Les chances de Tony Blair de devenir le premier président de l'Europe ont encore un peu plus fondu lors du sommet des dirigeants européens, laissant la course encore ouverte et la voie libre à un représentant d'un petit pays. Le Premier ministre britannique, Gordon Brown, s'est bien démené jeudi et vendredi auprès de ses collègues pour promouvoir cet « excellent candidat ». Mais l'enthousiasme n'est clairement pas au rendez-vous. « La pente ne sera pas facile à remonter pour Blair », résume un diplomate européen. Jusqu'ici, la recherche du « George Washington européen » s'apparente à un théâtre d'ombres chinoises, où chacun avance masqué pour ne pas risquer de voir ses chances réduites trop tôt à néant. Et où une série de « non candidats » concourt dans l'ombre pour un poste qui n'existe pas encore. Ce jeu de dupes devrait toutefois bientôt prendre fin après un accord trouvé jeudi soir à Bruxelles pour débloquer le traité de Lisbonne et sortir l'Europe de l'incertitude institutionnelle dans laquelle elle se morfond depuis une dizaine d'années. Les dirigeants européens ont accordé au président tchèque eurosceptique la dérogation qu'il demandait afin qu'il puisse enfin signer le texte censé faire fonctionner l'UE de manière plus efficace, et lui donner un plus grand rôle sur la scène internationale. Prague table sur une entrée en vigueur « d'ici la fin de l'année ». Un sommet européen spécial sur les nominations prévues par le traité n'est pas exclu courant novembre. Tony Blair se voit d'abord reprocher l'euroscepticisme britannique. « Le président (Nicolas Sarkozy) a une grande estime pour Tony Blair mais le fait que le Royaume-Uni ne soit ni dans la zone euro ni dans la zone Schengen n'est pas forcément un atout », reconnaît une source proche de la présidence française. Même la propre famille socialiste du fondateur du « Nouveau Labour » n'en veut pas. Le « Washington » de l'UE Elle lui reproche son soutien à la guerre en Irak. « Il y a à coup sûr un Premier ministre, Gordon Brown, qui soutient Tony Blair. Mais tous les autres chefs de gouvernement soutiennent l'ambition de la famille socialiste qui est d'obtenir le poste de Haut représentant aux affaires étrangères de l'UE, et pas celui de président du conseil européen », a ironisé le chef de file des députés européens socialistes, Martin Schulz. L'intensité de la campagne de Londres pour Tony Blair pourrait du coup préparer le terrain à une solution de repli : celle du chef de la diplomatie britannique, le travailliste David Miliband, un proche de Blair, au poste de « ministre » des Affaires étrangères de l'UE, estiment des diplomates. Les socialistes européens poussent en tout cas en ce sens, même si l'intéressé assure ne pas être disponible. Cette option en ferait sans doute l'homme fort de la future Union européenne, doté d'un puissant service diplomatique inédit. Car l'Europe semble s'orienter pour le président permanent vers un candidat d'un petit ou moyen pays, qui aurait une vision plus modeste du poste que Blair. Le Premier ministre conservateur des Pays-Bas, Jan Peter Balkenende, est considéré comme un candidat de compromis. Le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker n'a pas abandonné espoir, même si pour beaucoup, il s'est « sacrifié » pour faire barrage à Tony Blair. Et Vienne caresse aussi des espoirs pour son ancien chancelier de droite Wolfgang Schüssel. Autant dire que l'ex-« poulain » de George Bush n'est pas bien armé pour « américaniser » l'Europe.