Le président français, Nicolas Sarkozy, veut-il faire le vide autour de lui, y compris dans son propre camp ? La comparution annoncée de l'ex-président Jacques Chirac devant le tribunal de Paris, mis en cause dans la sulfureuse affaire des « emplois fictifs », relance les intrigues de palais en France. Désormais, tous les coups sont permis, quitte à descendre Son Excellence de son piédestal. En effet, protégé durant sa présidence (1995-2007) par l'immunité que lui conférait sa fonction à la tête de l'Etat, M. Chirac se voit rattrapé par des chefs d'inculpation aussi graves que « détournements de fonds publics » et « abus de confiance » pour 21 emplois de complaisance présumés payés par son cabinet de maire de Paris qu'il était à l'époque. Pour une première ç'en est une, puisque Jacques Chirac est le premier ancien président français à être traîné devant la correctionnelle maintenant qu'il est devenu simple justiciable. Pourtant, on croyait que « l'affaire » était pliée ,quand en septembre dernier, le parquet représentant le ministère de la Justice avait requis un non-lieu général. Mais c'était compter sans la détermination de la juge d'instruction Xavière Siméoni qui a décidé de remuer les vieilles casseroles de Jacques Chirac. Les « emplois fictifs », sur lesquels Chirac va devoir s'expliquer, ont consisté à rémunérer sur le budget de la mairie de Paris des « chargés de mission » qui n'occupaient aucune fonction mais qui auraient tous été raclés dans les élections. Et parmi les bénéficiaires de la générosité « déplacée », prêtée à Chirac, figure le petit-fils du général de Gaulle, Jean de Gaulle et François Debré, frère de l'ancien ministre et ancien président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Mais ces derniers ne sont que des têtes de liste. EIles étaient 21 personnes supposées avoir profité de ces « emplois fictifs » sur les 481 emplois examinés par la justice, d'après la magistrate. L'ex-président français, qui est en vacances au Maroc, a publié un communiqué dans lequel il a déclaré prendre « acte de cette décision en justiciable comme les autres ». Casseroles bruyantes Mieux encore, M. Chirac s'est dit « serein et décidé à établir devant le tribunal qu'aucun des emplois qui restent en débat ne constitue un emploi fictif ». Mais il ne faudrait jurer de rien dans ce scandale politico-judicaire qui dégage une forte odeur de coup bas et de vengeance au sein d'une droite désunie. En France, on hésite, en effet, à faire le parallèle entre le renvoi de Chirac au tribunal et les péripéties vécues récemment par son ex-bras droit, Dominique de Villepin, dans l'affaire Clearstream. Dans ce duel inédit entre Sarkozy et de Villepin, beaucoup y ont vu la main de Chirac qui voulait scier les jambes de Sarkozy dans sa folle course à l'Elysée. Les mêmes soupçons pèsent également dans le procès dit « Angolagate », d'une vente d'armes à l'Angola dans les années 1990. L'ex-ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, un ancien proche de Chirac qui a été condamné à un an de prison ferme, a révélé que l'ex-président était informé de l'affaire et a demandé la levée du secret-défense. Une autre pièce compromettante à verser dans le dossier Chirac ? Peut- être. Une chose est certaine, Jacques Chirac « revenu » malgré lui aux affaires, risque selon la loi, jusqu'à 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende. De quoi ébranler le Landernau politique français. A droite comme à gauche. Pour le Parti socialiste, « un ex-chef d'Etat devant le tribunal pour des emplois fictifs, ce n'est pas la meilleure image qui soit » de la France. A l'UMP, on a même franchi le pas en regrettant une « épreuve douloureuse » pour l'ancien président. Anticipation sur le verdict ? Possible. Il est utile de rappeler que dans un volet de ce dossier, l'ex-Premier ministre, Alain Juppé, a été condamné en 2004 à 14 mois de prison avec sursis et une année d'inéligibilité. Et ce fut fatal pour celui qui allait presque « naturellement » recevoir le témoin de Chirac à l'Elysée. Ce verdict avait barré la route à Juppé et a, dans le même temps, ouvert grandes les portes à…Nicolas Sarkozy. C'est dire qu'après avoir assisté impuissant au défilement à la queue leu leu de ses anciens lieutenants devant le juge, c'est maintenant le président Chirac lui-même qui est appelé à la barre. Suprême injure pour un gaulliste pur et dur qui reste l'homme adulé de 76% des Français. Malgré ses casseroles trop bruyantes !