhumatologue met en garde les retraités qui reprennent des emplois hâtivement. « J'ai remarqué un phénomène assez inquiétant chez les enseignants retraités, relève-t-il. Ils souffrent de rhumatismes inflammatoires chroniques, d'allergies causées par la craie, de douleurs au niveau des poignets, chevilles et genoux. L'enseignement est une activité intellectuelle, il est conseillé de bien choisir son emploi. Evitez les emplois manuels, les stations debout, les efforts qui dégradent votre état de santé. Il existe des bornes éducatives qui facilite la vie des retraités, la plus importante est de s'informer sur les conditions de travail que propose l'employeur. »
À consulter :
Caisse nationale des retraites sur la toile : www.cnr-dz.com


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