L'histoire de la guerre d'indépendance algérienne –est-ce ainsi qu'il convient de la nommer puisque tel était l'objectif politique assigné par la proclamation du 1er Novembre- supporte encore, cinquante-cinq années après « La nuit rebelle » de la Toussaint 54, le double interdit d'une histoire officielle portant d'une part sur le mythe du « peuple en armes » d'autre part, sur le martyrologe d'« un million et demi » de victimes. L'agencement des méconnaissances des conditions tant politiques que militaires de préparation de l'insurrection, du cours effectif des événements - nombre de militants engagés dans les opérations du 1er Novembre, nature des objectifs, projection territoriale de l'insurrection, bilan des actions- a pu prendre, sur le long terme, la force des évidences et nourrir en fin de compte un lancinant désenchantement. Faut-il pour autant se résigner aux effets pervers du contrôle officiel de l'histoire nationale –et le silence de nombre d'historiens sur une inédite « constitutionnalisation de l'écriture de l'histoire » le donnerait à penser- faite de mises sous scellés des archives de la guerre d'indépendance et de gestion rentière de sa mémoire ? Que les Algériens – et assez largement leurs expressions politiques alors agréées- aient été si peu au fait de ce qui se préparait, de qui était à l'origine des événements – et la confusion fut longtemps de mise qui faisait de Messali Hadj l'inspirateur du recours à la lutte armée,- marque bien la position en contrechamp des fondateurs du Front de libération nationale. L'impact politique des actions –y compris celles qui avaient relativement avorté- de la nuit du 31 octobre au 1er novembre est mesurable autant dans les médias d'Algérie que métropolitains et particulièrement dans les réactions du pouvoir politique français et des partis politiques en Algérie même. Au-delà de condamnations, celles des communistes ou des prudentes exhortations de l'UDMA contre la violence, est-ce bien la répression massive du MTLD à travers tout le territoire –qui aura touché sans distinction Centralistes et Messalistes- et le renforcement concomitant des forces militaires françaises en Algérie qui allaient rapidement faire des événements du 1er novembre bien plus que la somme visible de leurs objectifs militairement quantifiables. Entre la mise en avant de la mort tragique de l'instituteur Monnerot –dont la propagande française aura tiré tous les dividendes possibles- et le mouvement de menton du ministre de l'Intérieur, Mitterand, assénant que « L'Algérie c'est la France », se mettaient en place les conditions politiques qui devaient faire de l'ALN, l'adversaire prioritaire de la puissance coloniale, et du FLN l'hypothèse encore fragile d'un rassemblement national. Moins de cinq mois plus tard –avec la disparition de Didouche, les arrestations de Benboulaïd, Bitat, l'éloignement de Boudiaf, Ben M'hidi- la génération des fondateurs passait objectivement la main et celle des reconstructeurs – Abane et ses proches- s'attelait à imaginer le passage de l'insurrection à la guerre.