Dossier n Jacques Chirac devrait être le premier ex-chef d'Etat français à comparaître devant la justice, après son renvoi hier devant le tribunal de Paris dans une affaire d'emplois fictifs. Jacques Chirac, protégé pendant 12 ans par sa fonction à la tête de l'Etat puis redevenu justiciable ordinaire, sera jugé pour «détournements de fonds publics» et «abus de confiance» pour 21 emplois de complaisance présumés, payés par le cabinet du maire de Paris, fonction qu'il a occupée de 1977 à 1995. «Pourquoi chercher à le blesser maintenant ? Pourquoi porter atteinte à la fonction présidentielle ? Pourquoi encourager ceux qui s'attaquent à l'image de la France ?», s'est interrogé son ex-Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. La droite française est sous le choc des affaires. L'ordonnance de la juge d'instruction Xavière Siméoni intervient alors que les Français viennent d'assister à deux procès retentissants qui sont aussi ceux des turpitudes de leur classe politique. Dans les deux cas, l'ombre de Jacques Chirac a plané sur les débats. Dans l'Angolagate, le procès fleuve d'une vente d'armes à l'Angola dans les années 90, l'ex-ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, un de ses anciens proches, a été condamné à un an de prison ferme, en même temps que 35 autres personnes. Il a demandé la levée du secret défense, en assurant que Chirac était informé de l'affaire. Dans le procès Clearstream, c'est son dernier Premier ministre, Dominique de Villepin, qui s'est retrouvé au centre de l'arène judiciaire, accusé d'avoir participé à une machination visant à discréditer Nicolas Sarkozy. Le système des «emplois fictifs», sur lequel M. Chirac va devoir s'expliquer, lui permettait de rémunérer sur le budget de la mairie de Paris des «chargés de mission» qui n'y avaient en réalité aucune activité. Parmi les bénéficiaires, on trouvait par exemple, le petit-fils du général de Gaulle, mais aussi François Debré, frère de l'ancien président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Dans son ordonnance, Xavière Simeoni explique que M. Chirac a «eu une action déterminante» dans «la conception et la mise en place d'agents dits chargés de mission à la mairie dès 1977», et ce pour «asseoir son influence politique» et celle de son parti «sans bénéfice pour la communauté des Parisiens». Jacques Chirac, 76 ans, doit répondre de «21 supposés emplois fictifs sur les 481 emplois examinés par la justice, ce qui exclut toute idée de système», s'est défendu son bureau dans un communiqué. Chirac est serein et décidé à établir devant le tribunal qu'aucun des emplois qui restent en débat ne constitue un emploi fictif. Semi-retraité après plus de 40 ans de vie publique, M. Chirac est très populaire en France.