55 ans après le constat est sans appel. Ils ne se sont pas battus « pour ça ». Etudiants ou déjà combattants confirmés pendant la Révolution, ils ne reconnaissent pas leurs idéaux dans l'Algérie d'aujourd'hui. « Nous voulions une Assemblée constituante algérienne élue au suffrage universel sans distinction de race ou de religion », insistent ceux qui ont impulsé cette Révolution lors d'une rencontre hier à la librairie El Ijtihad à Alger. La démocratie, l'égalité et les acquis sociaux, Mohamed Mechati, membre l'Organisation Spéciale (OS) et dernier survivant du groupe des 21, semble en avoir fait le deuil. « Le résultat est plus que décevant ! », lâche-t-il, avant de faire mine de s'interroger : « j'ai fait toute cette guerre, tous ces sacrifices pour en arriver là ? ». Par pudeur ou par modestie, ces révolutionnaires de la première heure abordent à mots couverts les humiliations et le manque de reconnaissance aux lendemains de l'Indépendance. « Personne ne nous a reconnu en 1962, mais à 20 ans, je n'ai pas eu peur des canons français, alors ce n'est pas à 75 ans qu'ils réussiront à me faire taire ! », s'emporte Zoulikha Benkaddour, première élue de la section algéroise de l'UGEMA en 1955. Paraphrasant Kateb Yacine, elle assure que la France a laissé une arme aux Algériens : sa langue. Et elle s'en sert, notamment pour dénoncer. « Parce que j'ai été militante, je ne peux pas accepter les politiques de destruction qui sont pratiquées actuellement », explique-t-elle. A leur époque le mot d'ordre était « jetons la Révolution dans la rue, elle sera reprise par le peuple ». De là à risquer la comparaison avec 2009, il n'y a qu'un pas. Qu'aucun des anciens n'ose même plus rêver de franchir…