Les principes du 1er novembre 1954 ont régressé après l'indépendance L'indépendance du pays en 1962 a engendré des dirigeants qui ont confondu nation, Etat et société ; socialisme et capitalisme d'Etat ; socialisme national et national socialisme. Le droit du peuple algérien à disposer de lui-même, pour lequel il a combattu avec acharnement sept ans et demi durant, est devenu le droit de l'Etat à disposer de son peuple. Quand le pouvoir politique s'enferme, ferme le jeu politique sans ménagement, se replie sur lui-même, ne s'ouvre pas car l'ouverture et le renouveau sont indispensables, il devient dangereux. Il y a trois manières de présider à la destinée d'un pays, s'identifier à lui, c'est ce que font les rois, se mettre à son service, c'est ce qu'ont fait les martyrs de la guerre de Libération nationale, ou l'occuper par le flic et par le fric, c'est ce que fait le pouvoir actuel. Tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du président de la République, qui régente tout ce qui dans ce pays légifère ou délibère, en faisant des institutions qui ont été dévoyées. Le pouvoir n'a de sens que s'il n'est pas sensibilisé au peuple, s'exerce sous son contrôle, et demeure au service de la personne humaine, de sa dignité et de ses droits. C'est à l'Etat de refléter la volonté du peuple et non au peuple de se plier à la volonté de l'Etat. La vie politique est conçue avec un seul objectif, pérenniser le système politique en place depuis l'indépendance du pays. L'Algérie appartient-elle à tous les Algériens ou seulement à ceux qui détiennent le pouvoir ? Le climat politique est fait de méfiance, d'intolérance, de haine et d'exclusion. Il y a trois causes à la crise : la coupure du pays en deux, le manque de dialogue et la non-résolution des problèmes de fond qui se posent à la société. Il y a plus qu'une fêlure, une déchirure, une fracture au sein de la société, traversée par des divergences fondamentales et des balles d'influence. Nous vivons une période de blocage de la vie nationale où dans ses profondeurs se préparent un orage ou une tempête. L'Algérie a besoin de la levée de l'état d'urgence, qui conditionne l'ouverture du champ politique et médiatique ainsi que l'exercice des libertés individuelles et collectives d'une information libre et d'une justice indépendante. Télévision et radio uniques, moyens d'information et de propagande d'une grande puissance, qui exercent une sorte de dictature douce fabriquant un prêt à penser qui facilite le décervelage des Algériens, sont là pour rappeler que le pouvoir ne se partage pas, que toute orientation politique, culturelle et sociale ne peut venir que d'en haut, du Président qui n'admet aucun contre-pouvoir. La doctrine de la sécurité nationale supporte le contrôle permanent de la société par les services de sécurité qui contrôlent tout, dirigent tout, conduisent les Algériens dans la vie, de la naissance à la mort. Les questions sans réponse s'accumulent. Le pouvoir ne règle pas les problèmes, mais élimine ceux qui les posent, ne règle pas les contradictions mais élimine les contradicteurs. Un mort c'est un accident ou un crime, trois morts c'est un drame, et 200 000 morts, c'est une statistique qui se vérifie en Algérie. « Un pur trouve toujours un plus pur, qui l'épure » Quand une affaire politique prend le contre-pied de la volonté du pouvoir, il fait donner la justice qui transforme en délits ou en crimes des faits politiques et sociaux considérés dans les pays démocratiques comme des droits élémentaires des citoyens. La soumission organique et fonctionnelle de la justice au pouvoir politique, est la porte ouverte à l'arbitraire qui conduit toujours à des abus, à des injustices, ce qui est la négation de l'Etat de droit. La situation du pays est grave, préoccupante, la corruption florissante qui défie l'imagination est à tous les niveaux et dans tous les domaines, l'appétit de jouissance, la recherche effrénée du luxe se sont substitués aux valeurs fondamentales de la nation. La demande sociale a un prix, mais la paix sociale n'en a pas. Il y a une accumulation de revendications légitimes non satisfaites qui engendrent des mécontentements, des émeutes. Le désespoir, la détresse, la frustration, la déception, l'inquiétude et le découragement sont le lot des citoyens. Il y a une cassure, bien plus une rupture entre, d'une part, une minorité jouissant d'un niveau de vie égal ou supérieur à celui des pays développés et, de l'autre, la majorité de la population, les pauvres, les retraités, les enseignants, les fonctionnaires qui ne bouclent pas leurs fins de mois. Il y a ceux qui souffrent de la faim et ceux qui souffrent d'indigestion. L'Algérie est l'exemple d'une profonde injustice sociale. Les jeunes qui représentent l'espérance, la vie, l'avenir, sont en révolte contre un pouvoir qui refuse de les intégrer en tant qu'acteurs de la vie politique, économique et sociale et fait d'eux non pas des citoyens, mais des mineurs immatures. Les deux principes fondamentaux de la démocratie, l'autodétermination du peuple et l'alternance politique, ont été confisqués. La démocratie qui est création et contrôle du pouvoir, le régime politique de l'autorité librement consentie et non imposée, se réalise par l'alternance, les contre-pouvoirs, la régulation par le droit et l'Etat de droit, qui élargissent l'espace de liberté des citoyens d'une part et assurent les moyens économiques de cette liberté d'autre part. Elle n'existe pas seulement par des élections libres, et des institutions équilibrées, mais aussi un climat de liberté. La fraude électorale bien intégrée dans les mœurs politiques du pays est au rendez-vous de toutes les élections. Il faut mettre l'Algérie en marche, rassembler les Algériens de tous bords, une société civile mobilisée et mobilisatrice, qui peuvent apporter le concours de leurs expérience et de leurs compétences, au service de l'alternance démocratique. Les Algériens doivent changer leur regard sur la société, s'ouvrir sur la diversité culturelle et se mobiliser pour la justice sociale. Il ne faut sacrifier ni l'Algérie ni les Algériens qui veulent vivre normalement dans leur pays, sans violence, sans peur, sans injustice, sans arbitraire Alger le 29 octobre 2009